Comment l'Europe compte se défendre face à la Chine dans la bataille des semi-conducteurs

Comment l'Europe compte se défendre face à la Chine dans la bataille des semi-conducteurs

RFI
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Début octobre, la Commission européenne a dévoilé une liste de quatre secteurs stratégiques qui devront être mieux défendus face à des puissances rivales. C'est le cas des semi-conducteurs. Les Pays-Bas sont aujourd'hui le seul pays européen à produire ces puces électroniques. Mais une nouvelle usine sera construite à Dresde, en Allemagne, et l’université de la ville formera ses futurs cadres en partenariat avec le géant taïwanais TSMC.

L’image est restée dans les mémoires : des chaînes de production à l’arrêt dans l’industrie automobile lors de la pandémie de la Covid. La cause : la rupture des stocks de semi-conducteurs venant de Taïwan via la Chine. Pour l’Union européenne, ce fut un électrochoc, mais un choc salvateur, si l’on en croit Angela Stanzel de la Fondation allemande pour la science et la politique. « Ça a commencé avec la pandémie, et la guerre en Ukraine a enfoncé le clou. À Bruxelles et dans les capitales européennes, on s’est rendu compte qu’il fallait agir de façon plus géostratégique, diversifier nos relations économiques avec la Chine et ainsi réduire nos risques », explique-t-elle.  

La construction d’une usine de semi-conducteurs au cœur de l’Europe vient donc à point nommé. Le géant taïwanais des puces électroniques TSMC, qui contrôle plus de la moitié de la production mondiale, investira près de 4 milliards d’euros dans l’État fédéral allemand de la Saxe, avec à la clé la création de 2000 emplois.

Problème : il manque du personnel qualifié. « Ce manque de personnel qualifié dans l’industrie des semi-conducteurs se fait sentir partout dans le monde, et même à Taïwan. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle TSMC s’installe à Dresde, son expansion à Taïwan est aujourd’hui compromise. À Dresde, nous formons déjà des étudiants, mais ils ne sont pas assez nombreux pour répondre aux besoins de l’industrie à l’avenir », précise Josef Goldberger, coordinateur d’un tout nouveau programme d’échange entre l’université technique de Dresde et Taïwan.

L'Allemagne, précurseur mondial du marché des semi-conducteurs

D’où l’idée du projet de l’université technique de Dresde et de l’entreprise TSMC. À moyen terme, une centaine d’étudiants allemands y participeront chaque année. Sur le bureau de Josef Goldberger à Taipei, les candidatures s’accumulent déjà. « Les proportions de cette coopération avec TSMC feront de l’Allemagne le précurseur mondial. Les étudiants viendront à Taïwan à partir de février 2024. Ils seront formés en deux phases : d’abord, ils passeront quatre mois à l’université, ensuite, ils iront pendant deux mois dans le centre de formation de TSMC et puis dans leur usine de Taichung, semblable à celle qui sera construite à Dresde », énonce-t-il.

De tels partenariats internationaux font d’ailleurs partie de la boîte à outil proposée par l’Union européenne. L’idée étant de mieux armer le continent pour défendre ses intérêts face à la Chine. « Cela veut dire que nous ne miserons plus exclusivement sur la Chine. Taïwan produit les semi-conducteurs, mais pour l’acheminement de ces puces vers l’Europe, nous dépendons des routes et des ports chinois. Par ailleurs, Taïwan est menacé par la Chine et nous envisageons l’éventualité d’une guerre. Dans ce cas, le commerce maritime s’écroulerait. Nous devons donc devenir plus indépendants. Cela passe par une relation directe et plus étroite avec Taïwan, mais aussi par notre volonté de prendre pied dans cette technologie d’avenir », assure Angela Stanzel.

Comme l’a expliqué le commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton, il s’agit de « mettre fin à l’ère de la naïveté et d’agir comme une véritable puissance géopolitique ». Les étudiants de Dresde doivent devenir les nouvelles têtes de pont de cette stratégie.

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