Reportage Afrique
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Nos correspondants et envoyés spéciaux sur le continent africain vous proposent, chaque jour, en deux minutes une photographie sonore d'un évènement d'actualité ou de la vie de tous les jours. Ils vous emmènent dans les quartiers ou dans les campagnes pour vous faire découvrir l'Afrique au jour le jour.

Côte d'Ivoire: lutte contre la déforestation à Bonon, un bras de fer entre l'État et les planteurs [1/2]
20 November 2024
Côte d'Ivoire: lutte contre la déforestation à Bonon, un bras de fer entre l'État et les planteurs [1/2]

La Côte d’Ivoire a la lutte contre la déforestation comme priorité nationale, l'a-t-elle rappelé pendant la COP29 à Bakou. Le pays a pour objectif de restaurer jusqu’à 20 % de son couvert forestier de son territoire d'ici à 2030. Pour cela, les autorités luttent notamment contre les cultivateurs installés illégalement dans les forêts classées, les aires protégées et les parcs nationaux. C'est le cas dans la forêt de Bouaflé, dans le centre du pays. Près de la localité de Bonon, la Société d'État chargée du développement des forêts Sodefor a commencé à évacuer les planteurs auparavant tolérés.

De notre envoyé spécial dans la région de Bouaflé,

Autour de la piste qui mène vers des parcelles, la forêt n’est en fait qu’une succession de plantations : cacaoyers, hévéas, bananiers. Guessan Kouamé travaillait dans ces terres depuis ses 14 ans. Mais il y a deux mois, les garde-forestiers ont détruit sa maison : « C'est une maison de six pièces. J'y ai habité 50 ans, j'y suis arrivé en 1978  », raconte-t-il. 

Guessan était le chef de Deux-Côtes, un petit village réduit à un amas de gravats et de tôles froissées. Seul vestige : une pompe à eau installée il y a quatre ans, avec l’aide du Conseil café-cacao. Guessan Kouamé dit avoir tout perdu : « Aujourd'hui, on doit tout arrêter. Cela fait deux mois, au moins, que je ne gagne plus un centime », explique-t-il.

Deux-Côtes fait partie d’une douzaine de campements rasés mi-septembre. C’est également le cas de Tenge Koffikro, où se trouvait une école primaire. Pour le moment suspendue, l’opération de la Sodefor est rejetée par Constant, l’un des planteurs. « Nous sommes installés depuis longtemps ici, la déforestation ce sont nos parents qui avaient fait cela, ils ont planté, et comme cela a séché, il n'y a plus de forêt, c'est de la jachère », explique-t-il. 

Sur les images satellites, une quarantaine de campements constellent la zone classée de 20 300 hectares. De la simple baraque, au petit village de 60 cases, ces installations sont entourées de parcelles cultivées.

Pour la Sodefor, les planteurs déciment les restes de forêt naturelle et les parcelles reboisées. Une cinquantaine d’agents ont été déployés pour évaluer les surfaces déforestées, entre autres. Le lieutenant Salim Konaté gère la forêt au nom de la Sodefor.

Lui souhaite que l’évacuation aille jusqu’au bout : «  Aujourd'hui, la forêt classée de Bouaflé est dans un état très alarmant. L'année dernière, en 2023, nous avons fait 300 hectares de reboisement, mais après la mise en place de ces reboisements, ils ont décimé ces 300 hectares. Cela fait mal. Sans la forêt aujourd'hui, comment fait-on ? Il n'y a plus de vie sans forêt ! », se désole-t-il.

D'ici à 2030, la Côte d’Ivoire a pour objectif de reboiser 100 000 hectares par an. 

Ouganda: la troupe satirique «Bizonto», entre succès populaire et censure étatique [3/3]
20 November 2024
Ouganda: la troupe satirique «Bizonto», entre succès populaire et censure étatique [3/3]

Ils ont fait de l’humour une arme contre les injustices et la mal gouvernance… Rencontre avec les comédiens de la troupe ougandaise « Bizonto ». Ils sont journalistes et humoristes, populaires pour leurs vidéos satiriques, où ils dénoncent toutes les gabegies de leurs autorités. Reportage d'un tournage d’un de leurs sketchs.

De notre correspondante de Kampala,

Ce matin-là, les comédiens se retrouvent dans une résidence isolée en banlieue de Kampala. Kidomoole est le fondateur du groupe : « Nous avons travaillé dans plein d’endroits, mais les propriétaires sont menacés. Du coup, nous sommes devenus nomades… »

Les textes sont scandés en musique, le ton est satirique, mais le message est éminemment politique. Ce jour-là, dénoncer l’impunité après l’effondrement d’une décharge qui a fait 30 morts. Mbabaali Maliseeri est l’un des comédiens : « Ici, les gens bataillent pour leur quotidien, donc ils n’ont pas envie d’écouter des discours trop sérieux. Si tu veux être écouté et que ton message passe, il faut l’épicer un peu et y mettre une touche de comédie, sinon les Ougandais t’ignorent. »

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Résister par l'humour, même après un séjour en prison

Si l’humour permet de conjurer l’ennui, Bizonto n’a pas toujours échappé aux fourches caudines de la censure. En 2020, ils ont séjourné en prison après qu’une vidéo sur le président Yoweri Museveni et son entourage est devenue virale : « Nous étions à la radio le jour de l’arrestation, à l’antenne. Un groupe d’une douzaine d’hommes armés, avec des armes à feu et en armure, est entré dans le studio pour nous embarquer. Ils nous ont accusés de sectarisme ».

Les comédiens de Bizonto risquent alors cinq ans de prison, mais sur la toile leurs fans se mobilisent. Ce soutien populaire a conduit à leur libération : « Les autorités ont réalisé qu’en nous arrêtant, ils nous ont donné plus de pouvoir et de visibilité. Mais récemment, quelqu’un s’est accaparé de nos plateformes de diffusion sur internet. Ils ont payé quelqu’un pour essayer de nous mettre à terre et nous faire perdre notre audience. Donc la censure ne nous embête pas vraiment. Mais ils ont trouvé un autre moyen pour essayer de nous contrôler et de limiter notre influence ».

Malgré la répression, les comédiens de Bizonto résistent avec leurs sketchs vidéos dans lesquels ils ont choisi d’apparaître systématiquement habillés en soutane : « Les messages que nous faisons passer devraient être portés par les hommes d’Église, mais ils ne le font pas à cause des menaces, donc on s’habille comme eux, on chante comme eux, et on fait passer les messages ».

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Ouganda: le retour des reliques des premiers martyrs chrétiens [2/3]
18 November 2024
Ouganda: le retour des reliques des premiers martyrs chrétiens [2/3]

C’est un retour à forte portée symbolique et historique : celui des restes de deux « martyrs ougandais », des jeunes convertis exécutés, il y a plus d’un siècle, pour avoir refusé de renoncer au catholicisme. Canonisés en 1960 et conservés depuis au Vatican, ils ont été rapatriés à Kampala cet automne pour y être exposés.

De notre envoyée spéciale à Kampala,

« Ici, vous avez la mâchoire de Mathias Mulumba. Et là, le fémur de Charles Lwanga » : Muhido Brian Kihemu est le guide de l’exposition.« Ils travaillaient comme serviteurs à la cour du roi du Buganda. Et sont parmi les premiers Ougandais convertis au christianisme à l’arrivée des pères blancs en 1879. Ils ont contribué à diffuser le catholicisme. »

Samson, un séminariste, entre dans la pièce et s’agenouille devant les reliques. Il a traversé l’Ouganda pour se recueillir devant les restes de ces deux martyrs exécutés en 1885, sur ordre du roi du Buganda et sans lesquels il ne serait peut-être pas catholique.« Ils ont dû souffrir, ils ont été tués pour avoir refusé de se plier aux injonctions du roi. Quel courage, alors qu’ils étaient jeunes et catholiques depuis peu. C’est vraiment inspirant. Et émouvant ! »

Les premiers pères blancs sont plutôt bien reçus. Le roi d’alors, Mutesa les autorise même à établir une mission, non loin de son palais. Mais les conversions s’accélèrent et le roi meurt. Son fils qui lui succède au trône subit des pressions. David Tshimba, chercheur et l’un des commissaires de l’exposition. « Le nouveau roi n'a que 18 ans et il est entouré d’hommes politiques très ambitieux qui ont perçu sa sympathie pour ces jeunes convertis. Ils ont peur d’être remplacés et sont déterminés à les écarter. »

Le roi se laisse convaincre par son entourage que les jeunes convertis préparent un complot pour le renverser. Il ordonne l’exécution de ses serviteurs qui refusent d’abjurer. « Cette histoire est éminemment politique. Rien à voir avec les évangiles ou la lecture de Matthieu, Marc, Jean et Luc. Il s'agissait de décider que faire pour préserver un pouvoir qui était et qui est extrêmement menacé. »

Les deux martyrs sont alors tués, leurs corps brûlés et démembrés. Les missionnaires enterrent leurs restes dans une boîte en métal, perdue dans l’incendie de leur église. Elle est miraculeusement retrouvée en 1964 à Rome. Ils sont les premiers martyrs d’Afrique Noire à être canonisés.

En Ouganda, la musique de Brass for Africa transforme des vies dans les bidonvilles de Kampala [1/3]
17 November 2024
En Ouganda, la musique de Brass for Africa transforme des vies dans les bidonvilles de Kampala [1/3]

L’enseignement de la musique peut-il changer des vies ? C’est le pari de l’association Brass for Africa. Installée à Kampala, cette organisation offre des cours d’instrument à vent à des centaines de jeunes défavorisés. À travers cet apprentissage, elle entend leur donner des outils pour s’épanouir, transformer leur quotidien et celui de leur communauté.

De notre envoyée spéciale à Kampala,

Dans la cour d’une parcelle, au fond du bidonville de Bwaise à Kampala, une trentaine de jeunes s’échauffent pour leur répétition. « Ils s’entrainent pour jouer lors de la journée internationale de la fille », explique Farida Nalumansi, qui supervise les activités. La jeune femme a rejoint l’association il y a sept ans. À l’époque, elle était encore adolescente, mais déjà mère et isolée. « J’avais 14 ans lorsque j’ai été déflorée, par l’homme qui payait mes frais de scolarité. J’étais tellement discriminée que je ressentais de la haine pour ma fille. J’ai quitté le domicile de mon père et j’ai sombré dans la drogue. En 2017, on m’a permis de rencontrer Brass for Africa. »

Petit à petit, à travers la musique, elle reprend confiance, renoue avec sa fille et lance sa propre ONG : « Elle s’appelle "Une fille est capable", c’est une ONG communautaire. »

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Aide à fabriquer des serviettes hygiéniques, une école de la vie

En plus de la musique, les élèves peuvent ici apprendre à fabriquer des serviettes hygiéniques lavables, une manière de combattre la précarité féminine et les tabous. Car derrière les machines à coudre, il y a surtout des hommes, comme John Otema : « Lorsque les jeunes filles ont leurs règles ici, les parents n’ont pas toujours les moyens d’acheter des protections. Elles sont en difficultés et elles ont des douleurs. Cela peut être terrible. Quand j’ai compris cela, j’ai voulu participer à faire en sorte que les filles au fond des bidonvilles puissent avoir des protections quand elles en ont besoin. »

Plus qu’une école de musique, Brass for Africa est une école de la vie. Hector était élève il y a trois ans. Aujourd’hui, il dirige les répétitions : « J’étais sans travail, à la maison et j’avais la pression pour trouver un travail. Beaucoup de mes amis ont été rattrapés par la drogue. Moi, depuis que je suis ici, j'ai quelque chose à faire et tout est plus simple. »

Hector était jeune diplômé sans emploi à son arrivée. Mais d'ici à un an, il sera professeur de musique certifié.

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RDC: la polémique enfle autour de la construction d'un parc nautique à Lubumbashi
15 November 2024
RDC: la polémique enfle autour de la construction d'un parc nautique à Lubumbashi

Depuis le mois d’octobre, le projet de construction d’un parc nautique sur le lac municipal Tshombe, à Lubumbashi, est au centre d’une polémique : alors que son initiateur, l’homme d’affaires congolais Lamba Lamba Matebwe, parle d’un projet de développement, certains habitants de la ville, les élus provinciaux et les défenseurs de l’environnement s’y opposent. Ils estiment qu’il est ici question de spoliation d’un bien public. L’Assemblée provinciale à Lubumbashi a ordonné la suspension des travaux. 

De notre correspondante à Lubumbashi,

En face d’un des grands hôtels de Lubumbashi, en RDC, environ trois hectares du lac Tshombe ont cédé la place à de la terre ferme. L’espace, en forme de digue, est remblayé. Il doit accueillir les infrastructures d’un parc nautique. Mais ce projet suscite de la révolte, d’abord parmi les voisins directs.

Rita Mukebo vit depuis 15 ans à moins de 100 mètres en aval du projet. Le bord du lac est couvert de plantes, des jacinthes. « Normalement, toutes ces plantes, ici, commencent à fleurir au début de la saison des pluies. Mais on n’a jamais eu des tas comme ça, s’indigne la riveraine. L’eau ne passe plus. Ce qu’ils ont pris, ça va au-delà d’un hectare. Ça va jusqu’au bout là-bas. C’est peut-être même la source… Comment tu peux [faire ça] ?! »

Le lac Tshombe a une dimension de 30 hectares. Il regorge d’espèces aquatiques. Il constitue aussi un puits de carbone, explique Sabin Mande, directeur du réseau des ressources naturelles à Lubumbashi. Y mener des activités risque d’avoir un impact négatif sur l’environnement, indique-t-il. « La ville de Lubumbashi n’a presque plus de rivières. En même temps, vous savez que la ville n’a même plus de forêt urbaine, rappelle-t-il. Avec tout ce qu’on a comme pression en termes d’augmentation de la température, je ne vois pas la nécessité de ce projet... »

De son côté, l’homme d’affaires congolais, Lamba Lamba Matebwe, affirme avoir obtenu, il y a quatre ans, des autorisations des services étatiques pour construire le parc nautique. Et il soutient que c’est un projet de développement. « C’est un partenariat public-privé. Les enfants viendront s’amuser, jouer là-bas, défend-il. Après tout, nous valorisons la ville. Si je le fais, c’est pour l’intérêt public. Je n’habiterai pas là-bas. »

Un projet suspendu par l’Assemblée provinciale

Assis derrière son bureau, Michel Kabwe, le président de l’Assemblée provinciale, dit non à ce projet. Pour lui, le lac municipal contribue à la beauté de la ville. En outre, il alimente la rivière Lubumbashi, principal cours d’eau de la ville. « Un bien public ou un bien communautaire ne peut pas être spolié par un individu ou un groupe d’individus, dénonce l’élu. Celui qui veut construire, il le fait pour qui ? Pour lui-même…. Mais combien de populations vont en pâtir ? Il fallait, au préalable, mener des études pour nous rassurer sur le fait que le lit de la rivière et les écosystèmes ne seraient pas détruits. À ce moment-là, on aurait pu valider le projet. »

Pour l’heure, les travaux sont suspendus. Après son enquête, l’Assemblée provinciale entend proposer des sanctions à l’endroit des promoteurs de ce projet.

À écouter dans C'est pas du ventRDC : au coeur de la déforestation

Au Ghana, les réfugiés ivoiriens, privés de droits, sont plongés dans la précarité
14 November 2024
Au Ghana, les réfugiés ivoiriens, privés de droits, sont plongés dans la précarité

Au Ghana, voilà plus d’une décennie qu’environ un millier d’Ivoiriens ont établi domicile après avoir fui, en 2011 pour la plupart, les violences causées par la crise électorale. Beaucoup y ont créé leurs commerces, poursuivi des études ou même fondé une famille. Pas question pour eux donc de rentrer en Côte d’Ivoire. Sauf que depuis la cessation officielle de leur statut de réfugié en 2022, leur vie a basculé dans une grande précarité. Pourtant, un accord signé entre le gouvernement ghanéen et l’ONU leur garantit un permis de séjour permanent. Aujourd’hui, certains d’entre eux revendiquent leurs droits. 
 

De notre correspondant à Accra, 

Pas de fenêtres, des parpaings apparents, des parois humides, tel est le lieu où Geneviève Taboh, 47 ans, a trouvé refuge avec ses sept enfants et petits-enfants. « Ce n’est vraiment pas facile, la souffrance continue », déplore-t-elle.

Cette Ivoirienne, qui a fui son pays lors de la crise électorale de 2011, a pour seul papier sa carte de réfugiée. Un document qui, malgré la cessation officielle de leur statut fin 2022, est toujours censé lui garantir les mêmes droits qu’un citoyen ghanéen, selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Mais selon Geneviève Taboh, il n’en est rien : « Avec ça, on nous donne seulement du papier hygiénique et du savon, c’est tout. Tu es malade, tu te soignes toi-même. Il n’y a pas de travail, nous n’avons aucun document qui nous permet de travailler dans la société. »

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« Nous ne pouvons ni travailler, ni faire autre chose »

Comme Geneviève Taboh, ils sont environ 500 Ivoiriens à avoir demandé un permis de séjour sur le sol ghanéen. Des documents normalement garantis par un accord signé entre l’ONU et le Ghana. Sauf qu’aujourd’hui, les anciens réfugiés attendent toujours, alors que leurs passeports ont bel et bien été transmis par la Côte d’Ivoire aux autorités ghanéennes en mars 2023.

De quoi provoquer l’incompréhension et la colère d’Eric Kiple, président de l’association des Ivoiriens intégrés au Ghana : « Quand les passeports ont été remis au Ghana refugee board (Bureau ghanéen des réfugiés), il y a eu une cérémonie. Après qu’ils ont pris nos informations biométriques, nous n’avons plus entendu parler du Ghana refugee board, ni du service d’immigration, s’indigne-t-il. Nous ne pouvons ni travailler, ni faire autre chose… Nous sommes dans une situation de précarité totale, parce que le Ghana refuse de signer nos passeports et de nous fournir une “Non-citizen card”. »

Cette situation, le Bureau ghanéen des réfugiés ne l’ignore pas. Mais selon son secrétaire exécutif, Tetteh Padi, ce délai s’explique par le caractère inédit de la démarche : « Nous sommes tout autant pressés de fournir les papiers. Mais malheureusement, puisque c’est la première que nous faisons cela, il n’existe pas de procédure. Il a fallu que l’on saute des étapes tout en s’assurant que nous étions dans le cadre de la loi. Et c’est cela qui prend beaucoup de temps. »

Aucune date n’a, à ce jour, été annoncée quant à la délivrance de ces titres. Sans réponse rapide des autorités, l’association des Ivoiriens intégrés au Ghana prévoit très prochainement de manifester.

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Trois Kényanes racontent les femmes africaines qui ont marqué l'Histoire dans le podcast KaBrazen
13 November 2024
Trois Kényanes racontent les femmes africaines qui ont marqué l'Histoire dans le podcast KaBrazen

Mettre en avant les histoires de femmes qui ont marqué et continuent d’influencer le continent africain, c’est l’objectif du podcast KaBrazen, au Kenya. Pensé pour les enfants de 4 à 10 ans, il jongle entre faits historiques et fiction pour raconter les vies de femmes africaines. Les épisodes sont disponibles en anglais et en kiswahili. Derrière les textes, trois artistes kényanes et leur studio, LAM Sisterhood. Le résultat : des épisodes mélangeant narration et musique. 

De notre correspondante à Nairobi,

La combattante anticolonialiste kényane Mekatilili wa Menza, la reine Njinga en Angola ou encore la poétesse burundaise et militante des droits humains Ketty Nivyabandi, chaque épisode de KaBrazen explore la vie d’une femme africaine qui a marqué le continent, qu’elle soit une contemporaine ou une figure historique. Une façon de mettre ces femmes en lumière. « Je ne demande qu’à ce que l’on me prouve le contraire, mais à ce jour, je n’ai pas trouvé de programme scolaire qui mette en avant le point de vue des femmes africaines, explique Anne Moraa, une des autrices du podcast. Pour moi pourtant, et pour notre collectif LAM Sisterhood, c’est essentiel, car nous sommes nous-mêmes des femmes africaines. Regarder notre Histoire à l’échelle mondiale et avoir l’impression de ne pas exister, c’est fou. Nous voulions rendre accessibles ces récits pour les enfants à travers le monde. »

 

 

« Beaucoup d’histoires de ces femmes sont difficiles à trouver »

Aux origines de KaBrazen, il y a une pièce de théâtre que LAM Sisterhood a monté pour présenter des histoires de femmes. Puis l’envie est venue de les raconter aux enfants. Si le projet est éducatif, il doit aussi rester divertissant. Les épisodes mélangent aussi bien des faits historiques que des éléments de récits, de mythes, de légendes et des chants.

« Beaucoup d’histoires de ces femmes sont soit difficiles à trouver, car elles n’ont pas été archivées, soit elles ont été confinées à des espaces académiques, soit elles ont été racontées par des personnes qui ne nous représentent pas, analyseAleya Kassam, une des femmes derrière le podcast. Donc nous comblons les manques avec notre imagination. Il faut garder en tête que nous nous adressons à des enfants de 4 à 9 ans. Il faut réussir à transformer des notions très complexes, comme le colonialisme, en histoires que les plus petits peuvent comprendre. C’est là que l’imaginaire joue un rôle. »

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Les histoires sont racontées par un personnage nommé Aunty Shishi. Laura Ekumbo lui prête sa voix. C’est la dernière membre du trio de LAM Sisterhood. Elle le reconnait, choisir les portraits de femmes n’est pas chose facile : « Ce qui était important pour nous, c'était d’abord d’avoir une diversité géographique, c'est-à-dire que les épisodes représentent les femmes de plusieurs pays du continent. Et puis nous avons aussi voulu une diversité en termes d’expériences, d’histoires, de façon à ce qu’un maximum d’enfants y trouve un intérêt. »

À travers KaBrazen, Anne, Aleya et Laura espèrent inspirer les plus jeunes. Le trio rêve de voir les épisodes traduits en plusieurs langues parlées sur le continent.

La deuxième saison est en cours de diffusion. Les épisodes sont disponibles sur l’ensemble des plateformes de podcast et sur le site du podcast

À écouter, notre podcast sur les questions de genre dans les sociétés contemporaines africaines Bas les pattes !

Journalisme d’investigation en Afrique: se protéger sur internet [3/3]
12 November 2024
Journalisme d’investigation en Afrique: se protéger sur internet [3/3]

Fin octobre s'est tenue la conférence annuelle sur le journalisme d’investigation en Afrique à l’université du Witwatersrand, à Johannesburg. Sur le continent, la liberté de la presse reste fragile : selon le classement annuel de Reporters sans frontières, dans près de la moitié des pays, la situation est « problématique » ou pire.  Les journalistes d’investigation font face à de nombreuses tentatives d’intimidation, avec détentions arbitraires et même meurtres. Mais ils doivent aussi prendre leurs précautions en ligne.

De notre correspondante à Johannesburg,

Les journalistes ne sont pas immunisés contre les attaques numériques et leurs conséquences, qui peuvent se traduire de façon bien réelle. « Quand on fait du journalisme d’investigation, on s’expose naturellement aux critiques, mais il y a des fois où cela va bien au-delà, avec des cas de campagnes de désinformation très spécifiques et ciblées qui nous visent nous ou notre organisation, explique John-Allan Namu, le co-fondateur du média d’enquête Africa Uncensored. On en a fait l’expérience lors des manifestations de juin au Kenya. On peut aussi voir ses informations privées être divulguées en ligne, ce qui s'appelle le doxing, par exemple votre adresse, ou bien les gens révèlent où vos enfants vont à l’école. Ça ne m’est pas arrivé, mais j’ai vu d’autres personnes en être victimes. »

73% des femmes journalistes victimes de violences en ligne dans le cadre de leur travail

La sécurité physique des journalistes peut donc être en jeu, tout comme leur bien-être mental, en cas de cyber-harcèlement. Et les femmes sont particulièrement touchées : dans une récente enquête mondiale de l’Unesco et du Centre international des journalistes (ICFJ), 73% d’entre elles déclaraient avoir subi des violences en ligne dans le cadre de leur travail.

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« Imaginez-vous, j’ouvre mon téléphone et je vois sur Facebook, où j’ai publié un article, des gens en train de m’insulter, témoigne Madeleine Ngeunga, journaliste camerounaise spécialisée dans les enquêtes environnementales et rédactrice en chef pour l'Afrique au Centre Pulitzer. On n’est pas sans cœur, on va y penser toute la journée. Et si ça se répète, si à chaque avis qu’on donne sur les réseaux sociaux les gens nous insultent, nous traquent, je pense qu’à un moment donné, on aura comme la phobie des réseaux sociaux, notre humeur va forcément changer. »

Ce harcèlement en ligne a des conséquences sur le bien-être mental des personnes qui en font l'objet. « Donc, je ne peux pas dire que ce qui se passe sur les réseaux sociaux, c'est une autre vie, et ce qui se passe chez moi, c'est une autre vie, poursuit la journaliste d'investigation. C’est pour ça que je fais des efforts, et je conseille aussi aux collègues d’en faire, afin de trouver des méthodes pour se protéger quand on est en ligne. » 

Protéger ses outils de travail pour protéger ses sources

De plus, les mêmes outils de recherche en source ouverte qu’utilisent les journalistes pour enquêter sont de nature à se retourner contre eux, tout comme leur téléphone ou leurs ordinateurs qui peuvent être espionnés, ce qui conduit parfois à aussi mettre en danger ceux qu’ils ont interrogés. 

Il faut donc agir avec prudence, selon Jones Baraza, expert en cybersécurité pour le réseau Code for Africa : « Avec l’émergence de nouvelles technologies, on voit aussi apparaître de nouveaux dangers pour les journalistes. Il faut que les individus et les rédactions mettent en place des règles pour s’assurer d’avoir un minimum de sécurité. »

Dans une déclaration adoptée à la fin de la conférence sud-africaine, les participants ont réclamé plus d’efforts de la part des gouvernements et des rédactions du continent, afin de mieux protéger les journalistes et sauvegarder la liberté d’expression.

Retrouvez les deux premiers épisodes de cette mini-série :

    Journalisme d'investigation en Afrique : le rôle de l'IA en question [1/3] Journalisme d’investigation en Afrique : collaborer au-delà des frontières [2/3]

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Journalisme d’investigation en Afrique: collaborer au-delà des frontières [2/3]
11 November 2024
Journalisme d’investigation en Afrique: collaborer au-delà des frontières [2/3]

L’université du Witwatersrand à Johannesburg, en Afrique du Sud, a accueilli fin octobre la conférence annuelle sur le journalisme d’investigation en Afrique. Du fait de la complexité des réseaux mondiaux et de la diminution des ressources des rédactions, le travail d’investigation se fait de plus en plus en équipe, avec des collaborations qui voient le jour sur le continent. 

De notre correspondante de Johannesburg,

Pour comprendre les crimes transnationaux et leur complexité, difficile de travailler tout seul de son côté. Mariama Thiam, journaliste sénégalaise, en est témoin : « L’expérience que j’ai eue, c'est une collaboration transnationale concernant le trafic de bois de rose au Sénégal, en Gambie, en Chine et en Suisse. Cela permet d’effectuer un travail plus complet et de pouvoir suivre le dossier au-delà de son pays, explique la journaliste. Si je devais faire ce travail en Gambie, ce serait plus compliqué pour moi parce que je n’ai pas forcément les bons contacts. Et quand on parle de contacts, c'est aussi la confiance qui est établie entre le journaliste et la source et justement, la collaboration permet d'arriver à tout ça. »

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La plus grosse enquête à laquelle Emmanuel Dogbevi a participé est aussi un projet de collaboration : en 2018, treize professionnels de différents pays du continent ont eu accès aux bases de données du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ). En s’associant avec la Cenozo (la Cellule Norbert Zongo pour le journalisme d’investigation en Afrique de l’Ouest), ils ont dévoilé différents cas de malversations et de blanchiment d’argent dans la région, connus sous le nom de « West Africa leaks ». Pour Emmanuel Dogbevi, la portée du projet n’aurait pas été la même s’il avait simplement travaillé sur son pays, le Ghana. « Quand on travaille ensemble et qu’on publie une enquête commune, sur le même thème, mais avec des angles et des sujets différents, cela aura potentiellement plus de poids. Et notre voix porte mieux, car on est nombreux. »

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Manque de moyens

Mais très souvent, les projets de collaboration viennent des pays occidentaux, qui possèdent plus de ressources en termes de données, d’expertise et surtout d’argent. Maxime Domegni en charge de la zone francophone du continent pour le GIJN, le Réseau international des journalistes d’investigation : « Vu que les ressources sont limitées dans la région, il se trouve qu’en général, pour les grands projets collaboratifs qui existent, les ressources viennent des médias des pays du Nord. Mais, encore une fois, il y a quelques projets qui ont abouti. Parfois, ce ne sont pas forcément des enquêtes à gros moyens, il peut y avoir des "petites enquêtes"  traitées en collaboration avec d’autres journalistes, précise Maxime Domegni. C’est vrai que l’on n’a pas encore atteint le niveau souhaité en matière de collaboration, mais les choses progressent sur le terrain. »

Travailler en groupe offre aussi plus de protection, avec des journalistes qui se retrouvent moins isolés face aux menaces et aux tentatives pour les faire taire sur le continent.

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