La Pologne veut investir dans la rénovation et la construction d'abris antiaériens
30 May 2025

La Pologne veut investir dans la rénovation et la construction d'abris antiaériens

Reportage international

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En Pologne, alors que le second tour des élections présidentielles se déroule ce dimanche 1er juin, la question de la sécurité est dans tous les esprits. Les petites villes polonaises aussi investissent dans ce domaine, notamment en construisant des abris antiaériens pour se préparer au risque d’une guerre.

 De notre envoyée spéciale à Varsovie

Krystyna Gucewicz est écrivaine. Elle est née à Mińsk Mazowiecki, juste après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Selon elle, cette ville disgracieuse située à 45 kilomètres à l’est de Varsovie « est une ville de passage » à tous celles et ceux qui rêvent de monter à la capitale.

Enfant, Krystyna jouait avec des amis à la guerre dans les rues de sa ville natale. Mais des abris ici ? « Jamais entendu parler... Secret défense, sans doute. Comme tout ce qui touchait au domaine public sous le communisme, y compris les cartes géographiques. Je dois dire que vous êtes la première à m'en parler. Est-ce qu'on a besoin de ces abris ? À l'heure actuelle, cela ne se discute pas ! », conclut la femme aux cheveux rouge vif.

Barbara, propriétaire d'un point photo, abonde : « Notre ville abrite une base aérienne avec un escadron du 1er régiment d'aviation de chasse. Ils sont là pour défendre Varsovie. Si la Russie attaque, cette base sera la première à être visée. Alors, les abris ? Parlons-en, Monsieur le Maire ».

Les villes rénovent à tour de bras

Marcin Jakubowski, le maire de cette ville de 30 000 habitants, tient un discours rassurant à l’égard de ses administrés. C'est sous un immeuble d'habitation dans le centre-ville qu'il nous a donné rendez-vous : « Nous sommes dans un abri antiaérien d'une capacité de 55 personnes, construit dans les années 1950. Nous avons franchi cette double porte étanche. Ce que vous entendez, c'est la pompe à air. Voici des stocks d'instruments de mesure et de communication, comme la radio. Les murs de 2 mètres d'épaisseur laissent passer le réseau mobile et protègent contre une attaque chimique. L'endroit est équipé d'un réservoir d'eau potable et d'une voie d'évacuation. Mais la guerre en Ukraine nous a appris que les lieux les mieux adaptées à la protection des civils sont les parkings souterrains ou les stations de métro. »

La Pologne n’est, certes, pas en état de guerre, martèle le maire, mais les autorités ayant averti à plusieurs reprises que le pays devait s’y préparer. Dès le début de l’année, différentes institutions d'État ont entrepris l’inspection, le contrôle et la rénovation des abris antiaériens pour protéger la population. Un enjeu pour le budget des collectivités locales, mais qui répond à l’inquiétude de leurs habitants.

Construire des infrastructures dites « à double usage  », adapter tous types de lieux qui peuvent servir de refuge est un vrai défi pour la ville de Mińsk Mazowiecki, soupire Marek Heller, colonel de l'armée de l'air à la réserve et chef de la cellule de crise locale : « Pour que les gens se sentent en sécurité, il faut intégrer la notion de danger dans la stratégie nationale. Et celui-ci est réel. Planifier ces travaux engendre des dépenses, mais il faut que l'on soit prêt pour y faire face. »

Les investissements massifs pour protéger la population

La Pologne compte débourser plus de 2 milliards d'euros par an pour la construction d’abris, soit 0,3% du PIB polonais. Un plan national sous l’égide de l’Agence gouvernementale de réserves stratégiques devrait être déployé sur tout le territoire dès l'été prochain.

Mais le pays devra accélérer la cadence s'il veut égaler en la matière la Finlande et la Suède, qui, elles aussi, redoutent une possible offensive russe. En effet, les autorités suédoises ont réactivé leur concept de « défense totale » en 2015 et intensifié cet effort après l’invasion russe de l’Ukraine en 2022.

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