«En Haïti, les gangs ne cherchent pas à renverser le système politique existant»
27 November 2025

«En Haïti, les gangs ne cherchent pas à renverser le système politique existant»

Journal d'Haïti et des Amériques

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En Haïti, l'avenir de la transition politique préoccupe davantage après des sanctions que Washington vient de prendre contre l'un de ses membres, Fritz Alphonse Jean, que les États-Unis accusent d'être lié aux gangs. Une débâcle sur laquelle se penchent Romain Le Cour Grandmaison, chercheur senior à Global Initiative, et Frantz Duval, rédacteur en chef du quotidien Le Nouvelliste.

« Il existe probablement des liens entre les groupes criminels en Haïti et des responsables politiques de haut niveau », remarque le chercheur Romain Le Cour Grandmaison, alors que les États-Unis viennent de sanctionner le conseiller présidentiel Fritz Alphonse Jean pour ses supposées relations avec les gangs, que l'intéressé dément. « Malheureusement, ce qui est très compliqué est de les documenter. »

Toute la question est de savoir quels sont les liens entre ces groupes armés, la classe politique et le secteur économique. Sont-ils devenus suffisamment puissants pour s'affranchir de ceux qui les ont financés ? « Les gangs ont trouvé une façon de naviguer dans l'économie politique, parce qu'ils se sont enrichis, parce qu'ils contrôlent plus de territoires, mais ils ne cherchent pas à renverser le système politique tel qu'il existe », remarque Romain Le Cour Grandmaison. « On est plutôt face à des acteurs qui cherchent toujours à être bien positionnés – politiquement, territorialement, économiquement – pour négocier la meilleure place à l'intérieur du système pour leurs activités criminelles. » Mais, insiste le chercheur, il est devenu impossible de faire fonctionner le pays sans parler avec les gangs.

Le bourbier haïtien

Le Nouvelliste revient sur cinquante ans de gouvernances ratées et de transitions qui ne mènent nulle part. L'adage selon lequel le pays n'a jamais raté une occasion de rater une occasion se vérifie encore une fois, écrit dans son éditorial le rédacteur en chef du quotidien, Frantz Duval. « Des présidences stériles aux transitions inutiles, les années passent et le bilan global est de plus en plus catastrophique », écrit-il. 

La suite de la transition pose de nombreuses questions et font écrire au Nouvelliste que tout a été fait pour assouvir les appétits d'une clique dont le journal dresse le portrait. « Des hommes qui s'intéressent à eux-mêmes, à leurs privilèges et au pillage des ressources publiques », remarque Frantz Duval. 

Et ce alors que la violence reste extrêmement importante. Pour tenter de la juguler, la police s'est réunie avec son partenaire onusien afin d'élaborer son plan de développement 2026-2030. Ce qui n'a pas manqué de faire sourire les observateurs. « À chaque fois, ce sont des plans de développement qui ne sont pas appliqués, ni même financés, remarque Frantz. Mais surtout, à chaque fois, ce sont des plans de développement qui ne répondent pas aux problèmes d'Haïti ». « Cela fait plus de trente ans que la police est sous la tutelle de ses bailleurs étrangers sans parvenir à répondre aux problèmes d'insécurité. »

 

La République dominicaine ouvre ses aéroports aux États-Unis

Saint-Domingue vient d'offrir l'accès à son principal aéroport et à l'une de ses bases aériennes aux États-Unis dans leur lutte affichée contre le narcotrafic. Il s'agira d'un accès restreint, pour une durée limitée et pour des opérations logistiques, a précisé le président Luis Abinader aux côtés du secrétaire américain à la Défense Pete Hegseth. Mais l'annonce conduit tout de même le Diario libre à s'interroger : la géopolitique est-elle une tragédie ou une bénédiction ? « Nous sommes plongés dans le bouillon d'une crise régionale marquée par des tensions politiques, des pressions économiques et des mouvements militaires que nous ne contrôlons pas », constate le quotidien dominicain.

« S'il s'agit uniquement de réapprovisionnement en carburant, il n'y a pas de problèmes, même si nous devenons indirectement complices si ces opérations conduisent à des actions telles qu'un coup d'État ou des attaques dans la région », estime de son côté le politologue Luis Gonzalez dans les colonnes de Hoy. Mais, la République dominicaine doit se cantonner à un rôle d'observateur, prévient-il, et bien veiller à ce que la coopération n'affecte pas la souveraineté nationale ou ne conduise pas le pays à participer involontairement aux conflits régionaux.

 

Que Nicolas Maduro peut-il offrir à Donald Trump pour apaiser son courroux ?

Donald Trump souffle le chaud et le froid sur le Venezuela en le menaçant d'un côté d'actions militaires, et de l'autre en évoquant la possibilité de s'entretenir avec son homologue qu'il accuse pourtant de narcoterrorisme. Selon le chercheur Phil Gunson, interviewé par les correspondants d'El Pais à Bogota et Washington, la seule chose qui pourrait apaiser le président américain est précisément celle que Nicolas Maduro ne va pas lui offrir : à savoir, sa propre démission.

À défaut, le président vénézuélien pourrait faire d'autres propositions. Comme participer davantage à la lutte des États-Unis contre l'immigration ou le trafic de drogue. Ou bien lui offrir la tête de Diosdado Cabello, le ministre de l'Intérieur que Washington accuse de co-diriger le prétendu Cartel de los Soles. Dernière option, et non des moindres : accorder aux entreprises américaines un meilleur accès aux ressources pétrolières du pays.

Quoi qu'il en soit, considère le politologue José Vicente Carrasquero, interrogé par le journal péruvien El Comercio, un tel entretien entre Trump et Maduro – s'il avait lieu – ne serait en aucun cas une discussion. « Dialoguer implique une certaine égalité entre les parties », remarque le chercheur. Or ici, il n'y a pas d'égalité : « Il s'agit d'une négociation conditionnée par la force. » 

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