À la Une: le spectre de l’excision…

À la Une: le spectre de l’excision…

RFI
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Cette pratique de l’ablation du clitoris des petites filles a été interdite dans de nombreux pays africains. Mais les traditions ont la peau dure et régulièrement les législations qui interdisent l’excision sont remises en cause, le plus souvent pour des prétextes religieux fallacieux… C’est le cas en Gambie. Depuis mars, le débat faisait rage dans le pays. Un député, Almameh Gibba, avait déposé un projet de loi pour lever l’interdiction de l’excision, en vigueur depuis 2015. Il affirmait qu’il s’agissait une pratique culturelle et religieuse profondément enracinée.

Finalement, pointe Le Monde Afrique, « les députés gambiens ont rejeté, hier, cette proposition de loi, après des mois (donc) de controverse et de pressions internationales. Les députés ont rejeté tous les amendements proposés au texte de 2015 et qui auraient dépénalisé la pratique. Les groupes de défense des droits humains et les Nations unies avaient exhorté les députés à rejeter la proposition de loi, affirmant qu’elle menaçait des années de progrès et qu’elle aurait fait de la Gambie le premier pays à annuler l’interdiction des mutilations génitales féminines. »

Ouf de soulagement…

C’est « un signal fort », s’exclame le site Afrik.com. « Ce 15 juillet 2024 marque un tournant historique en Gambie. L’abrogation de cette loi aurait marqué un recul significatif pour les droits des femmes » dans le pays.

L’Observateur Paalga à Ouagadougou renchérit : ce « niet fait pousser un ouf de soulagement aux Gambiennes, aux féministes du monde entier et aux organisations de défense des droits humains qui sont montés au créneau pour dénoncer un projet dont l’adoption aurait fait de la Gambie le premier pays du monde à revenir sur l’interdiction de l’excision. »

Toutefois, soupire le journal, « une chose est d’avoir retoqué la proposition de loi rétrograde et une autre est de pouvoir infléchir le taux de prévalence de cette pratique sur les femmes et les jeunes filles dans le pays. Et ça, c’est une autre paire de manches qui relève en premier lieu des pouvoirs publics. Quand on sait que depuis 2015, année de l’adoption de la pénalisation de l’excision, seulement deux cas de transgression ont fait objet de poursuites judiciaires, on imagine aisément le chemin qui reste à parcourir pour sauver les jeunes filles de cette épreuve initiatique que rien ne saurait justifier de nos jours. » 

Les efforts de l’ONU et des ONG

« Il s’en est fallu de peu pour que les Gambiens rament à contre-courant de la lutte titanesque contre les mutilations génitales féminines », insiste WakatSéra au Burkina Faso. « Le drame a été évité de justesse pour le bonheur de nombre de ces jeunes filles gambiennes qui étaient dans le collimateur des bourreaux du clitoris. »

Et WakatSéra de saluer les efforts de l’ONU et de nombreuses ONG qui luttent contre cette pratique : « en s’appuyant efficacement sur des chefs traditionnels et religieux, mais aussi des leaders communautaires, des campagnes intenses de sensibilisation ont été menées à travers le continent, et ont conduit de nombreux exciseurs et exciseuses à se débarrasser de leurs couteaux et lames. Toutefois, dans certains pays, le phénomène survit contre vents et marées, continuant de faire des victimes, même dans des familles dites modernes. »

Un argument anti-impérialiste ?

En effet, précise Jeune Afrique, « les sociétés africaines ont toujours en leur sein des franges conservatrices (…). Les avocats de l’excision brandissent souvent des arguments religieux, malgré l’infirmation des érudits des textes saints (en effet, rien dans le Coran ne prescrit l’excision). Ils s’arc-boutent sur un vague enracinement de la pratique dans les croyances traditionnelles et les us et coutumes. (…) C’est ainsi, pointe le site panafricain, qu’il y a quelques jours, en Sierra Leone, à l’occasion de l’interdiction du mariage des enfants, les défenseurs des droits des filles regrettaient que la mesure ne soit pas accompagnée d’une interdiction des mutilations génitales féminines. »

C’est ainsi également que « lorsque les autorités transitoires burkinabè ont récemment décidé la promotion des coutumes et des traditions, a alors commencé à fleurir le débat sur une excision, pourtant officiellement qualifiée d’acte d’oppression depuis l’ère sankariste. »

Et Jeune Afrique de s’interroger : « les traditions les plus réactionnaires constitueraient-elles un bon argument anti-impérialiste, pour peu que lesdites pratiques choquent l’Occident ? »