Les tensions en mer de Chine méridionale ne cessent de s'accroître

Les tensions en mer de Chine méridionale ne cessent de s'accroître

RFI
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Ce n’est pas un phénomène nouveau, mais le ton monte entre les Philippines et la Chine. Des tensions renouvelées ces dernières semaines autour du navire que les autorités philippines ont fait échouer il y a deux décennies sur un atoll disputé en mer de Chine méridionale. La Chine se montre de plus en plus présente dans l’espace maritime, entrant en conflit avec plusieurs nations dans la région. Jusqu’où cela pourrait-il aller ?

La Chine, le Vietnam, les Philippines, la Malaisie, Brunei et Taïwan revendiquent des parties de la mer de Chine méridionale, où transitent chaque année, selon les estimations, 3,37 milliards de dollars, soit 21 % du commerce mondial.

La Chine se montre de plus en plus revendicatrice dans la région : « Cette partie de l'océan Pacifique est extrêmement riche en ressources naturelles diverses : pétrole, gaz, nourriture et tant d’autres choses », souligne Mats Engman, ancien haut gradé de la marine suédoise, expert à l'institut du développement et la sécurité.

C'est aussi une voie maritime très importante qui traverse cette région. Si vous étendez votre contrôle à cette partie de l'océan, vous pouvez également contrôler des lignes de communication vitales pour la paix et la sécurité et pour le commerce international.

Mats Engman poursuit en expliquant qu’il y a aussi la volonté d'isoler davantage Taïwan en essayant de réduire le nombre de pays qui entretiennent actuellement des relations diplomatiques avec cet archipel, tenter de persuader certains pays de changer leur reconnaissance diplomatique de Taipei : « Il y a ensuite les aspects militaires et stratégiques : en étendant son contrôle aux eaux profondes, récifs et îles artificiels, la Chine peut alors créer des infrastructures militaires, déployer des forces. Le rayon d'action de l'armée chinoise s’étend et, de ce fait, rend beaucoup plus difficile et dangereux pour les forces américaines d'opérer dans cette zone. »

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Vers une possible fragmentation de l'Asean ?

Pour lui, l’un des risques que cette conquête de l’espace maritime fait courir, c’est une possible fragmentation de l’Asean, car d’un côté se trouve un groupe de nations qui sont politiquement et économiquement dépendantes de la Chine, et de l’autre, un autre groupe de nations qui, de la même manière, sont tournées vers l'Occident et les États-Unis. L'Asean dans son ensemble s'efforce vraiment de s'affirmer en tant qu'organisation indépendante dans le contexte actuel de tensions entre les États-Unis et la Chine. Il s’agit, selon l’expert, d’y trouver son équilibre. 

Pékin cherche indéniablement à étendre son influence mondiale, mais il s’agit également de réaffirmer son pouvoir au sein de la Chine continentale. L'analyse de Gregory Poling, chercheur au Centre d'études stratégiques et internationales :

Pékin s'est laissée séduire par son propre conte de fées, pensant que ces eaux, l'espace aérien et les fonds marins ont toujours été chinois et qu'ils ont été volés à la Chine par ses voisins d'Asie du Sud-Est au cours de la période que la Chine qualifie de "siècle d'humiliation".

« C’est devenu un récit politiquement plus saillant sous la direction de Xi Jinping. Il s'agit donc d'une question de légitimité politique et de nationalisme à l'intérieur du pays. Peu importe si cette Histoire est fausse. Peu importe qu'elle soit illégale. Ce qui compte, c'est que le parti s'est convaincu et a convaincu son public que c'était vrai », souligne encore le chercheur.  

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Intimidation chinoise

Gregory Poling rappelle que beaucoup de gens en Asie du Sud aiment se remémorer une anecdote révélatrice de l’attitude de la Chine. « Il y a une dizaine d'années, lors d'un des forums régionaux de l'Asean, plus particulièrement lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères, la mer de Chine méridionale a été longuement débattue. La délégation chinoise, alors dirigée par Yang Jiechi, aujourd'hui directeur de la commission centrale des Affaires étrangères du Parti communiste chinois, s'est mis en colère, a fait irruption dans la salle et a pointé du doigt tous les pays d'Asie du Sud-Est, et en particulier George Yeo, le ministre des Affaires étrangères de Singapour, la plus petite ville-État et a crié : “Certains pays sont de grands pays, d'autres sont petits. Ce qui sous-entend que la Chine a un ensemble de règles et que tous les autres en ont un autre." »

Selon l’expert, cela en dit long sur la façon dont la Chine voit l'avenir de la région, que ces pays vont vivre dans l'orbite de la Chine et qu'ils feraient mieux de s'y habituer. « Ce que cela implique, c'est que la Chine pense qu'il y a des règles pour elle et d’autres pour le reste du monde. Et cela peut être considéré comme un analogue de la façon dont le Parti communiste chinois considère la loi dans son pays. »

La loi est une chose avec laquelle on gouverne. Ce n'est pas une chose par laquelle on est gouvernés. La loi ne s'applique pas aux puissants. Elle ne s'applique qu'aux faibles.

Greg Poling estime que la Chine ne cherche en aucun cas le conflit armé, mais que Pékin veut cependant utiliser tous les outils de coercition et d'intimidation dont elle dispose, à l'exception de la force militaire, pour convaincre ses voisins d’aller dans telle ou telle direction.

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