Reportage international
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Chaque jour, l’illustration vivante et concrète d’un sujet d’actualité. Ambiance, documents, témoignages, récits en situation : les reporters de RFI présents sur le terrain décrivent le monde avec leur micro. 

Vu d'Australie, champion du libre-échange, la guerre économique de Trump suscite l'interrogation
03 February 2025
Vu d'Australie, champion du libre-échange, la guerre économique de Trump suscite l'interrogation

La plupart des économistes locaux estiment que l’Australie saura faire valoir son statut d’allié stratégique pour éviter d’être directement sanctionné. Mais redoutent que la hausse massive des droits de douane promise par Donald Trump sur les exportations venues de Chine, le principal partenaire commercial de l’Australie, aura indirectement des conséquences lourdes sur l’économie de l’île-continent.

De notre correspondant à Canberra,

Protéger le marché américain de la concurrence étrangère, en rendant artificiellement les produits venus d’ailleurs plus chers, c’est la promesse formulée par Donald Trump tout au long de sa campagne victorieuse. « Le mot droit de douane, c’est le plus beau mot dans le dictionnaire. Il va rendre notre pays riche », s'est-il exclamé. Un discours aux antipodes de celui porté par le gouvernement australien, qui se présente pour sa part comme un champion du libre échange.

Mais malgré ces divergences de vue, l’économiste Richard Holden, de l’université de Nouvelle-Galles du Sud, et comme nombre de ses collègues, pense que l’Australie a de bons arguments pour échapper à de nouvelles barrières douanières. « Je crois que l’Australie est bien placée pour les éviter. Nous sommes un allié proche et assez important des États-Unis dans le Pacifique. Qui plus est, Donald Trump laisse entendre que le pacte Aukus va être maintenu, ce qui veut dire que nous allons devenir un allié militaire encore plus important pour les États-Unis. Et mettre en difficulté un allié de cette nature, ce n’est pas une très bonne idée. L’autre point important à souligner, c’est que la balance commerciale des États-Unis est excédentaire avec l’Australie », explique-t-il.

En revanche, il est beaucoup moins optimiste concernant la Chine, avec qui Donald Trump a déjà mené une guerre commerciale lors de son premier mandat. Or, la Chine est aussi le premier partenaire commercial de l’Australie. Elle y a écoulé en 2023 plus de 130 milliards d’euros de marchandises, soit près du tiers de toutes ses exportations. « Des droits de douane massifs appauvriraient la Chine, à un point qu’ils ne seraient plus disposés, ou plus capables d’acheter nos produits agricoles haut de gamme, par exemple les homards, le bœuf wagyu ou nos vins les plus onéreux. Et cela nous ferait mal » redoute-t-il.

Un point de vue partagé par Medo Pournader, de la faculté d’économie de l’université de Melbourne. Mais elle veut croire que l’Australie, malgré un protectionnisme américain a priori défavorable à son économie, pourrait tirer son épingle du jeu. « Ce n’est pas que du sang et des larmes, il y a peut-être même de belles opportunités pour l’Australie. Je crois que nous devons négocier avec les États-Unis pour éviter des droits de douane. Ou, a minima, qu’ils soient moins élevés que pour d’autres pays, ce qui nous permettrait d’exporter davantage de produits australiens aux États-Unis », espère-t-elle. Face à un président américain qui place les relations personnelles au-dessus de tout, tout dépendra de la capacité d’Anthony Albanese, le Premier ministre australien, à le séduire.

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Comment Madrid est devenue une nouvelle capitale latino-américaine
02 February 2025
Comment Madrid est devenue une nouvelle capitale latino-américaine

Madrid, nouvelle capitale des Latino-Américains. Ils étaient 80 000 il y a 20 ans, ils sont aujourd'hui plus d'un million. Poussés par les crises économiques ou politiques, les immigrés sud-américains ont fait de la capitale espagnole un lieu de refuge. Ils représentent désormais 14% de ses habitants, une présence visible dans tous les quartiers de la ville.

De notre correspondante à Madrid,

En Espagne, dans son salon d'esthétique situé dans le quartier huppé de la capitale, Annabelle a parfois l'impression d'être dans sa Caracas natale. Cette Vénézuélienne de 42 ans s'est entourée d'employés qui, pour la plupart, viennent de son pays. « Avant, j'avais beaucoup d'élèves espagnols, mais maintenant ce sont toutes des latinas. C'est incroyable le nombre de filles d'Amérique latine qui débarquent. Elles viennent de Colombie, du Venezuela, du Brésil, de toute l'Amérique du Sud. Elles cherchent une opportunité de travail et un salaire pour survivre et avoir rapidement leurs papiers. Suivre un cours d'esthétique, c'est une façon facile d'aller de l'avant, d'être indépendante financièrement et d'avoir une stabilité, car la majorité d'entre elles sont des femmes seules ou des mères de famille », explique-t-elle.

Annabelle est arrivée à Madrid en 2018. Elle fait partie de ces migrantes latino-américaines qui affichent leur réussite professionnelle en Espagne. Sa « success story », elle la partage avec les jeunes filles latino-américaines qui débarquent tout juste à Madrid et à qui elle vient en aide en proposant des formations de manucure à moitié prix.

Sofia, âgée tout juste de 24 ans, a débarqué en Espagne il y a à peine quatre mois. Assise à une table, cette Vénézuélienne apprend à poser de faux ongles recouverts de paillettes. « Dans mon pays, je ne pouvais trouver aucun travail. La délinquance, c'est horrible. Là-bas, il y a des endroits où seulement pour un regard, on te dépouille. Si tu as une petite boutique, tu dois constamment la surveiller pour ne pas être volée. Sans parler de l'inflation, des taxes ou des loyers très élevés », raconte-t-elle.

La qualité de vie et la sécurité sont les principaux motifs qui poussent aussi ces dernières années des milliers de Latino-Américains de la classe moyenne ou aisée à traverser l'Atlantique. Sarah, mexicaine et mère de deux enfants, est venue avec son époux s'installer en Espagne juste après la pandémie. « Les États-Unis n'ont jamais été une option. Ici, nous avons des racines en commun avec l'Espagne. Et en plus, mon époux peut faire valoir que ses grands-parents étaient asturiens, ce qui lui a permis d'obtenir la nationalité espagnole. On a du coup une certaine connexion avec le pays », se réjouit-elle. Comme de nombreux Latino-Américains, Sarah espère obtenir la nationalité espagnole au terme de deux ans de résidence légale en Espagne. La loi permet de solliciter la nationalité à certaines communautés d'Amérique latine.

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Entre le Chili et le Pérou, le «Pisco Sour», le cocktail de la discorde
01 February 2025
Entre le Chili et le Pérou, le «Pisco Sour», le cocktail de la discorde

Chaque premier samedi de février, on célèbre le jour du Pisco Sour. Un cocktail à base d'une eau-de-vie, le pisco, une distillation de vin blanc, dont la paternité est âprement discutée entre le Pérou et le Chili. RFI a tenté de déterminer l'origine de cet alcool, à l'origine d'une querelle qui remonte au début du XXe siècle.

De notre correspondante à Santiago,

Il faut bien l'avouer : c'est le Chili qui a mis de l'eau sur le feu en revendiquant le premier la paternité du pisco, en 1931. Depuis, c'est la guerre avec le Pérou, chacun revendiquant le label « appellation d'origine ».  La discorde a été ravivée en décembre dernier, puisque l'Unesco a certifié l'authenticité d'un ensemble de manuscrits péruviens qui attestent la production et la commercialisation de pisco entre 1587 et 1613. C'est la preuve la plus ancienne, à ce jour, qui établirait donc l'origine de cette eau-de-vie au Pérou.

Mais dans les rues de Santiago, quand on demande d'où vient le pisco, la réponse est immédiate. Eduardo, chilien et manifestement chauvin concernant cette question, nous confie les secrets de sa recette de Pisco Sour. « Ce n'est pas le citron habituel, le citron banal, il faut des citrons plus petits, qu'on appelle ici le Limon de Pica. Et bien sûr, un bon pisco, moi, j'utilise du chilien », détaille-t-il. À proximité, Horacio, d'ailleurs en pleine dégustation d'un Pisco Sour, n'est pas d'accord. « Le pisco péruvien, il est plus doux, donc pour un Pisco Sour, il est plus agréable. Notre pisco chilien, il est plus puissant, pour ainsi dire », estime-t-il.

Dans le quartier très touristique de Lastarria, si on veut boire un Pisco Sour, ce sera au restaurant Chipe Libre. Celui-ci est géré par un Français, Jérôme, installé au Chili depuis 26 ans, qui pourrait bien avoir trouvé la réponse à cette discorde chilo-péruvienne. « C'est le "chi" de Chili et le "pé" de Pérou. L'idée de "Chipe Libre", c'est que le pisco en a eu assez. Il en a eu marre de ces batailles, donc il a fait sa révolution. Il a annexé le sud du Pérou et le nord du Chili et il a créé sa propre République », imagine-t-il. Chaque pays a du bon pisco, mais avec quelques différences. « Par exemple, au Chili, on passe le pisco dans des barriques de bois, au Pérou, le bois est interdit. On ne travaille pas non plus les mêmes raisins », explique ce spécialiste de la question.

Si cette querelle est bien sûr culturelle et gastronomique, l'enjeu est aussi économique. Pour le Chili, les exportations de pisco rapportent presque 3 millions d'euros. Pour le Pérou, cela grimpe à près de 7 millions. Depuis son restaurant indépendantiste, Jérôme regrette que les deux pays n'unissent pas plus leurs forces pour faire connaître cet alcool au-delà de leurs frontières. « Malheureusement, aujourd'hui, ce qui bloque le développement du pisco, c'est cette guerre ridicule entre le Pérou et le Chili. Ils dépensent leurs budgets dans des procès et des avocats », déplore-t-il. Aujourd'hui, la majorité des exportations des deux pays se font vers les États-Unis, le Japon et l'Espagne. Alors, à savoir tout de même, si vous en trouvez en France : le pisco pur, péruvien ou chilien, c'est entre 30 et 45°C d'alcool.  

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Canada: les entreprises québécoises face aux droits de douane américains
01 February 2025
Canada: les entreprises québécoises face aux droits de douane américains

Après des mois de suspense, le président américain met sa menace à exécution en promettant d’imposer dès aujourd’hui des droits douaniers de 25% sur les marchandises en provenance du Mexique et du Canada. Côté canadien, Donald Trump cible particulièrement les secteurs de l’aluminium, du cuivre et de l'acier. Des tarifs sur le pétrole pourraient venir un peu plus tard. Pour l’instant, le Canada réserve sa réponse. Mais déjà les entreprises exportatrices s’interrogent sur leur avenir…

Beauce Atlas, l'usine de poutre d'acier de Nicolas Blais, se situe seulement à une heure de la frontière américaine, au Québec. Dès les premières annonces de Donald Trump sur la possibilité d'une hausse des droits de douane, l'entrepreneur a mis les bouchées doubles pour expédier le plus de charpentes métalliques possibles chez ses clients aux États-Unis.

Confrontée à de possibles droits de douane de 25% sur ses ventes, l'entrepreneur compte sur la fidélité de ses clients américains. « On a quand même un produit qui est très abordable à cause du taux de change. On a une proximité aussi avec eux depuis les 15 ans, 20 ans que nous sommes là. Donc, ils veulent entretenir les relations pour nous conserver comme sous-traitants. Eux, ils sont prêts à assumer les droits de douane. Il y a tout de même 50% de risques avec les autres clients qui ne veulent pas payer ces tarifs-là », analyse-t-il.

Nicolas Blais espère que le Canada va pouvoir négocier des tarifs à la baisse avec son puissant voisin : « Actuellement, on n'est pas en mode urgence. On pense que c'est uniquement un levier de négociation. On a vécu des crises économiques par le passé, on a vécu des droits de douane en 2019, de l'ordre de 10% pendant neuf mois. Finalement, ils ont été retirés. Ça nous a été remboursé. On croit vraiment fermement que c'est la même chose qui va se passer actuellement. Du moins, on l'espère. »

À 80 km de là, un autre entrepreneur, vit lui aussi avec les conséquences des droits douaniers. Julien Veilleux, de l'entreprise Rotobec, fabrique de grandes pinces mécaniques dans une usine au Québec et dans deux usines américaines. Il y a quelques mois, il a décidé de déménager une partie de sa production québécoise. « Toutes mes pinces forestières étaient faites à Sainte-Justine. Cela va être délocalisé aux États-Unis parce que 100% de ce chiffre d'affaires là est américain. Si les droits de douane continuent, il faudra continuer le projet de délocalisation. C'est malheureusement là-dessus que l'on travaille présentement. Pour le Canada, ce ne sont pas de bonnes nouvelles, puisque moi, j'avais quand même de la place pour y faire de la croissance. Mais je vais être obligé de la faire aux États-Unis », regrette-t-il.

Face à l'imposition de ces droits douaniers, le Premier ministre canadien Justin Trudeau se veut rassurant. « Nous allons aussi réagir. Notre réponse est prête. Une réponse déterminée, énergique, mais raisonnable et immédiate. Nous allons veiller sur les Canadiens, sur les propriétaires d'entreprises et les gens à travers le monde qui considèrent le Canada comme un partenaire clé », a-t-il déclaré. On devrait savoir d'ici peu comment le Canada va mener la guerre commerciale qui s'amorce avec un pays où sont envoyés 75% de ses exportations.

 

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Pour les Kurdes syriens réfugiés au Kurdistan irakien, l'impossible retour?
30 January 2025
Pour les Kurdes syriens réfugiés au Kurdistan irakien, l'impossible retour?

Le retour chez eux est-il possible pour les Kurdes de Syrie réfugiés au Kurdistan irakien voisin ? Ils sont 300 000 à y vivre depuis plus de dix ans, dans des camps pour la plupart. Soulagés par la chute du régime de Bachar el-Assad, ces réfugiés sont néanmoins inquiets de la place qui sera faite aux Kurdes dans une Syrie en gestation. Tandis que des tractations politiques intenses ont lieu pour définir les contours que pourrait y prendre l’autonomie kurde.

Ayaz, 29 ans, fait défiler les pages d'un album qu'il garde précieusement au fond d'une armoire. « Ce sont nos photos de famille. Ces albums sont les souvenirs qui nous restent de la Syrie et que nous avons pu emporter avec nous. C'est la seule chose qui nous relie à la Syrie. Avec la guerre, il y avait deux options : devenir un meurtrier ou bien se faire tuer. J'ai pris la meilleure décision ou en tout cas la plus sûre, celle de quitter la Syrie. »

Son exode le conduit de l'autre côté de la frontière, dans le camp de réfugiés de Kawergosk, au Kurdistan irakien. Dix ans ont passé et les tentes de plastique ont laissé place à des maisons de parpaings. Si les 1 800 familles kurdes syriennes qui vivent là ont célébré la chute du régime de Bachar el-Assad le 8 décembre dernier, aucune ne s'est empressée de prendre le chemin du retour. « Bien sûr que je vais rentrer, nous n'allons pas rester ici. Mais pour l'instant, la situation est trop mauvaise en Syrie, explique Ayaz. Je ne veux y retourner que si l'on construit un État civil et décentralisé, qui protège les droits de toutes les communautés syriennes, c'est-à-dire des Kurdes et de toutes les autres minorités. Il faut une protection constitutionnelle de nos droits, qui ne soit pas seulement des mots, mais qui se traduisent par des faits. »

Ces attentes sont largement partagées par ces réfugiés. Mais pour les faire entendre aux nouvelles autorités à Damas, les factions politiques kurdes doivent afficher un front uni. Or, les habitants du camp ne se sentent pas représentés par les milices au pouvoir au Kurdistan syrien, réputées proches du Parti des travailleurs du Kurdistan, en guerre contre la Turquie.

Accoudé à son échoppe de vêtements, Alan-Walid a justement quitté la Syrie à 14 ans, de peur d'être enrôlé contre son gré. « Dans les régions kurdes de Syrie, le parti politique en charge opère un recrutement forcé. Mais nous ne souhaitons pas nous battre pour un parti politique ou une idéologie. Nous souhaitons nous battre pour les Kurdes. Si les parties parviennent à s'unir, alors nous rentrerons nous battre pour la cause kurde, pour le Rojava », clame-t-il.

Depuis plusieurs jours, les promesses de discussions vont bon train entre ces milices qui administrent le Kurdistan syrien et l'opposition, principalement exilée, en Irak. Cependant, pour cette jeune femme croisée dans l'allée principale du camp, ces négociations ne suffiront pas à la faire rentrer chez elle. « Si nous retournons en Syrie, nous n'aurons plus rien. Nous finirons à la rue. Ici, au moins, nous possédons une maison, nous vivons au jour le jour. Je sais qu'il faudrait encore dix ans à la Syrie pour se reconstruire et revenir à la situation antérieure à la guerre. Et peut-être que ça n'arrivera jamais », soupire-t-elle.

Au-delà de ces tractations politiques fragiles, les bombardements turcs et les combats entre les forces kurdes syriennes et les mercenaires soutenus par la Turquie se poursuivent. La situation sécuritaire reste trop instable pour permettre aux réfugiés de Kawergosk d'envisager un retour.

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Cinq ans après le Brexit, un bilan mitigé pour les agriculteurs
29 January 2025
Cinq ans après le Brexit, un bilan mitigé pour les agriculteurs

Cela fait cinq ans que le Royaume-Uni a officiellement quitté l’Union européenne. Le 31 janvier 2020, une période de transition s’ouvrait pour faciliter le passage, mais les Britanniques n’étaient déjà plus citoyens de l’UE. En 2016, ils avaient voté en majorité pour le Brexit, et le milieu agricole comptait parmi les fervents partisans de la sortie. Cinq ans plus tard, le bilan est mitigé.

Cela fait cinq ans que la cloche du Big Ben, au Parlement de Westminster, a retenti. À 23h, elle annonçait la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Cette cloche-là, c’est celle qui annonce le début des enchères aux moutons du marché de Melton Mowbray. Richard est présent ce matin, bien qu’il n’ait pas de moutons à vendre cette fois-ci. Cet éleveur apprécie l’ambiance du marché.

« On nous avait dit qu’avec le Brexit, les prix allaient chuter et que l’agneau britannique n’aurait plus de demande à cause des droits de douane. Mais c’est tout le contraire. La demande est là, et aucune taxe n’a été imposée sur l’agneau britannique, pour l’instant en tout cas. La demande la plus forte vient du Moyen-Orient, d’Arabie saoudite, d’Israël et de Turquie. Hors Union européenne. Mais également plus près de nous, d'Espagne et d'Italie et de France. Et puisque ces clients avaient une relation commerciale avec nous avant le Brexit, ils continueront cette relation après le Brexit ».

Un avis, qui n’est pas partagé par tous

Andrew Wheeler, cultivateur de céréales à quelques kilomètres de là, a stocké toute sa récolte dans son entrepôt. Lui aussi avait voté pour la sortie de l’Union européenne en 2016. « J'ai voté en faveur du Brexit pour quitter l'UE pour un certain nombre de raisons. Mais c'est probablement mon cœur qui l'a emporté sur ma tête. L'une des raisons pour lesquelles je voterais différemment aujourd'hui, c’est que je vois que notre gouvernement ne s'intéresse pas à l'agriculture. Lorsque nous étions membres de l'Union européenne, il ne fait aucun doute que la pression exercée par les agriculteurs, surtout les français, avait de l’impact à Bruxelles. L'UE avait peur, elle a toujours peur, des agriculteurs. Ce n'est pas le cas du gouvernement britannique ».

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Le principal syndicat de fermier britannique, le NFU, tient une permanence au marché de Melton Mowbray. James Haddon, son représentant local, reçoit de nombreuses plaintes, notamment de la part des producteurs de fruits et légumes, qui peinent à recruter la main-d’œuvre saisonnière venue d’Europe de l’Est avant le Brexit.

« Vous travaillez toute l'année pour avoir une récolte et vous n'êtes pas en mesure de la faire. C'est pourquoi la NFU souhaiterait un plan stratégique quinquennal pour les travailleurs saisonniers. Pour qu’ils puissent venir en nombre raisonnable, donc sans plafond arbitraire, afin que tous les aliments cultivés puissent être récoltés avec succès ».

Le gouvernement travailliste, arrivé au pouvoir en juillet, veut revoir et améliorer la relation entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. Mais il reste catégorique : un retour à la liberté de mouvement est exclu.

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Pourquoi le Groenland intéresse Trump?
27 January 2025
Pourquoi le Groenland intéresse Trump?

Donald Trump a déclaré que la propriété et le contrôle américain du Groenland étaient essentiels à la sécurité nationale. L’île Arctique occupe en effet une position géopolitique unique. Le réchauffement climatique est en train d’ouvrir de nouvelles routes maritimes et la fonte des glaces dévoile petit à petit les trésors de son sous-sol, minerais critiques et terres rares.

De notre correspondante à Nuuk,

Quand on survole le Groenland en avion, on aperçoit des étendues de glace à l’infini. Et pour cause : une gigantesque calotte glaciaire recouvre 80% du territoire. Alors que peut bien vouloir Trump de cette immense terre gelée ? Qupanuk, inuite et ingénieure minière de l’île Arctique a son explication : « La raison pour laquelle il dit qu'il veut acheter le Groenland et que son fils visite le Groenland, c’est juste pour montrer qu'il est là, c'est juste une manière politique et tactique d'éloigner la Chine et la Russie du Groenland en déclarant "Je suis ici, c’est mon territoire" ». 

Donald Trump le sait bien, sous ces épaisses couches de neige et de glace repose un petit trésor géologique sur le point d’être révélé au grand jour, car au Groenland, la glace fond aujourd’hui six fois plus vite que dans les années 1980. « Nous avons beaucoup de minéraux, le Groenland est comme un paradis pour les géologues, nous avons des terres rares, nous avons de l'or, nous avons du fer, nous avons des diamants, des rubis, du titane, du zinc, du plomb… Sérieusement, nous avons de tout ».

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Ce jour-là, une journée portes ouvertes se tient à l'Institut des ressources naturelles du Groenland. Les habitants viennent en famille pour découvrir et en apprendre davantage sur les ressources de leurs terres. Beaucoup veulent parler avec Majken Djurhuus Poulsen, première géologue groenlandaise. Devant elle, des dizaines de roches différentes sont exposées. Elle en pioche une multicolore. « Ça, c'est une terre rare par exemple. Elle vient d’un des plus gros gisements que nous possédons dans le sud du Groenland. C’est même l’un des plus grands au monde ». Ce minéral est indispensable à la transition écologique enclenchée par de nombreux pays dans le monde. Il est utilisé dans la fabrication de toutes sortes d'appareils électroniques de notre quotidien, notamment les fameuses voitures électriques d’Elon Musk.

Le Groenland, terre gelée, devient une terre de conquête

Au centre de recherche sur l'Arctique, ce jour-là, on trouve aussi Pénélope Ruth How, glaciologue et climatologue. Devant elle, une carte du Groenland sur laquelle elle pointe la face nord-ouest du territoire. C’est cette zone précise qui intéresse également Donald Trump. Avec la fonte des glaces, ce passage au nord du Canada, infranchissable il y a quelques années, commence à devenir accessible durant la courte période de l'été, entre fin juillet et mi-septembre. « Ça ouvre beaucoup de possibilités, mais remet aussi en cause la sécurité dans l’Arctique ».

La Russie et la Chine manifestent un intérêt croissant pour l’Arctique. Les deux pays y construisent des infrastructures et investissent dans des projets miniers. Contrôler ce nouveau passage maritime ainsi que le territoire tout entier serait donc un moyen pour les États-Unis de contrer ces deux grandes puissances. Un moyen aussi d’assurer ses arrières militaires et de protéger la base américaine de Thulé, cruciale pour la surveillance et haut lieu de sécurité, avec des systèmes de défense antimissile. 

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Pologne: Dorota, la guide de Auschwitz
26 January 2025
Pologne: Dorota, la guide de Auschwitz

C’est devenu le site touristique le plus visité de Pologne. Le camp d’Auschwitz-Birkenau accueille chaque année près de deux millions de visiteurs, venus découvrir ce qui demeure le symbole de la Shoah. Un pèlerinage rendu possible grâce à une équipe de guides au métier hors du commun, qui ont fait de la transmission de l’histoire de la Shoah leur métier.

De notre envoyé spécial à Auschwitz,

« Cette partie est devenue le secteur des femmes, et vous connaissez au moins un témoignage d’ici. Le témoignage de madame Simone. »

Au cours de ses 27 ans de carrière, Dorota a guidé plusieurs milliers de touristes au cœur du tristement célèbre camp d’Auschwitz-Birkenau. Chaque jour, elle enchaîne des visites de trois heures et demie, en répétant inlassablement l’horreur de la Shoah face aux visiteurs. « Parfois, il y a des journées difficiles. Imaginez quelqu’un qui a perdu toute la famille ici, il y a beaucoup de mauvaises émotions qui se retrouvent sur nos épaules. Alors après une telle visite, on a besoin de temps pour se détacher de ce lieu, de ce sujet. Je pense que tout le monde ne pourrait pas être guide ici, et enseigner aux visiteurs et rester longtemps ici. »

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Un public de moins en moins sensibilisé

Avec le temps, elle a vu évoluer non seulement le profil, mais aussi le comportement des visiteurs. Face à un public parfois moins respectueux de l’histoire de l’Holocauste, elle reconnaît que les guides ont dû adapter leur discours jusqu’à déborder de leur fonction première. « La fonction des guides a évolué, nous sommes parfois enseignants, parfois psychologues, pédagogues. Mais nous sommes aussi là pour protéger le site, pour dire que tel ou tel comportement est incorrect, pour parler du respect, ou pour réprimander des gens qui font des choses à ne pas faire ici. »

Au total, le musée compte 320 guides venus de tous horizons qui animent des visites dans vingt langues différentes. Âgés de 25 à 70 ans, les collègues de Dorota sont tous des passionnés d’histoire dont certains ont un autre travail à côté. Tomasz Michaldo, en charge de leur recrutement, leur impose les jalons de la visite, tout en leur laissant la possibilité de la personnaliser.

Tomasz lui-même s’efforce d’ailleurs de raconter celles des survivants qu’il a rencontrés en personne, et dont certains ont disparu aujourd’hui : « C’est sûr qu’être guide à Auschwitz, ça n’est pas un travail classique que n'importe qui pourrait faire. Mais il me semble qu’il n’y a pas un seul bon moyen universel pour gérer l’expérience que constituent ces visites. Je dirais que 5 à 6% de ceux qui commencent à travailler avec nous finissent par démissionner. »

En cause, une charge émotionnelle trop intense pour les moins aguerris. Fort de quinze ans d’expérience, Tomasz se fait un devoir de transmettre cette histoire, dont il ne restera bientôt plus aucun témoin.

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