Une semaine après la chute de Bachar el-Assad, le nouveau pouvoir s’installe progressivement. C’est une coalition de rebelles, dont des islamistes, qui promet de garantir les droits des minorités en Syrie. Mais dans la communauté chrétienne qui ne représenterait plus que 2% de la population, les inquiétudes sont bien là.
De nos envoyés spéciaux, Murielle Paradon et Boris Vichith
Dans une église, en banlieue de Damas, une vingtaine de fidèles assistent à la messe du matin. Le prêtre multiplie les messages rassurants après l’arrivée au pouvoir des rebelles, dont des islamistes. « N’ayez pas peur », dit-il. Le nouveau gouvernement a promis le respect des droits de toutes les communautés. Jihane Atallah est religieuse dans une congrégation catholique, elle attend de voir : « Puisqu’il y a eu des pourparlers entre hommes de religion, la première chose qu’on a cherché à assurer, c’est la liberté de culte. C’est une période transitoire, on a plein de promesses, donc on reprend confiance. Il faut donner une chance au nouveau pouvoir. »
Nous rencontrons la famille Bittar, chez elle, dans un quartier où cohabitent plusieurs communautés : sunnites, druzes et chrétiens. La famille est grecque orthodoxe. Kamil, 23 ans, étudiant en médecine, fait la part des choses entre ses amis musulmans et ceux qui sont radicaux : « J’ai beaucoup d’amis musulmans, très gentils, je vis à leurs côtés chaque jour. Je ne pense pas qu’on puisse parler de peur, mais comme la situation n’est pas encore claire, nous sommes dans l’incertitude. Et ce qui nous fait peur, c'est le radicalisme, si on veut nous imposer des idées et des règles strictes. »
À lire aussiLe pape François invite les Syriens à reconstruire un pays ouvert à toutes les religions
Bachar el-Assad, le président déchu, se posait en défenseur de la minorité chrétienne en Syrie. Sa fuite du pays met en colère la mère de famille, May Bittar. Mais elle s’inquiète surtout d’une possible mainmise des islamistes radicaux sur le pouvoir. Et elle se demande si elle ne sera pas forcée un jour de quitter son pays : « Nous, les chrétiens d’Orient, nous vivons toujours dans l’inquiétude de savoir où aller, si on pourra rester dans notre pays, si on nous assurera les conditions pour rester. On a peur, on ne sait pas ce qui nous attend. Et ce n’est pas une vie de devoir quitter sa maison. »
Malgré la peur, cette directrice d’école espère rester en Syrie, pour pouvoir continuer à éduquer les jeunes générations. « On a déjà perdu trop de temps », dit-elle, après 14 années de guerre.