Un substitut crédible à la Cédéao

Un substitut crédible à la Cédéao

RFI
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Un mot, pour commencer, un seul : Merci ! Merci à Sidney Poitier qui a tant représenté dans nos vies, dans l’histoire du cinéma. Jusqu’au fin fond de l’Afrique, nous étions fiers de ce qu’il était. Et il était aussi un Africain. Merci, Monsieur Sidney Poitier !

En début de semaine, le médiateur Good Luck Jonathan opposait une fin de non-recevoir aux cinq années de prolongation de la transition, annoncées par la junte malienne. Ce dimanche 9 janvier, à Accra, les chefs d’État de la Cédéao vont devoir trancher. Faudrait-il s’attendre à des sanctions lourdes ?

Plus sûrement à de nouvelles menaces, sans lendemain… Ce feuilleton prend, par moments, une tournure folklorique. Vous avez entendu ce porte-parole de la junte suggérer que les cinq années n’étaient qu’une proposition. Une proposition ! À marchander, en somme. Comme au bazar ! Étant donné que la Cédéao elle-même s’accommode si facilement des coups d’État, qu’elle ne cesse d’entériner, les uns après les autres. Peut-être devrait-elle se montrer simplement conséquente et laisser Assimi Goïta assumer, le temps qu’il faut, son putsch. Il rendra des comptes, le moment venu, à ses concitoyens, s’ils en demandent.

À peine cette Cédéao trouve-t-elle le courage de dire aux putschistes de nommer un Premier ministre civil, et de penser à revenir à l’ordre constitutionnel. Jamais elle n’oblige les putschistes à rétablir aussitôt le pouvoir civil renversé.

La Cédéao peut aussi bien se ressaisir, après tout !

Sans vouloir offenser qui que ce soit, l’on devrait peut-être simplement rappeler que la Cédéao est née dans la tête de deux généraux putschistes : le Nigérian Yakubu Gowon, et le Togolais Gnassingbé Eyadéma. Moins de trois mois après la naissance de la Communauté, le général Gowon lui-même était victime d’un coup d’État.

Il ne sert à rien de feindre d’ignorer l’incapacité de la Cédéao à prévenir les putschs à répétition qui surviennent en Afrique de l’Ouest. La communauté ploie sous les contradictions, les incohérences. Entre les États membres, il y a de telles disparités, et de telles différences entre leurs pratiques politiques. Entre les dirigeants, les dissemblances sont telles que l’on se demande parfois comment ils peuvent cohabiter au sein d’une même organisation. Peut-être que la Cédéao a touché son ultime port d’obsolescence. Il ne lui manquerait plus que le courage de se saborder.

Se saborder ? Vous n’y pensez pas ! Seuls les grands ensembles sont viables dans le monde d’aujourd’hui !

Les grands ensembles qui manquent d’homogénéité et de cohérence ne grandissent aucun peuple. La Cédéao a même failli à sa mission première, qui est la libre circulation des personnes et des biens. Combien de chefs d’État ont, ces dernières années, au gré de leurs humeurs, de leur versatilité, fermé les frontières avec les pays voisins, sans fournir d’explications à quiconque, et sans que les autres chefs d’État ne les rappellent à leurs obligations !

D’ordinaire inaudible, lorsque se nouent, dans les pays, les conditions déterminantes des crises qui génèrent des coups d’État, la Cédéao n’en est plus, aujourd’hui, qu’à proférer des menaces de principe contre des putschistes qui l’ignorent.

Il faut, évidemment, de l’audace, du courage, de la lucidité, une grande crédibilité, pour oser initier une plus parfaite organisation, à partir d’un noyau dur cohérent, homogène. Quitte à s’ouvrir ensuite aux autres, mais au fur et à mesure que ceux-ci répondent à des critères d’admission rigoureusement dressés. Ce n’est pas parce que l’on est voisin que l’on est forcément faits pour vivre ensemble. Les dirigeants qui sauront créer ce substitut crédible à la Cédéao entreront dans l’Histoire. Après tout, l’aspiration ultime des meilleurs, en politique, n’est-elle pas d’entrer dans l’Histoire ?