À la Une: les enseignements de la tentative de putsch au Bénin
09 December 2025

À la Une: les enseignements de la tentative de putsch au Bénin

Revue de presse Afrique

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48 heures après le coup de force des militaires à Cotonou, « l’heure n’est plus seulement au soulagement, mais à l’autopsie d’une faillite sécuritaire et politique, relève Afrik.com. En effet, au-delà de l’échec opérationnel des mutins, cet événement marque une rupture : le "modèle béninois", cette exception démocratique (déjà écornée) dans une région sahélienne en feu, vient de montrer ses limites structurelles.

« Depuis 2016, précise le site panafricain, le président Patrice Talon a opéré un changement radical de paradigme : sacrifier une part des libertés publiques et du pluralisme politique sur l’autel de l’efficacité économique et de la modernisation des infrastructures. Mais ce coup de force, bien que déjoué, suggère que ce pacte ne fait plus l’unanimité, y compris au sein des "corps habillés". La prospérité macroéconomique vantée par le régime ne ruisselle pas assez vite pour apaiser les frustrations sociales, et celles désormais affichées des militaires, affirme encore Afrik.com. En verrouillant le système électoral (à savoir l’exclusion de l’opposition radicale lors des législatives passées et les difficultés pour la présidentielle de l’année prochaine), le pouvoir a involontairement fait de la caserne le seul lieu de contestation possible. Lorsque l’urne est cadenassée, le fusil devient tentant. »

Frustrations nombreuses

En effet, renchérit Le Pays au Burkina Faso, « la question qui se pose est de savoir si Patrice Talon saura tirer les leçons de ce pronunciamiento avorté qui, après coup, apparaît comme un avertissement sans frais pour lui. La question est d’autant plus importante qu’au-delà des revendications des comploteurs, l’atmosphère sociopolitique reste teintée de souffre dans ce contexte préélectoral où, entre embastillement d’opposants et mise à l’écart du principal parti d’opposition, "Les Démocrates" de l’ancien président Boni Yayi, les frustrations sont nombreuses. Et ce, dans une ambiance où le président Talon est accusé de dérives autoritaires par ses contempteurs. »

Le rôle de la France…

Jeune Afrique pour sa part nous éclaire sur le rôle de la France lors de cette tentative de coup d’État. « Dès les premières heures dimanche, le président français a été informé de l’évolution de la situation. Emmanuel Macron et Patrice Talon ont échangé par téléphone au cours de la journée. Selon nos informations, poursuit le site panafricain, le chef de l’État français a fait savoir à son homologue béninois qu’il avait prépositionné à Cotonou des membres des forces spéciales de l’armée française, mises en alerte dès le début des événements. Emmanuel Macron a également joint le chef de l’État nigérian, Bola Tinubu, pour appuyer les demandes d’intervention formulées par les autorités béninoises. (…) Dans le même temps, révèle encore Jeune Afrique, les services de renseignements français ont apporté un appui technique aux Forces de défense et de sécurité béninoises, qui combattaient les mutins aux abords de la présidence, puis des studios de la chaîne de télévision nationale. Un avion de surveillance a notamment survolé la capitale béninoise à de nombreuses reprises durant la journée de dimanche. »

Et Jeune Afrique de rappeler enfin que « la France et le Bénin sont liés par des accords de coopération militaire depuis 1977, qui sont très régulièrement mis à jour ».

Davantage de coups d’États en Afrique ?

Enfin, à lire dans Le Monde Afrique, cet entretien avec Achille Mbembe. Pour le philosophe et politologue camerounais, nous assistons à une crise du multipartisme en Afrique : « une "crise du multipartisme" et non une "crise de la démocratie", affirme-t-il, pour la simple raison que la quasi-totalité des pays du continent n’ont jamais rempli les critères élémentaires d’un État de droit. Dans les années 90, suite à la poussée protestataire contre les régimes autocratiques, des arrangements institutionnels découlant des conférences nationales avaient été mis en place, dont l’autorisation de partis d’opposition. Mais, tout cela n’était que de façade. »

Et les institutions actuelles, estime encore Achille Mbembe, « ne sont pas prêtes pour traiter politiquement les conflits que génèrent les sociétés. Héritées dans la plupart des cas de l’époque coloniale, elles ont été conçues pour commander au lieu de dialoguer, pour réprimer au lieu de négocier. C’est ce qui explique le recours systématique à la violence. Tant qu’on ne s’attaque pas à ce système, il y a fort à parier que cette dynamique va se poursuivre. Et, conclut le philosophe et politologue camerounais, dans les temps à venir, nous allons à assister à davantage de coups d’État en Afrique ».