Américain d’origine, péruvien d’adoption, polyglotte et réputé proche des pauvres, le nouveau souverain pontife s’inscrit dans la tradition sociale de l’Église catholique.
Traditionnellement, rapporte notre correspondant à Washington Guillaume Naudin, on se disait qu’il n’était pas possible de confier le destin de l’Église au citoyen d’un pays qui est déjà une superpuissance, parce que cela aurait fait beaucoup de pouvoir pour un seul pays. Apparemment, cela n’a pas fait peur aux cardinaux. Peut-être parce que ce pape n’est pas seulement américain, il est aussi péruvien. Il a été naturalisé après avoir passé une bonne partie de sa vie au Pérou. Et puis, les États-Unis sont un pays d’immigration et tout le monde vient un peu d’ailleurs ici. Les spécialistes de la généalogie se sont très rapidement penchés sur la question. Le pape, dont le nom de famille est donc Prevost, a des origines françaises du côté de son père. Sa grand-mère Susanne serait d’ailleurs née en France et son grand-père Jean serait lui originaire d’Italie. Mais ce n’est pas tout, la famille de sa mère est originaire de Louisiane. Et de ce côté-là, il y aurait des origines à la fois créoles, mais aussi espagnoles et même haïtiennes apparemment.
Aux États-Unis, les réactions n’ont pas tardé : Donald Trump, sur son réseau Truth Social : « Félicitations au cardinal Robert Francis Prevost, qui vient d'être nommé pape. C'est un tel honneur de réaliser qu'il est le premier pape américain. Quelle excitation et quel grand honneur pour notre pays. J'ai hâte de rencontrer le pape Léon XIV. Ce sera un moment très significatif ! » Il y a aussi celle du vice-président JD Vance, converti au catholicisme. Il dit : « Félicitations à Léon XIV, le premier pape américain, pour son élection ! Je suis sûr que des millions de catholiques américains et d'autres chrétiens prieront pour qu'il réussisse à diriger l'Église. Que Dieu le bénisse ! ». C’est un peu plus mesuré que la réaction du président.
Pour les militants MAGA, un pape « marxiste et woke »Et pour cause, le nouveau pape ne voit pas le catholicisme de la même manière que JD Vance. Quand il n’était encore que cardinal, sur son compte X, Robert Prevost a repris publiquement le vice-président. C’était au mois de février, au sujet des déclarations de JD Vance sur la hiérarchisation de l’amour de son prochain. Selon lui, c’était un concept catholique d’aimer davantage sa famille que ses amis, puis que ses voisins, puis que ses concitoyens et enfin que le reste du monde. Jean-Marie Le Pen disait d’ailleurs à peu près la même chose en France à une époque. Le futur pape avait écrit : « JD Vance a tort : Jésus ne nous demande pas de hiérarchiser notre amour pour les autres. » Ils n’ont manifestement pas la vision des choses notamment sur l’immigration. Le mouvement trumpiste s’en est d’ailleurs très vite aperçu. L’influenceuse d’extrême droite Laura Loomer, qui est souvent écoutée par le président, résume son jugement en deux mots : « C’est un pape marxiste et woke. »
De son côté, le dernier président catholique, Joe Biden, félicite le nouveau pape pour son élection. De même que Barack Obama qui n’est pas catholique, mais qui vient lui aussi de Chicago. Les habitants de la ville sont nombreux à dire leur fierté sur les réseaux sociaux et dans les médias traditionnels. Et là-bas, dans cette ville très sportive au bord du lac Michigan, il y a une question très importante. Comme pour le football à Manchester, il y a deux clubs phares dans le sport national qu’est le baseball. Toute la journée d’hier, tout le monde s’est demandé qui des Cubs ou des White Sox soutient le nouveau pape. Ça a donné lieu à des débats assez drôles. Débat tranché par le propre frère de Léon XIV qui l’affirme avec beaucoup de certitude : le nouveau pape soutient les White Sox. Mais il l’a dit dans son premier discours, il est avant tout pour la paix sur Terre et dans les stades.
Louanges dans la presse péruvienneC'est un « pasteur au cœur péruvien » qui arrive à la tête de l'Église catholique, d’après le quotidien conservateur Peru21, pour qui Léon XIV coche toutes les cases : grâce à « son style accessible et conciliant », grâce « à son expérience en Amérique latine » et grâce à « son travail à la Curie romaine », il a tout pour réussir et « son expérience de missionnaire, sa proximité avec les communautés locales et son ouverture au dialogue seront les clés de son pontificat ».
« Prevost est peut-être un mystère pour le reste du monde, mais dans notre pays, renchérit El Comercio le plus grand journal du Pérou, on le connaît bien ». En résumé, on connaît son intérêt pour les questions sociales, son attachement à la transparence et au travail collaboratif. Et puis, il a quelque chose de spécial : « À la fois représentant d'une grande puissance mondiale comme les États-Unis et doté d’une compréhension profonde des problèmes auxquels sont confrontés les endroits les plus éloignés des centres de pouvoir ». Certes, parmi les cardinaux, il y en avait plusieurs capables de prendre la relève de François, mais pour El Comercio, « il était difficile d'en trouver un plus apte que Léon XIV ».
Même La Republica, le journal de la gauche péruvienne, encense l'humilité du nouveau pape. Une religieuse y raconte que dans ses fonctions d'évêque, il a visité les zones les plus reculées de Chiclayo, que l’on pouvait lui parler du matin au soir, que ses messes étaient simples, sans fioritures, qu'il menait une vie recluse, qu'il privilégiait la prière, avec un petit faible pour la musique créole, souvenir sans doute de ses grands-parents maternels, nés tous les deux à la Nouvelle-Orléans. Il y a aussi de l'Italie en lui, ou de la Guadeloupe, avec un arrière-arrière-grand-père né à Pointe-à-Pitre. Et pour un aperçu complet de ses racines tricolores, la Revue française de généalogie nous raconte que cette nuit, dès 2 heures du matin, cinq arbres généalogiques très poussés ont été mis en ligne, qui nous emmènent chez ses aïeux, d'un couple de pâtissiers du Havre à la bourgeoisie de Menton et de Monaco.
Quelle prise de position au sujet des abus sexuels commis par les prêtres ?Du temps où Léon XIV n'était encore que Robert Prevost, évêque de Chiclayo au Pérou, trois femmes se sont adressées à l'évêché pour dénoncer un prêtre qu’elles accusaient d'attouchements et d'agression sexuelle. Or, la gestion de cette affaire reste sujette à controverse. Il y a, par exemple, cette association américaine citée par le magazine Newsweek, association qui regroupe des victimes de violences sexuelles et selon laquelle le futur pape a dérogé aux règles prévues par le Vatican dans ce genre ce cas. Il n'aurait pas tout de suite suspendu le religieux incriminé par les victimes et se serait abstenu de saisir les autorités péruviennes.
Version controversée et balayée par la presse du Pérou. La Republica rétorque que Prevost « a mené des enquêtes préliminaires, porté l'affaire devant la Curie romaine et expulsé ce prêtre de l'Eglise ». Le diocèse affirme avoir tout fait dans les règles et porté l'affaire jusqu’au pénal, affaire finalement classée sans suite en raison du délai de prescription. L'une des plaignantes a demandé la réouverture de l'enquête, désormais placée sous la responsabilité du successeur de Robert Prevost à Chiclayo. Impossible à ce stade de dire si, oui ou non, il faut parler de négligence.
La Republica préfère renvoyer à l'entretien que le cardinal lui avait accordé avant de quitter le Pérou. Il prend au cours de cette interview une position très ferme à propos des violences sexuelles au sein de l'Église. « Nous rejetons, disait-il à l'époque, les dissimulations et le secret. En cas d'abus sur mineurs commis par des prêtres, la réponse a souvent été : tais-toi et ne parle pas. C'est inacceptable. Tous ceux victimes d'un acte répréhensible de la part d'un prêtre doivent venir le signaler afin d'agir pour le bien des victimes et de l'Église. » On verra si le nouveau pape s'empare du dossier pendant son pontificat et met en place le principe de tolérance zéro réclamé par de très nombreuses associations de victimes.