Politique, le choix de la semaine
Politique, le choix de la semaine

Politique, le choix de la semaine

Chaque semaine, les reporters du service politique de RFI proposent une chronique de la vie politique détachée de l’actualité immédiate. Une chronique de reportage ou bien de décryptage, issue de leurs propres observations sur le terrain des leaders et de l’activité des partis qu’ils couvrent. La politique vue sous un angle original, pour éclairer parfois les coulisses, dresser des portraits ou bien approfondir un point d’actualité traité de manière plus factuelle à l’antenne.

Conseil constitutionnel : Macron évite le camouflet de justesse
23 February 2025
Conseil constitutionnel : Macron évite le camouflet de justesse

Une nomination a beaucoup fait parler en France, celle de Richard Ferrand comme président du Conseil constitutionnel. L'ancien président de l'Assemblée nationale n'a obtenu la validation des parlementaires qu'à une voix près. Emmanuel Macron, qui avait choisi de proposer le nom ce fidèle pour cette fonction, a donc évité le camouflet de justesse.

 

C’était bien Emmanuel Macron la cible. Depuis l'annonce du choix présidentiel, la machine à contestation s'était emballée, car Richard Ferrand est identifié comme un grognard de la Macronie, artisan de la victoire de 2017, fidèle parmi les fidèles, éphémère ministre devenu président de l'Assemblée nationale avant d'être battu aux législatives de 2022, premier dégât collatéral de sa proximité avec Emmanuel Macron. Depuis, Richard Ferrand, reconverti dans le privé, restait l'un des conseillers de l'ombre du président. C'est pour toutes ces raisons que sa nomination à la tête du Conseil constitutionnel a suscité tant de protestations.

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« Une casserole de plus »

Faire barrage à Richard Ferrand, c'était envoyer un message de rejet à Emmanuel Macron. Un parlementaire proche d'Edouard Philippe résume la situation dans des termes imagés, c'était selon lui le moyen « de foutre une casserole de plus » au président, avant d'ajouter à propos de la pertinence du choix de Richard Ferrand : « Je n'aurais pas pris cette décision, mais ça n'a rien de scandaleux ». Une ministre très macroniste défend elle avec zèle l'ancien président de l'Assemblée nationale et dénonce un « procès en amitié », quand le député LR Olivier Marleix condamne lui un « copinage malsain » avec le chef de l'État. Car c'est de la gauche mais aussi de la droite républicaine que sont venus les attaques et les votes contre la nomination de Richard Ferrand, alors que le RN s'est abstenu et lui a sauvé la mise.

Quelles conséquences ?

D'abord, cela montre la fragilité du socle commun, cette alliance de circonstance entre le bloc central et LR sur laquelle repose le gouvernement Bayrou. À la première occasion les Républicains manifestent qu'ils détestent Emmanuel Macron. Un chef de groupe du Sénat estime qu'en voyant que le RN s'abstenait, ils se sont « lâchés » en votant contre le candidat du président. Et puis, chaque décision de Richard Ferrand au Conseil constitutionnel risque d'être passée au crible du soupçon de partialité. A moins que comme Robert Badinter qui fut nommé à la même fonction, il ne démontre qu'il a intégré son « devoir d'ingratitude » par rapport à celui qui l'a nommé, Emmanuel Macron.

Wauquiez vs Retailleau, vers une énième guerre fratricide chez les Républicains?
16 February 2025
Wauquiez vs Retailleau, vers une énième guerre fratricide chez les Républicains?

Les Républicains vont-ils renouer avec leurs vieux démons ? Une bataille intense pour la présidence du parti se dessine entre Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau, tous deux déclarés candidats cette semaine. L'enjeu est important, car le vainqueur sera bien placé pour la présidentielle de 2027. Le duel devrait être rude.

Sans que l'on connaisse encore les modalités et la date du vote, la campagne a commencé dès mercredi et l'annonce de la candidature de Bruno Retailleau avec 24 heures d'avance sur son rival. Dans la foulée, l'entourage de Laurent Wauquiez fait savoir que le ministre de l'Intérieur prend « la lourde responsabilité d'ouvrir une guerre des chefs ». La campagne part sur des bases conflictuelles. 

Comme si cela était nécessaire, la rupture entre les deux hommes vient d'éclater au grand jour et se mue en une guerre des narratifs. Chez Wauquiez, tous assurent que Bruno Retailleau a rompu un pacte selon lequel le Vendéen devait rester au gouvernement et le Ponot prendre la tête du parti pour préparer 2027. Chez Retailleau, tous démentent l'existence d'un tel accord. Personne ne connaît la vérité, mais tout le monde a compris que le chef des députés LR pensait avoir une route dégagée pour prendre le parti, mais que son concurrent lui a coupé l'herbe sous le pied. 

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Des tergiversations coupables

Depuis l'été dernier et le psychodrame « Eric Ciotti » parti nouer une alliance avec le Rassemblement national, les Républicains n'ont toujours pas de chef. Maintes fois annoncé comme de retour aux affaires, Laurent Wauquiez n'a cependant jamais pris de décisions franches. Outre le lancement d'une opération « refondation de la droite », presque rien n'a été décidé : pas de dates de congrès, pas de grandes lignes politiques et surtout des refus répétés d'entrer au gouvernement. « Laurent est un cérébral, il réfléchit beaucoup, mais parfois trop », résume un ancien cadre du parti.

Et pendant ce temps, même sans direction, LR reprend des couleurs. Et cela tient beaucoup à l'incarnation de Retailleau au ministère de l'Intérieur. « Il laisse une empreinte très forte dans la France de droite » se convainc un ministre. Bien que limité dans ses pouvoirs, le locataire de Beauvau est, en tout cas, le plus populaire du gouvernement et entre même dans la catégorie des personnalités politiques préférées des Français. À ces bons sondages s'ajoutent aussi de bons résultats pour LR dans des élections municipales et législatives partielles. Voyant Laurent Wauquiez tarder, Bruno Retailleau perçoit donc un alignement des planètes pour, à court terme, prendre le parti et à long terme, incarner la droite à la présidentielle 2027. 

Retailleau favori, mais Wauquiez combatif

En l'état, Bruno Retailleau semble favori. Il domine son principal concurrent et a déjà le soutien de poids lourds comme Xavier Bertrand et Gérard Larcher tandis que, « chez Wauquiez, ça se compte sur les doigts d'une main » estime un proche du Vendéen. Toutefois, plier le match d'emblée, ce serait mal connaître Laurent Wauquiez à la réputation « combative, voire teigneuse »Se sachant dans un vrai match, il a déjà lancé quelques piques dans sa première interview de candidat au Figaro, dans laquelle il met en avant comme un atout « ne pas être lié à la solidarité gouvernementale » et ne rien devoir à François Bayrou. Une façon de dire que Bruno Retailleau ne pourra pas être un vrai patron dans la droite, tant dans l'action, faute de temps, que dans la parole, car il est redevable au gouvernement. Sans oublier que Laurent Wauquiez, président du groupe LR à l'Assemblée, peut aussi entraver l'action gouvernementale. 

Et puis, le Ponot dispose aussi d'un pouvoir dans l'ombre pour influencer le processus électoral. Son clan a déjà obtenu une victoire en imposant un délai de trois mois de campagne, avec des juristes en renfort. 

Bref, comme souvent lors des élections internes à droite, tout indique que l'on se dirige vers une guerre fratricide. 

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Une nouvelle manche de gagnée pour le Premier ministre: va-t-il maintenant pouvoir réformer?
09 February 2025
Une nouvelle manche de gagnée pour le Premier ministre: va-t-il maintenant pouvoir réformer?

Le Premier ministre et son gouvernement ont franchi une première étape en adoptant le budget cette semaine après que deux motions de censure ont été repoussées à l'Assemblée. Le Premier ministre sauve donc sa tête et celle de son gouvernement. L'horizon politique se dégage quelque peu pour François Bayrou, mais la route reste semée d’embûches. Dont certaines vont arriver rapidement.

Prochaine étape pour le Premier ministre la motion de censure spontanée que le PS déposera dans les prochains jours. En cause, les propos de François Bayrou sur le « sentiment de submersion migratoire ». Mais là encore peu de chance pour que cette motion soit adoptée, le RN ne devrait pas la voter et LFI qui n'a pas apprécié le non-vote par les socialistes de leurs deux motions ne la soutiendra sans doute pas non plus. Et, après cela, à moyen terme, l'avenir est tout aussi incertain. La réforme des retraites par exemple actuellement en discussion au sein d’un « conclave » entre partenaires sociaux pendant trois mois sera aussi un tournant pour le mandat de François Bayrou.

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Dans l'entourage du Premier ministre on est confiant

Oui ses proches estiment qu'il peut désormais tenir jusqu'à l'automne en y allant « étape par étape » disent-ils et ajoutent qu'ils sont « confiants ». Il faut dire que pour le moment la stratégie du Premier ministre fonctionne. Il a réussi à franchir plusieurs haies sans être censuré. Celle de la déclaration de politique générale pour laquelle il n'a pas été censuré et donc maintenant le budget et le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Alors ça ne veut pas dire non plus que tout est rose loin de là. « On marche sur des œufs » confiait un député du camp du Premier ministre mais « on avance ».

Même dans le bloc central les alliés ne font pas de cadeau au Premier ministre 

Oui chez Les Républicains, le Premier ministre reste perçu comme un ancien allié défaillant, voire « un traître ». Alimentée par Nicolas Sarkozy, cette rancœur ne remet pas en cause la participation des LR au bloc central. Mais le patron du groupe LR Laurent Wauquiez entretient des relations compliquées avec le Premier ministre. Dans une interview donnée au JDD, le député expliquait récemment que la droite ne ferait pas de cadeaux au gouvernement. Notamment sur les sujets qui fâchent comme la proportionnelle dont LR ne veut pas entendre parler et cheval de bataille de François Bayrou. L’immigration est également un sujet sensible qui pourrait enflammer le bloc central dans les prochains mois. Alors au-delà de la gauche et du RN, pour le Premier ministre, la méfiance reste de mise même avec son propre camp.

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Macron cherche influence désespérément
02 February 2025
Macron cherche influence désespérément

En ce début d'année 2025, Emmanuel Macron est beaucoup plus présent dans le paysage politique français. Depuis la dissolution, le président ne tient plus les manettes de la politique gouvernementale mais il n'a visiblement pas renoncé à se faire entendre. Emmanuel Macron essaie de se refaire une place dans le débat national.

Le président cherche comment retrouver un peu d'influence. Après une période durant laquelle il a été forcé de prendre de la distance, son entourage a même théorisé cette posture avec une formule : « le président préside et le gouvernement gouverne », Emmanuel Macron a changé de stratégie. Son objectif est aujourd'hui d'essayer de se rappeler au bon souvenir des Français et il le fait de manière parfois un peu débridée, allant même jusqu'à critiquer la politique gouvernementale. Par exemple quand les sportifs français ont protesté contre les coupes budgétaires dans leur secteur dans une tribune, Emmanuel Macron leur a apporté son soutien. Une première pique contre les choix du Premier ministre suivie quelques jours plus tard par une autre saillie : en déplacement dans le nord de la France, il a défendu sa politique pro-entreprises qui risque d'être mise à mal par l'augmentation de la fiscalité envisagée pour faire rentrer de l'argent dans les caisses et combler les déficits.

TikTok

On a aussi vu Emmanuel Macron sur TikTok dans une vidéo publiée pour répondre à un influenceur qui se plaignait d'avoir été verbalisé pour avoir payé au péage avec son téléphone. Une préoccupation pas très jupitérienne portée par un président devenu porte-parole des mécontents, sans filtre, peut-être un peu trop connecté. Cet épisode insolite a étonné, même dans son camp. « Joker » a répondu un macroniste de la première heure sollicité pour réagir sur cette vidéo, qui s'inscrit dans une démarche de rapprochement avec les Français illustrée encore cette semaine par une visite surprise et sans la presse dans une petite ville de l'Aisne pour aller à la rencontre des habitants autour d'un café. Dans l'entourage du président, on emballe tout ça dans un récit : Emmanuel Macron aurait la volonté de s'occuper « de plus en plus du quotidien » de ses compatriotes « loin du protocole ».

Comment remonter la pente ?

Est-ce que cette stratégie fonctionne ? Pas pour le moment. La cote de popularité d'Emmanuel Macron n'en finit pas de chuter. Mal engagé en 2022, après des législatives qui ne lui avaient permis d'obtenir qu'une majorité relative, son deuxième quinquennat a complètement dérapé avec la dissolution que les Français lui reprochent. Mais Emmanuel Macron cherche encore et toujours comment remonter la pente.

Municipales 2026: à gauche, la bataille pour Paris fait rage
26 January 2025
Municipales 2026: à gauche, la bataille pour Paris fait rage

À un peu plus d'un an des élections municipales en France, les appétits s’aiguisent autour de la succession d’Anne Hidalgo à Paris. Si la ministre de la Culture, Rachida Dati, parait en mesure de rassembler la droite et le centre dans la capitale, à gauche, tout est flou. En cause, les rivalités entre les représentants du Nouveau Front Populaire, mais aussi de la concurrence interne chez les écologistes et les socialistes.

La mairie de Paris a un nouveau prétendant de poids depuis cette semaine : Yannick Jadot. L’ancien candidat écologiste à l’élection présidentielle a annoncé dans les colonnes du quotidien Le Parisien briguer ce mandat qu’il juge « extraordinaire ». Mais attention, encore faut-il passer l’obstacle de la désignation interne à son parti. Or, quatre autres candidates et candidats se sont déjà déclarés dont deux adjoints à la mairie et la patronne du groupe écologiste au Conseil de Paris. Des personnalités qui ont « des bilans à défendre », juge un haut dirigeant écologiste, contrairement à Yannick Jadot. Celui-ci défend toutefois son initiative en mettant en avant son expérience au sein du Parlement européen ou du Sénat ainsi que ses quarante années de résidence à Paris. « Pas sûr que cela suffise », juge un cadre écologiste parisien, « même avec sa notoriété, le courant que représente Yannick Jadot au sein du parti étant très minoritaire chez les militants » de la capitale.

Quels soutiens pour Yannick Jadot ?

Mais Yannick Jadot ne s’est sans doute pas lancé dans la bataille sans avoir mesuré l’obstacle. C’est notamment l’analyse qui domine au sein l’équipe d’Emmanuel Grégoire, l’un des deux candidats à l’investiture du parti socialiste. « Il a forcément obtenu des garanties », estime une conseillère, qui hésite toutefois sur la provenance de ce soutien. Yannick Jadot a apposé sa signature parmi la première liste de soutiens à Marine Tondelier qui veut se faire réélire à la tête des écologistes, sans doute un indice. Mais des rumeurs persistantes font état de contacts avancés avec Anne Hidalgo.

Une candidature pour l'union de la gauche dès le 1er tour

La maire de Paris a pourtant désigné son dauphin, le sénateur Rémi Féraud. Mais la greffe a du mal à prendre et son rival Emmanuel Grégoire, désormais honni par Anne Hidalgo, s’attend à remporter facilement la primaire interne. Yannick Jadot pourrait donc devenir un recours, avec l’avantage de pouvoir rassembler écologistes et socialistes dès le 1ᵉʳ tour de l’élection. Ce qui éviterait à la gauche de devoir combler au second tour un écart trop important avec la liste d’union de la droite et du centre que devrait mener Rachida Dati. Reste, désormais, à convaincre les écologistes parisiens et tordre le bras aux socialistes pro-Grégoire. Sans compter le fait qu’il faudra aussi surveiller les Insoumis, très ambitieux. Or Yannick Jadot n’a jamais caché son hostilité à tout rapprochement avec le mouvement de la gauche radicale.

Le style du Premier ministre François Bayrou divise les politiques français
19 January 2025
Le style du Premier ministre François Bayrou divise les politiques français

Le Premier ministre a enfin donné sa feuille de route cette semaine avec sa déclaration de politique générale présentée mardi 14 janvier dans l'hémicycle. Après un mois à Matignon, son style divise. Ce n'est pas une surprise, mais il n'y a pas eu de grand enthousiasme après sa prise de parole et son style ne fait pas l'unanimité.

François Bayrou le sait, la tâche est ardue, il l'a d'ailleurs dit lui-même ce mardi devant les députés : « Par quelle sorte d'optimisme les 16 % de Français qui pensent que le gouvernement ne sera pas censuré avant la fin de l'année peuvent-ils bien être animés ? Quand tout va bien, on s'endort sur ses lauriers, quand tout va mal, on est contraint au courage. » Il a donc tenté de rassurer, mais la boutade en dit long.

Et pendant son grand oral devant les députés, il a eu du mal à couvrir les invectives venues la plupart du temps des rangs de La France Insoumise. On avait rarement entendu autant de brouhaha. En tout cas, le Premier ministre en est ressorti écœuré et aurait confié à sa ministre de l'Agriculture Annie Genevard que l'hémicycle était « invivable ». 

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Même si sur le fonds les critiques sont moins acerbes, c'est la forme qui a marqué les esprits. Ce mardi, il a multiplié les métaphores et s'est aussi emmêlé dans ses fiches au début du discours. Ce qui a bien fait réagir sur les réseaux sociaux. 

Un style qu'il cultive même s'il se sait très critiqué 

François Bayrou, l'agrégé de lettres classiques et amoureux des belles lettres, s'est montré très avare ce mardi en envolées lyriques. Comme me le confiait un député du parti du Premier ministre, « toutes ces phrases, c'est parce qu'il a un côté "bon sens près de chez-vous" revendiqué, avec des expressions un brin désuètes et un vocabulaire simple, c'est le style Bayrou ». « Les poireaux, c’est une métaphore qui se voulait amusante, il n’a pas employé des mots trop complexes, pour rester compréhensible dans une déclaration de politique générale, éclaire le même député. Dans les grands rendez-vous du MoDem, il peut se faire beaucoup plus littéraire, plus complexe. Là, il a voulu rendre l’ensemble plus lisible. »

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Pour un député les Républicains, « les parlementaires se moquent, mais cela glisse sur lui. Au moins, il n'a enthousiasmé personne, mais n'a fâché personne non plus ». Et pour un ministre de premier plan, « le style Bayrou est particulier. On s'ennuie, mais je trouve qu'il a du courage ». 

Il reste que même avec son débit de parole un peu lent et souvent moqué, tout cela est la marque de fabrique du nouveau Premier ministre qui en plus de 40 ans de vie politique n'a jamais changé de style.

Mort de Jean-Marie Le Pen: un héritage trop lourd à porter pour Marine?
12 January 2025
Mort de Jean-Marie Le Pen: un héritage trop lourd à porter pour Marine?

Jean-Marie Le Pen, disparu cette semaine à 96 ans, a été inhumé, hier, samedi 11 janvier, en Bretagne à la Trinité-sur-Mer. Figure de l'extrême-droite et de la Ve République, il laisse derrière lui un héritage controversé que devra en grande partie porté sa fille, Marine Le Pen. 

C'est à l'image des messages publiés le jour de sa mort. Très peu de monde rend hommage à Jean-Marie Le Pen dans la classe politique. Quasiment personne même, à l'exception de l'extrême droite. Et encore, dans le communiqué élogieux du Rassemblement national il est fait mention du mot « polémique ». 

Chez ses nombreux adversaires, beaucoup rappellent ses dérapages verbaux sur fond d'antisémitisme, en tête desquels ses propos sur les chambres à gaz qu'il considérait comme un point de « détail » de la Seconde Guerre mondiale. Cette sortie retentissante l'aura poursuivit toute sa carrière jusqu'à provoquer la rupture avec sa propre fille. Ces propos tenus en 1987 puis réaffirmé en 2015, furent, à l'époque une goutte d'eau pour Marine Le Pen. Désormais à la tête d'un Front national en quête de « normalisation », elle exclut son père du parti. Il le lui rendra d'ailleurs bien en la traînant devant les tribunaux et allant même jusqu'à lui demander publiquement de ne plus porter le nom « Le Pen ».

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Une rupture efficace mais insuffisante

Cet épisode particulièrement violent aidera, en partie, Marine Le Pen à progresser dans les urnes. Deux fois finaliste de la présidentielle (2017 et 2022), le parti à la flamme désormais appelé Rassemblement national (toujours dans une volonté de rupture) obtient jusqu'à 11 millions de voix aux dernières législatives... C'est plus du double de ce qu'avait fait Jean-Marie Le Pen, en 2002, lorsqu'à la surprise générale lui aussi arrivait à se qualifier au second tour d'une présidentielle. 

Si les résultats sont chaque année meilleurs, le RN et Marine Le Pen échouent constamment à gagner et restent marginalisés. Comme si, malgré des obstacles franchis, une ultime barrière, psychologique celle-là, empêchait encore un nombre décisif d'électeurs de « franchir » le Rubicon. La présence de candidats loufoques et parfois ouvertement racistes lors des dernières législatives ne fait évidemment que renforcer la digue. 

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Changer de thème de thématique ne suffira pas

Si, sur la forme, des modifications de noms, de casting sont relativement faciles à opérer, toucher au fond est bien plus délicat. Les grandes thématiques imposées par Jean-Marie Le Pen dans le débat politique sur l'immigration et l'identité nationale sont aussi celles qui ont fait l'ascension électoral du parti et font toujours son image de marque. Consciente de leurs caractères - par nature - sulfureux, Marine Le Pen a voulu mettre l'accent sur des questions économiques et sociales pour élargir son socle électoral. Pari gagné dans les bastions autrefois acquis à la gauche mais en allant vers la gauche, on risque de perdre sur sa droite. Ça s'était vu pendant une courte période dans les sondages à la dernière présidentielle. Lors de l'irruption d'Eric Zemmour. L'autre candidat d'extrême droite et dont la campagne tournait essentiellement autour du «Grand Remplacement» menaçait celle du RN. Marine Le Pen, reste donc en quête d'équilibre. Toujours lestée par son père, ça ne suffit pour le moment pas à l'emporter.  

2025: Macron va-t-il continuer à payer le prix de la dissolution?
05 January 2025
2025: Macron va-t-il continuer à payer le prix de la dissolution?

2025 va-t-elle être aussi chaotique pour Emmanuel Macron que 2024 marquée par la déflagration d'une dissolution qui a engendré l'instabilité politique en France. Le chef de l'État va-t-il continuer à payer cette année le prix de sa décision de dissoudre l'Assemblée ?

La dissolution est un poison durable qu'Emmanuel Macron a lui-même injecté dans son quinquennat et dont il aura bien du mal à trouver l’antidote en 2025. Quand il a prononcé ses vœux aux Français le 31 décembre, le président de la République a bien tenté de tourner la page de cette dissolution ratée en reconnaissant pour la première fois depuis six mois que sa décision avait provoqué plus de « divisions que de solutions ». Mais faire tardivement œuvre de « lucidité » et « d'humilité » risque de ne pas être suffisant pour inverser la tendance. Il est loin le temps où l'on surnommait Emmanuel Macron « Jupiter » pour manifester sa puissance et sa domination. Dans l'entourage du chef de l'État, on en est désormais réduit à théoriser la posture du « président qui préside », du « garant » plus que du gouvernant pour tenter de faire comme si finalement, cette situation d'affaiblissement du président était maîtrisée et créer autour de lui une bulle institutionnelle protectrice en agitant les pouvoirs qui lui restent, par exemple celui d'organiser des référendums.

Emmanuel Macron en danger ?

Le président est clairement dans le viseur de ses adversaires et surtout de Jean-Luc Mélenchon. Le leader insoumis, déjà trois fois candidat à la présidentielle, se verrait bien tenter sa chance une quatrième fois et pourquoi pas dès 2025 lors d'un scrutin anticipé. Alors après avoir tenté sans succès de lancer une procédure de destitution, il joue maintenant la carte de l'appel à la démission d'Emmanuel Macron. La stratégie de censure à répétition de LFI vise à provoquer l'instabilité et à mettre le chef de l'État dans une situation où son départ de l'Élysée serait la seule solution.

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« L’horloge qui tourne »

Marine Le Pen elle aussi met la pression sur Emmanuel Macron.  Elle ne réclame pas clairement sa démission mais laisse planer l'hypothèse et s'interroge sur la capacité du président à tenir jusqu'en 2027. Dans ce contexte, un cadre Renaissance s'inquiète de la volonté d'accentuer la pression en 2025 des deux opposants qui sont poussés, dit-il, par « l'horloge qui tourne », « une horloge biologique » selon lui pour l'Insoumis de 73 ans, « une horloge successorale » pour la députée RN talonnée par Jordan Bardella. Reste à savoir jusqu'à quand face à leurs assauts, Emmanuel Macron réussira, lui, à faire avancer l'horloge présidentielle.

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Toujours à l'écart du pouvoir, le Nouveau Front Populaire a un nouveau tournant
29 December 2024
Toujours à l'écart du pouvoir, le Nouveau Front Populaire a un nouveau tournant

Si d'anciennes figures de la gauche socialiste comme Manuel Valls ou François Rebsamen ont fait leur entrée dans le gouvernement Bayrou, le Nouveau Front Populaire a de nouveau été tenu à l'écart dans la composition du cabinet. Pire, les revendications de l'alliance de la gauche ont été balayées par le Premier ministre. Les partis socialiste et communiste et dans une moindre mesure les écologistes avaient pourtant tendu la main ces dernières semaines.

Au parti socialiste, Olivier Faure était poussé par son aile droite afin de se rapprocher du camp macroniste. La frange la plus sociale-démocrate envisageait ouvertement d'entrer dans un gouvernement aux côtés de représentants de Renaissance ou du Modem de François Bayrou, avec qui des échanges avaient eu lieu avant même la censure du gouvernement Barnier.

Olivier Faure, dont la place de premier secrétaire est menacée lors du prochain congrès qui doit se tenir d'ici l'été, a donc choisi de jouer la carte du consensus, peu répandue ces derniers temps au PS. Mais l'aventure tourne court : avec tout d'abord la nomination de François Bayrou, puis le refus assumé de celui-ci de faire des concessions aux socialistes, aussi bien en termes de fiscalité que dans l'hyper sensible dossier de la réforme des retraites.

Les rangs au sein du NFP pas forcément resserrés

De leur côté, les Insoumis ont multiplié les imprécations en direction des socialistes, accusés de diviser l'alliance pour une place au gouvernement. Les mots ont été très durs, ce qui n'a pas forcément tant dérangé que ça Olivier Faure. Car le patron du PS avait besoin de montrer en interne qu'il n'était « soumis aux Insoumis », accusation récurrente de ses opposants. Il sort donc de la séquence en ayant prouvé qu'il était capable de tenir tête à Jean-Luc Mélenchon tout en ne cédant pas aux sirènes déclinantes du macronisme.

L'analyse est bien évidemment différente du côté de LFI où l'on juge que ces négociations ont prouvé qu'aucun terrain d'entente ne pouvait être trouvé avec le camp présidentiel, théorie que la formation de la gauche radicale a toujours soutenue.

Un NFP divisé lors des prochaines échéances électorales ?

Les tensions internes au Nouveau Front Populaire devraient s'aggraver dans un premier temps sur la question des municipales. LFI a décidé de s'investir pleinement dans ces élections qu'elle négligeait jusque-là. Or la plupart des grandes municipalités de gauche sont dirigées par des alliances socialistes-communistes-écologistes. L'irruption des Insoumis pourrait faire tanguer ces unions. Et puis il y a la présidentielle où le principe de candidatures multiples à gauche est déjà quasiment acté, avec la bataille sans merci que cela implique.

Après la censure, quels sont les objectifs de Marine Le Pen?
22 December 2024
Après la censure, quels sont les objectifs de Marine Le Pen?

Deux semaines après la censure du gouvernement Barnier, les postures et les discours de la leader d'extrême-droite indiquent quelques pistes pour comprendre le geste fatal du 4 décembre dernier. Bien que la France soit sans gouvernement ni budget à quelques jours de Noël, Marine Le Pen n'affiche aucun regret.

Retour à la case départ. Comme à la rentrée, lors de l'entrée en fonction de Michel Barnier, Marine Le Pen exige du « respect » et promet de ne pas « censurer à priori » tout en se disant capable de recommencer, si François Bayrou, le nouveau Premier ministre, fait des choix qui ne lui plaisent pas.

Comme à la rentrée, les vœux de respect de la cheffe des députés RN sont, en partie, exaucé. Lundi, dans le cadre d'un cycle de consultation des forces politiques, elle a été reçue en premier à Matignon. Ce qu'elle juge positif. 

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Si ce n'est que symbolique, cette place accordée par le chef du gouvernement au RN, consacre le parti comme la principale force d'opposition.

Inspiration italienne ? 

Ce qui sied bien à Marine Le Pen. Elle a toujours refusé de participer au gouvernement. Elle affichait même un large sourire lorsque, dans la foulée de la censure, le président avait convié tous les partis hors RN et LFI à l'Élysée. Dans les couloirs de l'Assemblée nationale, elle s'épanchait longuement aux journalistes et déclarait : « Nous sommes la seule force d'opposition ».

Difficile de ne pas comparer avec Giorgia Meloni. L'ultra-conservatrice présidente du conseil italien avait refusé il y a deux ans de participer à un gouvernement d'union nationale pour palier à une énième crise politique en Italie. Elle a par la suite triomphé aux élections et pris le pouvoir.

« Je me prépare »

Une censure pour mieux s'affirmer dans un paysage politique troublé et avant une possible présidentielle anticipée ? Ce positionnement franchement dans l'opposition est une sorte de retour dans la zone de confort. Celle qui a fait la progression constante du RN, ex-FN (le fameux « on n'a pas essayé »). 

Être consacrée cheffe de l'opposition revêt aussi un intérêt judiciaire non négligeable. Cela ne peut qu'influencer les juges qui doivent d'ici au 31 mars décider de punir ou non Marine Le Pen d'une peine d'inéligibilité avec exécution provisoire. 

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Se pose aussi, et évidemment, la question d'une présidentielle anticipée. Depuis la censure, le RN n'appelle pas ouvertement à la démission du président mais le ton a évolué. Marine Le Pen ne cache plus se préparer à une telle éventualité. Dans le journal Le Parisien cette semaine, elle a déclaré : « Je me prépare, par précaution, compte de tenu de la faiblesse du président ». Ses propos sont doublés d'éléments de langages utilisés par ses troupes et selon lesquels, « le chef de l'État est l'élément perturbateur de la crise politique actuelle ».

Une démission semble loin, Emmanuel Macron rejette en bloc cette hypothèse. Mais si une présidentielle avait lieu cette semaine, Marine obtiendrait entre 36 et 38% des voix au premier tour. Ce qui la confortera surement dans son choix de censurer Michel Barnier.