En Argentine, le président Javier Milei procède à la destruction méthodique de l'État
15 April 2025

En Argentine, le président Javier Milei procède à la destruction méthodique de l'État

Reportage international

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Le démantèlement de l’État comme programme de gouvernement. Le président argentin Javier Milei l’affirme : son plan tronçonneuse ne s’arrêtera que lorsqu’il sera arrivé à bout de l’État argentin. Depuis son élection, il a réduit les dépenses publiques d’un quart, supprimé la moitié des ministères et les postes de milliers de fonctionnaires. Au fur et à mesure des vagues de licenciements, ce sont aussi des politiques publiques qui disparaissent.

De notre correspondant à Buenos Aires, 

« Ils m’ont virée… » Ils m’ont virée après 25 ans, répète Nora Farías, en larmes. Devant la porte du ministère du Capital humain à Buenos Aires, des agents de police contrôlent l’identité des travailleurs. « Ils nous traitent comme des délinquants sur le lieu où nous sommes venus travailler pendant des années. » Le vendredi précédent, à 22h30, plus de 1 800 employés du ministère ont appris par mail qu’ils étaient licenciés. « C’est d’une cruauté… Nous n’avons pas été convoqués, personne n’assume ses responsabilités. On a simplement reçu un mail générique qui dit qu’on est licencié. »

Nora ne recevra aucune indemnité. En tant qu’agent contractuel de la fonction publique, elle a enchaîné pendant plus de deux décennies des contrats d’un an renouvelable. À son arrivée au pouvoir, le président Javier Milei a réduit la durée de ces contrats à trois mois, et à chaque échéance, des milliers de postes sont supprimés. « En décembre dernier, ils nous ont fait passer un examen en nous promettant que si on le validait, notre contrat serait renouvelé pour un an. »

Malgré cette promesse, le poste de Lucía vient d’être supprimé. Comme 96% des quelque 40 000 fonctionnaires soumis à ce test d’aptitude, elle l’avait pourtant validé : « Ce test est une honte, c’était juste une manière de nous mettre sous pression. Je pense qu’ils nous sous-estiment tellement qu’ils pensaient que nous n’allions pas le valider. C’est pour cela qu’ils n’ont pas tenu leur promesse sur les renouvellements de contrat. »

Le grand ménage dans les ministères

Après onze ans dans la fonction publique, Lucía se retrouve à chercher du travail en pleine crise économique : « On est touchés personnellement, car il faut qu’on paye notre loyer, qu’on achète à manger, mais à côté de cela, en licenciant des fonctionnaires, ils sont en train de supprimer de facto des politiques publiques. Et il faut comprendre que cela signifie que les personnes vulnérables n’auront plus personne à qui s’adresser. »

Comme Lucía et Nora, Gustavo Grosso travaillait pour un département du ministère chargé d’accompagner, de subventionner des projets communautaires. Le département a été dissout et l’intégralité de ses employés licenciés : « Les projets sur lesquels je travaillais avaient pour but de financier des bibliothèques, des radios communautaires ou des terrains de foot pour des clubs. Les conséquences sont considérables, et elles seront de plus en plus criantes dans le futur. »

En tant qu’anarcho-capitaliste, Javier Milei rêve d’une société sans État où les relations humaines seraient entièrement régulées par la main invisible du marché, rappelle Laura Villaflor, qui a, elle aussi, vu son poste supprimé. « Chaque fonctionnaire en moins fait reculer la présence de l’État sur le territoire, et participe donc de l’extermination de l’État, qui est le cœur du projet politique de Javier Milei. »

Pour l’année 2025, Javier Milei a annoncé la couleur : la « deep motosierra », ou « tronçonneuse profonde » supprimera ou fusionnera soixante organismes de l’État.

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