Dans le nord-est de la Syrie, les disparus de la route vers Tabqa
20 December 2024

Dans le nord-est de la Syrie, les disparus de la route vers Tabqa

Reportage international
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Dans le Nord-Est syrien, la ville de Tabqa est devenue la porte d’entrée des réfugiés qui ont fui il y a 20 jours l’offensive des forces pro-turques contre les zones contrôlées par les forces kurdes au nord d’Alep, en parallèle de l’offensive menée par les HTS vers Damas. Le stade de la ville accueille un camp de déplacés. Ces familles sont toutes parties des cantons de Shahba et Tel Rifaat, au nord d’Alep, mais en arrivant, des milliers de personnes manquaient à l’appel. À présent, elles cherchent leurs proches disparus.
 

De notre envoyé spécial à Tabqa,

Tout au bout du terrain battu par les vents où s’est installé le camp de déplacés de Tabqa, la tente de Shinaz est désespérément vide. Quand ils ont fui le canton de Shahba au nord d’Alep, en Syrie, avec son mari et ses enfants, ils étaient cinq. À l’arrivée, ses deux fils avaient disparu. « Nous avons fui avec le convoi et quand on s’est arrêté pour se reposer, on a vu que mon fils manquait, témoigne Shinaz. Il dormait sur le toit de la voiture, sur les matelas, et il est apparemment tombé et s’est perdu. Mon second fils, lui, nous suivait à moto et il a disparu. On ne sait pas s’il a été capturé, ou s’il a juste disparu. Il avait 20 ans. »

Son mari a fait le tour de tous les hôpitaux d’Alep, sans résultat. Le cas de Shinaz n’est pas isolé. Dans le bâtiment qui sert de salle de repos, Asman est plongée dans ses pensées. Son fils Mohammed, 18 ans, travaillait dans une clinique militaire lorsque les forces pro-turques ont attaqué. « Au moment où nous avons fui, nous n’avons pas pu attendre parce qu’on nous disait qu’ils tuaient des gens. J’ai essayé d’appeler Mohammed pour qu’il parte avec nous, mais il n’y avait plus de réseau, une larme coule sur la joue d’Asman. Je pensais qu’il avait peut-être fui avec son commandant ou avec le personnel médical. » La veille, elle a eu des nouvelles par l’un des collègues de son fils qui étaient avec lui, ce jour-là. « À l’issue de tirs croisés, cet homme a été blessé, mon fils a été arrêté. Il n’a pas été blessé, mais il a été attrapé. J’ai demandé où il a été emmené, il m’a répondu : “Je ne sais pas” ».

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« Plus de 350 personnes ont été kidnappées »

À l’extérieur, un jeune homme s’avance. Une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux montrerait son oncle entre deux hommes armés. « Ils l’ont forcé à porter l’uniforme, alors qu’il était en vêtements civils, et ils l’ont filmé, se désole le jeune homme. Il a été torturé et battu pour dire qu’il était des forces kurdes, pour qu’ils puissent le livrer aux services de renseignement turcs. »

Ces témoignages, bien que difficiles à vérifier, se répètent dans tout le Nord-Est syrien. Ibrahim Cheikh, directeur du Comité pour les droits humains de Shahba et Afrin, aide à collecter des informations. « Depuis que nous sommes arrivés, nous avons reçu des documents rassemblés par les gens et nous avons enregistré les noms. Nous sommes assez certains que plus de 350 personnes ont été kidnappées, mais au total, il manque plus de 3 000 personnes. »

Les familles attendent des réponses et craignent le pire. Mais parfois, le miracle a lieu. Rashid avait perdu sa famille sur la route et vivait à Raqqa, il l’a finalement retrouvé ici la veille. « Mon frère, Mohammed, quand je suis arrivé à Tabqa, j’ai pu le retrouver dans sa tente, avec ma sœur, mon père, ma mère, se réjouit-il. Grâce à Dieu, nous nous sommes retrouvés. »

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