Chronique des matières premières
Chronique des matières premières

Chronique des matières premières

Céréales, minerais ou pétrole, les ressources naturelles sont au cœur de l’économie. Chaque jour, la chronique des matières premières décrypte les tendances de ces marchés souvent méconnus.

La graine de canola canadienne chahutée de tous les cotés
13 March 2025
La graine de canola canadienne chahutée de tous les cotés

Les marchés agricoles peinent à trouver une direction très nette dans le contexte de sanctions douanières et contre-sanctions qui fait rage entre les États-Unis et ses partenaires. À une exception près, le canola canadien, cousin du colza européen, qui a chuté de 15 % en deux semaines à la bourse de Winnipeg, pour atteindre 577 dollars canadiens la tonne.

Le canola, et en particulier l'huile et les tourteaux qu'on obtient par écrasement des graines, sont particulièrement dépendants du marché américain : en 2024, plus de 90 % de l'huile et deux tiers des tourteaux exportés par le Canada sont partis aux États-Unis. 

L'annonce de la mise en place de taxes américaines en janvier avait déjà provoqué une baisse des cours. Puis ces taxes ont été reportées, cela aurait dû donner une bouffée d'air au marché, mais la surprise est venue d'ailleurs : le canola a de nouveau la tête sous l'eau à cause de la Chine.

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Nouvelles taxes de Pékin

Pékin vient en effet d'imposer de nouvelles taxes douanières, en réponse à Ottawa qui a instauré l'année dernière une taxe de 100 % sur les véhicules électriques produits en Chine. Cette punition annoncée le week-end dernier devrait se matérialiser, à partir du 20 mars, par des droits de douane supplémentaires à l'importation sur plusieurs produits agricoles canadiens. Pour l'huile de canola et les tourteaux, la taxe fixée est de 100%.

« La Chine achète au Canada tous les tourteaux que les États-Unis n'achètent pas, soit le tiers restant », relève Arthur Portier, consultant pour Argus Media France. Une fermeture des deux marchés, les États-Unis et la Chine, pour les tourteaux et l'huile serait un coup dur pour le Canada, ajoute l'expert : cela obligerait le pays à réduire ses activités de trituration, alors qu'un vaste plan d'investissement a été lancé dans le secteur.

Quelles alternatives en Chine ?

Avec ces nouvelles taxes, la Chine va devoir apprendre à se passer des importations canadiennes. En 2024, elle a importé 2,8 millions de tonnes de tourteaux pour nourrir son bétail, dont 2 millions de tonnes du Canada. Ira-t-elle en chercher plus aux Émirats arabes unis, son autre fournisseur, ou alors importera-t-elle plus de graines à transformer sur son sol ? La Chine n'a pas taxé les graines de canola canadiennes, dont elle est un des principaux clients, c'est peut-être un signe.

L'empire du Milieu pourrait aussi décider d'importer plus d'huile de Russie et des tourteaux de soja plutôt que de canola.

Déroute du colza européen

La chute de 15% des cours du canola à la bourse de Winnipeg ces deux dernières semaines a entraîné celle du colza européen qui a baissé de 12 % sur Euronext — de 540 euros la tonne à 480 euros la tonne.

Les cours évoluent souvent en miroir. « Un colza trop cher en Europe ne serait plus compétitif face au canola qui chute », résume un de nos interlocuteurs. S'ajoute le comportement d'opérateurs financiers qui revendent des contrats qu'ils avaient achetés, dans un contexte où la tendance du prix des grains est à la baisse. 

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Le commerce de dattes, un marché devenu de plus en plus «géopolitique»
12 March 2025
Le commerce de dattes, un marché devenu de plus en plus «géopolitique»

Le ramadan 2025 a débuté il y a deux semaines et doit se terminer fin mars. La période est traditionnellement marquée par une forte demande en dattes. La première année de guerre entre Israël et le Hamas a affecté le marché de la datte. Aujourd'hui, l'impact reste difficile à évaluer, mais demeure.

Israël est un des pionniers en matière d'exportation de dattes Medjool, une variété charnue et sucrée. Ses dattes Medjool s'exportent dans le monde entier et sont réputées parmi les meilleures avec celles de Jordanie. Mais il y a toujours des consommateurs qui boycottent ces produits, par principe, depuis le 7 octobre 2023.

Tomoor, un opérateur belge, a encore eu il y a quelques jours une proposition pour commercialiser des dattes Medjool à 2 euros les 800 grammes, alors que cette quantité vaut plutôt autour de 7 euros. Il s'agissait de dattes étiquetées Israël, d'où ce prix réduit, signe d'une difficulté qui perdure. Ce même importateur reçoit toujours des demandes de certificat d'origine de la part d'acheteurs qui craignent d'acheter des dattes israéliennes sous un autre label.

Des temps de transport plus longs

Du côté de la logistique, les expéditions via conteneurs se font à peu près au même prix qu'il y a un an. Mais les délais restent souvent longs en raison notamment de ce qu'on appelle les transbordements (« transshipment » en anglais), c'est-à-dire des conteneurs qui changent de bateau, après une escale à Tanger par exemple. Les trajets vers les destinations européennes sont dans ce cas moins directs.

Au plus fort de la guerre entre Israël et le Hamas, les expéditions de dattes jordaniennes, qui se faisaient par Haïfa, ont dû aussi être déroutées vers le port d'Aqaba, au sud de la Jordanie. Un changement qui se traduit par un mois de transport, au lieu d'une semaine.

Les flux ont donc été fortement perturbés dans l'année qui s'est écoulée. C'est une nouvelle donne que les importateurs ont dû intégrer « notre métier, c'est toujours plus de géopolitique », résume d'ailleurs l'un d'entre eux.

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La Deglet Nour a souffert des aléas climatiques

Le métier, c'est aussi de se préoccuper de plus en plus de la météo. L'Algérie et la Tunisie ont souffert de fortes pluies en septembre, avant la récolte d'octobre qui ont touché une partie des fruits et fait grimper les prix. « Mais finalement, la production de Deglet Nour n'a pas été si catastrophique », témoigne un importateur basé dans le sud de la France, selon lequel il resterait encore des stocks de dattes dans les pays concernés.

La hausse des prix est restée contenue dans une fourchette de 5 à 10% supplémentaire pour la Deglet Nour, en raison peut-être aussi d'une demande qui n'est pas plus forte que d'ordinaire. En revanche, tous les produits dérivés à base de dattes, utilisés comme les alternatives au sucre, continuent de se faire une place sur le marché, témoigne un de nos interlocuteurs.

Ce projet de gazoduc en Alaska qui pourrait intéresser l'Asie
11 March 2025
Ce projet de gazoduc en Alaska qui pourrait intéresser l'Asie

Annoncé le 4 mars par Donald Trump devant le Congrès, un immense projet de gazoduc en Alaska intéresserait éventuellement le Japon et la Corée du Sud. Les deux pays se disent prêts à y investir. Mais pas avant d'engager des discussions sur des droits de douane avec Washington.

C'est un vieux serpent de mer qui refait surface actuellement. L'idée de construire un gazoduc en Alaska existe depuis la découverte, en 1967, de vastes réserves de gaz et de pétrole sur la côte nord de ce territoire américain d'une superficie de 1,7 million de km².

Un premier projet des années 1970 avait été vite abandonné, faute de financement. Un autre, soutenu par l'ancienne gouverneure républicaine, Sarah Palin, dans les années 2000, a connu le même sort. Cette fois, Donald Trump persiste et signe : l'immense projet Alaska LNG (gaz naturel liquéfié) verra le jour.

Un immense gazoduc de 1 300 km de long

Ce projet consiste à acheminer du gaz naturel du nord de l'Alaska sur près de 1 300 kilomètres vers le sud de l'État. C'est là-bas, près de la ville d'Anchorage, que le gaz serait transformé dans une usine de liquéfaction et transporté par navires vers l'Asie de l'Est, son principal débouché.

Porté par le groupe américain Glenfarne, le gazoduc ne devrait pas être opérationnel avant 2030 au mieux. Sa production de 20 millions de tonnes de GNL représenterait le quart des exportations annuelles des États-Unis, premier exportateur mondial de gaz naturel liquéfié.

Coût estimé du projet : 44 milliards de dollars. Sachant que le gazoduc devra être entièrement enterré, il pourrait coûter beaucoup plus. Dès lors, une question : qui va payer ?

Tokyo reste prudent

Selon Donald Trump, le Japon, la Corée du Sud et d'autres nations souhaitent être les partenaires des Américains. S'il est vrai que les Philippines et Taïwan ont fait part de leur intérêt, pour Séoul, les discussions sont en cours.

Le Premier ministre japonais, lui, semble prendre son temps. Shigeru Ishiba a rappelé que la contribution du Japon à l'économie américaine était déjà significative via les investissements nippons. Tokyo lance un appel pour que les États-Unis reviennent à la table des négociations sur les droits de douane. Une condition à peine voilée pour que le projet dans le nord de l'Alaska puisse un jour bénéficier du soutien du Japon.

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Le riz japonais flambe, une exception dans un marché mondial à la baisse
10 March 2025
Le riz japonais flambe, une exception dans un marché mondial à la baisse

Le ministre japonais de l'Agriculture décrit « une situation très anormale » pour qualifier le marché du riz de son pays, où les prix ont augmenté de 70%. Le gouvernement a décidé d'agir et a commencé, depuis lundi 10 mars, à vendre du riz issu de ses réserves d'urgence.

Les Japonais ont vu les prix de leur riz grimper depuis l'année dernière pour deux raisons essentiellement. D'abord, une mauvaise récolte en 2023, qui a entraîné moins de disponibilité en 2024, et ensuite, une forte demande durant l'été, liée à la crainte d'un séisme majeur sur la faille de Nankai. L'alerte donnée par les autorités a fait paniquer les habitants, qui ont réalisé des stocks et vidé les rayons des magasins. 

À cela, il faut ajouter une dose de spéculation comme c'est souvent le cas quand un marché devient tendu ; ceux qui ont du riz attendent pour le vendre, cela fait monter les prix et ils en profitent.

Pour inverser cette spirale qui tire les prix vers le haut, le gouvernement du Japon a décidé, début mars, de puiser dans ses stocks stratégiques : les autorités attribueront d'ici mercredi 12 mars 150 000 tonnes de riz aux enchères, et envisagent d'en libérer 60 000 tonnes supplémentaires si besoin. Ces ventes portent sur une quarantaine de variétés de riz récoltées en 2023 et 2024, selon la presse japonaise.

Le riz local avant tout

Le Japon gagnerait à importer, car sur le marché mondial, les prix sont en baisse depuis fin septembre 2024 : c'est à cette période que l'Inde, le premier exportateur mondial, a remis plus de riz en circulation après des mois de restrictions. Cette baisse s'est encore poursuivie en janvier et février comme l'atteste la FAO, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture.

Mais le Japon est un marché très spécial. Les Japonais consomment leurs variétés de riz et rarement du riz importé, question d'habitude alimentaire. Pour schématiser, le marché est insensible aux prix pratiqués sur le marché mondial mais tributaire de la production et de la consommation locale. L'actuelle flambée des prix est aussi alimentée par un contexte national d'inflation qui ne pèse pas que sur le riz.

Des importations dédiées à l'industrie

Le Japon importe tout de même du riz. Même s'il a refusé longtemps de le faire, par protectionnisme, il a été contraint d'ouvrir son marché intérieur dans les années 1990, sous la pression des membres du GATT, l'ancêtre de l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce, explique Patricio Mendez del Villar économiste au Cirad, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement et éditeur de la note de conjoncture Osiriz.

Le pays importe 8 à 10% de ses besoins, soit environ 700 000 tonnes par an. Ce sont des importations plutôt stables qui sont destinées surtout à l'industrie et à l'alimentation animale. 

Sur le long terme, la tendance est à la baisse de la consommation humaine de riz au Japon, au profit d'un régime plus occidental. Elle s'accompagne depuis des années d'une diminution des surfaces cultivées. Ce qui n'empêche pas des déséquilibres ponctuels, comme l'illustre la hausse des prix de ces derniers mois.

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Les pressions commerciales déstabilisent le marché de la pomme de terre
09 March 2025
Les pressions commerciales déstabilisent le marché de la pomme de terre

La France est le premier exportateur mondial de pommes de terre destinées à la transformation. Mais aujourd'hui, l'Union nationale des producteurs de pommes de terre dénonce des pressions commerciales « intenables » exercées par des industriels belges qui pourraient déséquilibrer l'économie du secteur.

La Belgique accueille sur son sol de nombreuses usines de transformation, qui achètent la grande majorité des pommes de terre destinées à finir en frites ou en chips. Or, « certains industriels belges », pour reprendre les termes du communiqué de l'Union des producteurs français (UNPT), profiteraient de leur leadership pour tirer les prix à la baisse.

Il faut savoir que la plupart des pommes de terre de transformation sont vendues via des contrats annuels, mais 10 à 15% sont commercialisées hors contrat, au gré des besoins des acheteurs, à un prix qui est donc variable.

Prix en baisse de 40%

Ces dernières semaines, sur ce marché libre, le prix de ces pommes de terres industrielles (variété Fontane) a chuté de 40%. Une dégringolade en partie orchestrée par des opérateurs belges qui avaient probablement des stocks et auraient sciemment décidé de moins acheter pour faire baisser les prix, selon l'UNPT.

Ces industriels montrés du doigt ont aussi d'autres stratégies de pression : un des gros opérateur belge aurait revu à la baisse de 10 à 20% ses promesses d'achats faites aux agriculteurs et aux négociants, sous prétexte d'avoir surestimé ses besoins. Or, les agriculteurs s'apprêtent à planter et ne peuvent plus réduire leurs surfaces.

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Stratégie de saturation du marché

Tout ce que cet opérateur majeur de la transformation n'achètera pas dans le cadre d'un contrat sera remis sur le marché libre, à la fin de la prochaine récolte, qui débute à partir de septembre. Et cet excédent sera forcément payé moins cher.

« Le risque, c'est que le contexte de prix prépare les esprits à l'idée que la pomme de terre a perdu de sa valeur et complique les négociations de prix sur les futurs contrats », explique un expert de la filière.

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La demande de frites en pleine croissance

Ces mauvais signaux sur les prix sont contradictoires avec un marché très porteur pour les cinq à dix années qui viennent. La demande mondiale de frites est en effet en croissance constante, et le nombre d'usines de transformation est appelé à se multiplier d'ici à 2030.  

Mais « devancer la demande, en produisant trop dès maintenant comme certains industriels incitent à le faire, dans une stratégie de sursaturer le marché, s'avère risqué pour les prix », prévient un de nos interlocuteurs. Le constat qui est fait aujourd'hui en est l'illustration. 

Des prix trop bas pourraient décourager les agriculteurs qui s'apprêtaient à arriver sur le marché pour répondre à la croissance de la demande qui se profile, prévient l'UNPT.

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La guerre commerciale fait chuter les prix des céréales et oléagineux
06 March 2025
La guerre commerciale fait chuter les prix des céréales et oléagineux

L'inquiétude envahit les marchés agricoles depuis une dizaine de jours. Les prix du soja, du maïs, du blé, mais aussi du colza ont chuté de plusieurs pour cent. Une baisse qui reflète la crainte de voir les exportations américaines pâtir des droits de douane à l'importation pris, en rétorsion, par les pays visés par les taxes Trump.

Les marchés sont guidés par la peur de voir les importateurs qui se fournissaient aux États-Unis, première puissance exportatrice agricole mondiale, changer en partie de fournisseurs pour protester contre les taxes imposées par Donald Trump.

Le premier pays concerné est la Chine qui a acheté plus de la moitié des exportations américaines de soja en 2024 et qui vient de mettre en place des taxes à l'importation sur plusieurs produits américains. Les craintes viennent aussi du Mexique qui a acheté 40 % du maïs américain l'année dernière, même si Donald Trump a fait un geste envers le pays, en suspendant l'essentiel des taxes annoncées pour tenter d'éviter des mesures de rétorsion de la part de Mexico.

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Retrait massif des fonds d'investissement

Or tout ralentissement des exportations américaines pourrait créer un excédent dans le pays et ferait baisser les prix, c'est ce que les acteurs du marché anticipent, surtout les fonds qui avaient misé en masse sur le maïs, en espérant le revendre plus cher. Ce n'est pas l'esprit du moment, ces fonds se sont donc précipités depuis dix jours pour revendre leurs contrats et éviter de perdre de l'argent. Cela donne une impression artificielle qu'il y a plus de maïs sur le marché, et c'est ce qui explique la chute libre des cours du grain jaune.

Par ricochet, et parce que l'inquiétude est généralisée, les autres céréales et oléagineux cultivés aux États-Unis ont aussi été tirés vers le bas. 

Prix en baisse aux États-Unis et en Europe

Ces prix à la Bourse de Chicago ont un impact aussi sur les prix européens qui doivent s'adapter à la chute du dollar qui renchérit la valeur des céréales européennes et contraint les exportateurs à baisser leur prix pour ne pas perdre en compétitivité, explique Damien Vercambre, du cabinet Inter-Courtage.

Les prix du colza ont eux baissé en raison de la crainte de voir arriver sur le marché européen des volumes de colza canadien, qu'on appelle le canola, volumes qui étaient jusque-là transformés en huile et exportés aux États-Unis pour l'industrie du biodiesel et qui pourraient ne plus trouver preneur.

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Perspectives floues

Impossible de dire dans combien de temps le marché trouvera un nouvel équilibre, car la moindre déclaration de Donald Trump peut inverser la tendance. Aux incertitudes actuelles, il faut ajouter celles liées à la volonté du président américain de taxer les navires chinois et donc notamment ceux qui transportent des matières premières. Une déclaration « suffisamment vague pour faire peur à tout le monde », résume Damien Vercambre.

Ce qu'il y a de nouveau par rapport à la dernière présidence Trump, c'est qu'à l'époque, seule la Chine était visée. Depuis le mois de janvier, les sanctions sont beaucoup plus larges, et donc la désorganisation potentielle des flux commerciaux plus grande.

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Le baril de pétrole sous la barre des 70 dollars, nouvelle référence du marché?
05 March 2025
Le baril de pétrole sous la barre des 70 dollars, nouvelle référence du marché?

Les cours du pétrole ont dévissé depuis lundi 3 mars et sont passés largement sous la barre des 70 dollars — contre 80 dollars mi-janvier. Le déclencheur a été une annonce faite par plusieurs producteurs de pétrole, membres de l’Opep+, des pays qui depuis 2022 ont réduit leur production.
 

Ils sont huit et parmi eux figurent les gros producteurs que sont la Russie, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. Tous sont membres de l’Opep+ et tentent en vain depuis de longs mois de faire remonter les prix, en laissant volontairement sous terre des barils de pétrole pour réduire l’offre. Mais cette stratégie ne s’est pas révélée efficace, car la demande mondiale est en berne. Cette approche a aussi fait perdre des parts de marché aux pays pétroliers concernés qui ont annoncé plusieurs fois leur intention de mettre fin à leurs restrictions, sans passer à l’acte.

La pression de Donald Trump a sans doute accéléré les choses : lors du Forum de Davos, fin janvier, il a demandé avec insistance à ces géants de l’or noir de produire plus pour faire baisser les prix. Une question urgente pour le président des États-Unis, car un pétrole bas : « c’est bon pour les consommateurs américains, pour l’industrie et globalement pour l’économie américaine », résume Francis Perrin, directeur de recherche à l’IRIS et chercheur associé au Policy Center for the New South à Rabat.

Le message est passé : les huit pays pétroliers se sont engagés à ne plus modifier leur calendrier et à augmenter leur production à partir du 1ᵉʳ avril. 

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Un effet sur les prix immédiat

D'ici à quelques semaines, il y aura donc plus de pétrole sur le marché, et cela a suffi à faire baisser les cours qui évoluent désormais sous la barre des 70 dollars le baril.

Cette baisse des prix est aussi alimentée par le contexte actuel de guerre commerciale. Les nouveaux droits de douane américains et les représailles qu’ils entraînent vont, a minima, ralentir l’économie mondiale. S’il y a moins de croissance, sans même parler de récession, la consommation de pétrole va s’en ressentir, explique Francis Perrin. D’où cette baisse des prix, de manière anticipée.

Un baril durablement sous les 70 dollars ?

Il n’est pas exclu de voir le baril se maintenir sous la barre des 70 dollars, selon plusieurs analystes. Mais si la baisse s’accentue, ce sera risqué pour les pays producteurs. D’abord pour les États-Unis, qui sont tiraillés entre des intérêts divergents liés à leur statut de premier producteur mondial et de premier consommateur : si le baril baisse trop, le pétrole de schiste américain ne sera plus rentable, car il coûte plus cher à extraire que celui du Moyen-Orient. Or Donald Trump ne veut surtout pas que la production ralentisse. 

Un autre pays a tout intérêt à manœuvrer pour que les prix ne s’effondrent pas beaucoup plus bas : c’est l’Arabie saoudite qui a engagé un vaste programme de réformes. Le géant du secteur, Saudi Aramco, comme d’autres majors pétrolières, a vu ses bénéfices de 2024 reculer pour la deuxième année consécutive, un recul de plus de 12 %. Le fleuron de l’économie saoudienne espère cependant distribuer 85 milliards de dollars de dividendes en 2025.

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L'embargo européen sur le chrome (métal) russe profite à la Chine
04 March 2025
L'embargo européen sur le chrome (métal) russe profite à la Chine

C'est une des conséquences du seizième paquet des sanctions européennes contre la Russie, adopté le 24 février : le chrome russe, un métal, prisé pour sa résistance à la corrosion et utilisé pour la fabrication d'aciers et d'alliages, utilisés dans l'industrie automobile et aérospatiale notamment, n'est plus le bienvenu en territoire européen. Mais comme pour beaucoup de matières premières produites en Russie, les Européens ont déjà appris à s'en passer.

Les traders en métaux ont peu à peu éliminé le chrome russe de leur portefeuille ces derniers mois, car les utilisateurs finaux, en particulier ceux qui fabriquent de l'acier, ont montré qu'ils étaient réticents à se fournir en Russie. Donc, à quelques exceptions près, le métal russe a disparu des chaînes d'approvisionnement européennes, relève le cabinet Argus Media.

Mais cela n'en est pas moins un coup porté à la Russie, car l'Europe a été pendant longtemps son principal marché. Les ventes russes sur le territoire européen ont chuté en 2024 et depuis plusieurs mois également, un important producteur russe a cessé son activité en raison de difficultés d'approvisionnement en oxyde de chrome, un composé essentiel pour produire le métal.

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La Chine gagne des parts de marché

Cette nouvelle donne profite à la Chine et ce n'est pas une grosse surprise. Le pays était jusque-là le principal concurrent de la Russie pour la fourniture de métal de qualité standard. L'empire du Milieu a donc naturellement gagné des parts de marché : l'essentiel du métal acheté sur le marché spot européen — pour une livraison immédiate — est aujourd'hui chinois, selon les données d'Argus Media

Deux producteurs européens ont aussi augmenté leur production de chrome de haute qualité, commercialisé à prix plus élevé. Les États-Unis aimeraient également proposer une offre alternative et lancer une chaîne de production du métal, mais à court terme, il est peu probable que le projet aboutisse, parce qu'une fois encore, la Chine a largement de quoi satisfaire la demande.

Prix en hausse de 2,5 % en Europe

Pendant longtemps, la Russie a été un acteur important sur le marché et très compétitif, donc l'absence de l'offre russe en Europe a provoqué une remontée des prix, notamment parce que la demande dans le secteur de l'aérospatial reste forte.

Les prix ont gagné environ 2,5 % depuis début janvier. Cette hausse n'est peut-être pas terminée, disent les négociants, mais pourrait être limitée, car les prix à long terme sont relativement stables, note Argus Media. Les prix actuels du chrome sont identiques à ceux d'il y a un an. 

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L'Afrique du Sud signe un nouveau record dans ses exportations agricoles, agrumes en tête
03 March 2025
L'Afrique du Sud signe un nouveau record dans ses exportations agricoles, agrumes en tête

L'Afrique du Sud vient de faire ses comptes : ses exportations agricoles sont en augmentation pour la sixième année consécutive. Elles ont atteint en 2024 un nouveau record, +3% en valeur.

Ces revenus records ont été permis par des volumes exportés plus importants, à des prix plus élevés pour certains produits, explique la Chambre de commerce agricole sud-africaine. Ces bons chiffres sont aussi le résultat d'une stratégie d'ouverture du pays à un plus grand nombre d'acheteurs ces dernières années : 44% des échanges se font désormais avec des pays d'Afrique, environ 20% avec l'Union européenne, et à peu près autant avec l'Asie et le Moyen-Orient.

En tête des listes des secteurs porteurs, il y a toujours celui des agrumes, suivi par celui des raisins. Ces dix dernières années, la taille des vergers n'a fait qu'augmenter – de 64 000 hectares en 2013 à 100 000 hectares en 2023 –, et la production d'agrumes avec. Tous fruits confondus – oranges, citrons, pomelos, mandarines –, l'Afrique du Sud réalise aujourd'hui 70% du commerce mondial pendant la saison d'été, c'est-à-dire de mai à septembre, voire parfois jusqu'à début octobre, avant que les pays méditerranéens ne reprennent le dessus.

Les atouts sud-africains 

L'Afrique du Sud a fait un gros effort en terme de qualité et de variétés proposées. Elle offre une gamme relativement large, qui lui permet de toucher plus de consommateurs. Ces progrès sont liés en partie au climat du pays  : il est particulièrement adapté, au sud, aux petits agrumes et aux citrons, et au nord, aux pomelos et aux oranges. Enfin, l'organisation de la filière y fait aussi beaucoup. Une filière « exemplaire » selon Éric Imbert, chercheur au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad).

Résultat : l'Afrique du Sud a pris le pas depuis plusieurs années sur le Chili, l'Argentine, le Pérou et l'Australie, les autres pays qui comptent sur le marché des agrumes frais, pendant la saison d'été.

L'impact sur les prix diffère selon les agrumes

La montée en puissance de la production sudafricaine a des impacts variables sur les prix. Pour les mandarines, les prix se tiennent car la demande est bonne, grâce à une consommation de plus en plus importante l'été, en Europe notamment. Pour le citron, c'est différent. Le marché est proche de la saturation, les experts parlent d'une demande « moins élastique ». Donc avec plus d'offre, la compétition augmente, ce qui est, sur le papier, plutôt un facteur de baisse des prix.

Pendant la saison d'été, la production sud-africaine reste, quel que soit l'agrume, celle qui donne le ton du marché. Et cela devrait encore durer : « Tous les vergers plantés ces dernières années ne sont pas arrivés à maturité », explique Éric Imbert. La capacité de production du pays pourrait encore augmenter d'ici 2030.

 

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Le Sénégal veut créer et développer sa filière locale du maïs
02 March 2025
Le Sénégal veut créer et développer sa filière locale du maïs

Le Sénégal veut encourager l'achat de maïs local plutôt que l'importation. Le problème est récurrent pour ce pays qui ne produit pas assez pour nourrir sa population. Mais après une rencontre avec les agro-industriels début février, un protocole d'accord a été trouvé entre la filière maïs et les industriels pour qu'ils achètent au moins 5 000 tonnes au Sénégal.

De notre correspondante à Dakar,

C'est l'histoire d'un paradoxe. Chaque année, ce sont des centaines de milliers de tonnes de maïs qui sont importées par les meuniers sénégalais, en particulier ceux qui fabriquent des aliments pour le bétail. Rien qu'en 2024, 500 000 tonnes de la petite céréale jaune ont été achetées à l'étranger, quelquefois en Argentine ou au Brésil, pour un montant de 80 milliards de francs CFA.

Le maïs sénégalais plus cher que celui importé

Pendant ce temps, les producteurs de maïs sénégalais se plaignent de ne pas réussir à écouler leur stock, pour une raison simple : leur maïs est plus cher que celui venu d'ailleurs, en partie parce que les rendements sénégalais sont moins bons. Au Sénégal, on peut produire environ trois tonnes par hectare, alors qu'ailleurs, c'est entre huit et dix tonnes par hectare. L'État voudrait inverser la tendance, avec l'introduction de nouvelles semences hybrides, et réduire la facture des importations, à l'heure où les caisses sont particulièrement vides.

Désormais, 1% du maïs acheté au Sénégal

Pour cela, un accord entre industriels et producteurs de maïs a été trouvé mi-février 2025 : les industriels achèteront 5 000 tonnes de maïs au Sénégal sur les 500 000 tonnes importés. Cela représente donc 1% de ce qui est acheté. Mais pour les acteurs du secteur, c'est un bon début pour inciter les agriculteurs sénégalais à produire plus de maïs et, petit à petit, créer une filière.

Un point a fait l'objet d'âpres discussions : le prix du kilo de maïs acheté au Sénégal. Les paysans ont proposé 225 francs CFA le kilo, les industriels plutôt 198 francs CFA, ce qui correspond au prix qu'ils paient à l'étranger. Au final, ce sont les paysans qui l'ont emporté : les industriels acceptent de payer ces 5 000 tonnes sénégalaises 225 francs CFA le kilo, plus cher donc, pour encourager la production locale.

L'objectif : passer à 10 000 tonnes la quantité de maïs sénégalais achetée par les industriels dès l'année prochaine.

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