Tensions entre Israël et le Liban: la région de Tyr enlisée dans la crise

Tensions entre Israël et le Liban: la région de Tyr enlisée dans la crise

RFI
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Le bilan de la guerre à Gaza est extrêmement lourd : depuis octobre 2023, on dénombre plus de 34 000 morts dans l’enclave, selon les chiffres donnés par le Hamas. Mais c'est un autre front, plus au nord, entre le Liban et Israël, qui fait craindre une escalade régionale. Depuis le 9 octobre 2023, des affrontements ont lieu quotidiennement entre le Hezbollah, puissant parti chiite et allié libanais de l’Iran, et Israël à la frontière. Les échanges de tirs quotidiens ont déjà fait plus de 440 morts – dont une centaine de civils – côté libanais et une vingtaine côté israélien. 

De notre envoyée spéciale de retour de Tyr,

Tyr est d’ordinaire un port de pêche paisible. Mais depuis le 9 octobre 2023, cette station balnéaire prisée des touristes vit au rythme de la guerre entre Israël et le Hezbollah, l’allié libanais de l’Iran.

Elias Kayal a ouvert un restaurant italien il y a tout juste un an. Mais la guerre a mis un coup d’arrêt à son activité. Si les caisses sont vides, il garde le sourire malgré tout. 

« Je pense que nous sommes au-delà de la récession, c’est vraiment la dépression », constate le restaurateur. « Économiquement, ça ne va vraiment pas. Ça fait maintenant six mois que nous avons commencé à toucher seulement la moitié de notre salaire, car il n’y a pas de revenus. »

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Un tiers des déplacés dans la région de Tyr

Si Elias Kayal a du mal à joindre les deux bouts, d’autres ont tout perdu. La région de Tyr accueille à elle seule un tiers des 100 000 déplacés par le conflit. À l’école primaire pour filles de la ville, pendant que les cours ont lieu au rez-de-chaussée, les habitants des villages frontaliers ont trouvé refuge dans les salles de classe dans les étages. Zeinab Ali Wahid y est hébergée avec ses deux enfants et sa mère.

« Mon fils et ma mère dorment sur ce matelas, moi et ma fille sur celui-là », indique la déplacée. Leur maison, située dans le village de Jebbayn, à deux kilomètres de la frontière, a été détruite par les bombardements israéliens. « On s’est enfuis à bord d’un pick-up. Les enfants avaient très peur. Après, je suis retournée voir ce qui restait de la maison, tout est détruit », raconte-t-elle.

En guise de dédommagement, de nombreux déplacés disent recevoir une aide financière du Hezbollah. Une manière pour le parti de ne pas perdre le soutien de sa base qui souffre de la guerre. « Grâce à Dieu, le Hezbollah nous aide, ils nous donnent 200 dollars par mois, ça permet de s’occuper des enfants et de les nourrir », explique Zeinab Ali Wahid.

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« Je ne sais pas comment on va continuer »

De son côté, l’État libanais, enlisé dans une crise économique lancinante, fait avec les moyens du bord. La mairie de Tyr a ouvert une cellule de crise. À sa tête, Mortada Mehanna doit accueillir chaque jour de nouvelles familles sans aucun budget.

« Les bombardements s’intensifient, la situation n’est pas rassurante. Au Liban, l'État est ruiné, il n’y a pas de budget et l’aide des ONG ne suffit pas. Je ne sais pas comment on va continuer... », s'inquiète-t-il. « Moi, j'espère que cette crise va s’arrêter, car c’est de plus en plus dur pour tout le monde. »

Éreinté par près de cinq ans de crise économique et politique, le Liban mettra des mois, voire des années, à se remettre du conflit en cours.