Retour à Kfar Blum, dans le nord d'Israël, un kibboutz dans la guerre
12 May 2025

Retour à Kfar Blum, dans le nord d'Israël, un kibboutz dans la guerre

Reportage international

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Après le 8 octobre 2023 et l'offensive lancée par le Hezbollah - en solidarité avec le Hamas à Gaza -, 60 000 personnes ont été priées d'évacuer les villages et communautés frontalières au Liban. En mars, le gouvernement israélien a décrété que le retour était possible, mais toutes ne sont pas revenues. Dans le nord d'Israël, le Kibboutz de Kfar Blum, lui, se trouvait juste en dehors de la zone d'évacuation. Trop loin pour que les habitants puissent bénéficier d'une aide gouvernementale pour se réinstaller ailleurs, mais suffisamment proche du Liban pour constituer une cible de choix pour le Hezbollah.

Jeux d'enfants dans l'école élémentaire de Kfar Blum. Loin des sons de la guerre qui rythmaient le quotidien l'an dernier.

« Ça, c'est une roquette qui part ! Ah, là, elle est tombée. Ils ont tout appris, les enfants, souligne-t-elle en riant. Ils sont très intelligents. Ils se sont habitués à la situation, et je pense que, le soir, ils devaient regarder les informations ! »

Limor Dadon et Shani Saar sont deux enseignantes. Elles habitent ailleurs, mais n'ont jamais quitté leur poste, même quand les sirènes hurlaient et les roquettes tombaient. « Certains enfants ont quand même développé de l'anxiété. J'ai un élève qui malheureusement s'est fait pipi dessus en entendant le son des sirènes d'alerte. Il faut s'occuper de quinze enfants qui demandent en panique "mon Dieu qu'est-ce-qui se passe ?". Mais il faut aussi s'occuper de ce garçon qui a peur, et qui a honte de ce qui s'est passé. En tant qu'enseignante, il faut montrer de la force, montrer qu'on contrôle la situation. C'est le plus important. »

« En fait, instaurer une routine les aide à rester sains d'esprit. Il faut leur dire "OK, il y a tout ça autour de nous, mais ça va aller". »

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Kfar Blum ne sera plus jamais pareil

« On a commencé à travailler sans clients, et sans travailleur. On n'avait pas de clients, pas de visiteurs, on n'avait rien. » Elyse est une cadre de l'hôtel Pastoral. Elle décrit la réalité pendant la guerre dans ce lodge de luxe depuis janvier. Après d'immenses efforts de la direction, la main d'œuvre est presque entièrement revenue. « 80 % et on attend, on attend jusqu'à ce que tous les gens retournent avec les enfants. L'année prochaine, j'espère qu'on aura tous nos travailleurs ici. »

« Quand tous les habitants seront rentrés, que trouveront-ils ? Quelques maisons partiellement abimées, à réparer sans l'aide du gouvernement puisque les autorités n'ont pas évacué le village », s'exclame Masha. La vieille dame habite Kfar Blum depuis 1955. Pour elle, une chose plus importante encore s'est brisée à Kfar Blum. « Ici, ça ne sera plus jamais comme avant. On ne parle même plus des sujets qui fâchent entre nous. Ça part en hurlements. Ce n'est pas comme en ville où tout le monde s'exprime. On n'est pas ennemis pourtant, on est tous Israéliens. Mais si vous n'êtes pas avec ce gouvernement, Bibi et les autres, on vous déteste et c'est cela qu'ils cherchent. »

« Ils », ce sont les soldats du Hezbollah de l'autre côté de la frontière. Dans le nord d'Israël, nombreux sont ceux qui pensent que la menace n'a pas disparu. Des familles avec enfants attendent la fin de l'année scolaire pour se décider éventuellement à retourner à Kfar Blum. Sur les 60 000 personnes évacuées des localités du nord, la moitié seulement seraient rentrées.

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