Inde, entre le BJP et l'opposition, duel à mort à New Delhi

Inde, entre le BJP et l'opposition, duel à mort à New Delhi

RFI
00:19:30
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D’un côté, L’Aam Aadmi Party, dont le dirigeant emprisonné est érigé en martyr politique. De l’autre, le BJP qui veut conserver la capitale. En se posant en gardienne de la démocratie, l’opposition espère infliger une sanction symbolique à Narendra Modi dans la capitale. Reste à voir si cette thématique mobilise des électeurs inquiets du chômage. 

De notre correspondant en Inde,

Dans la cour du petit siège de L’AAP, les militants fébriles mais joyeux se prennent dans les bras. Sanjay Singh, le Lion comme on le surnomme ici, fait son entrée sous les lancers de fleurs. Voilà six mois qu’il était en prison, mais la Cour suprême de l’Inde vient de le libérer. « Merci à tous ceux qui luttent contre la dictature du BJP, lance le député depuis une petite tribune. Ils peuvent nous jeter en prison, mais pour quel crime ? Fournir une éducation de qualité, des soins, de l’eau, des bus gratuits, à 20 millions d’habitants de Delhi ? Ce soir, l’heure n’est pas aux réjouissances mais au combat ! ».

Le combat, c’est celui pour la libération d’Arvind Kejriwal, icône politique et fondateur de l'AAP, lui aussi emprisonné en mars pour corruption par l’Enforcement Directorate. Ici, on ne croit pas une seconde aux accusations de cette agence, accusée d'être aux ordres du Premier ministre. Kejriwal va devenir un martyr, prédit Charan, 50 ans. « Les Indiens savent que Kejriwal est un homme intègre, qui est ciblé parce qu’il dérange. Tous les partis d’opposition font face à des menaces similaires, et c’est pour ça qu’ils sont venus à sa défense et vont s’allier contre Modi qui se comporte en dictateur. »

Meeting unitaire

Ce dimanche, l’opposition affiche son d’unité dans la capitale. L’AAP mais aussi le parti du Congrès ou les partis régionaux DMK et TMC s’expriment devant des milliers de personnes. Autrefois rivaux, ils ont décidé de faire front commun au sein de la coalition INDIA. Dans plusieurs États, ils ne présenteront qu’un candidat par siège pour ne pas diviser les électeurs. « Mes amis, vous savez comme on peut truquer un match de cricket », lance la figure du parti du Congrès Rahul Gandhi, qui a lui été exclu du parlement pour diffamation. « Lors de ces élections, Narendra Modi s’est attribué le rôle d’arbitre. Dans notre équipe, avant même le début du match, des joueurs phares sont emprisonnés. »

Parmi la foule, de nombreux militants de l’AAP qui brandissent des photos de leurs leaders sous les barreaux comme Ayushi, 41 ans. « Je redeviens militante après 5 ans parce que moi et mon mari sommes très inquiets. Je soutiens l’alliance INDIA qui rassemble des partis différents mais unis par la défense de notre Constitution. »

Cette croisade démocratique peut-elle porter ? Tavleen Singh, analyste politique, en doute. « Les dérives autoritaires du gouvernement, les électeurs en entendent parler lors de chaque élection. De plus, les chefs de l'opposition, souvent des clans familiaux, sont loin d'être perçus comme des politiciens vertueux. »

Des électeurs troublés

Sur le marché populaire de Sarojini Nagar, l’arrestation d’Arvind Kejriwal jette cependant un certain trouble. « J’ai toujours voté Aam Aadmi Party car ils ont amélioré les écoles et les cliniques pour les pauvres », explique un couturier musulman. « Les habitants de New Delhi vont continuer à soutenir Arvind Kejriwal. »

Ram Singh, un policier à la retraite, votera Narendra Modi parce que « sa politique étrangère est bonne et qu’il développe les infrastructures ». Mais il confie apprécier Kejriwal. « Je ne sais pas trop pourquoi ils l’ont arrêté, on n'a toujours pas de preuve dans cette affaire ». D’autres affirment ne pas encore savoir pour qui ils voteront.

Pawan Khera, responsable média du Congrès, est convaincu que Narendra Modi paiera son autoritarisme dans les urnes. « Il n’y a pas que Kejriwal. Le dirigeant du Jharkhand a été emprisonné. Nos comptes en banque ont été gelés. L’opposition va gagner, sinon dans 5 ans, vous serez renvoyé dans votre pays, et moi en prison. »

Plusieurs études montrent des Indiens d’abord préoccupés par le chômage record. « La démocratie c’est abstrait, il faut parler de la vie quotidienne durant une campagne », juge Tavleen Singh. Entre la puissance triomphante mise en scène par Narendra Modi et la République au bord du gouffre décrite par l’opposition, les Indiens doivent trancher entre deux visions aux antipodes de leur pays.