Un scanner pour percer les secrets du sol

Un scanner pour percer les secrets du sol

RFI
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Un appareil mis au point par un chercheur français du Cirad permet d'observer dans la durée les multiples interactions de la riche biodiversité contenue dans la terre. Parce que tout ce qui se passe dans le sol a des effets en surface.

On ne le verra pas, puisqu'il est enterré. Il était pourtant l'une des attractions du Cirad, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, au dernier Salon de l'agriculture qui s'est achevé il y a une semaine à Paris : un scanner capable d'observer dans la durée les intenses activités que renferment les sols.

Le chercheur Christophe Jourdan, spécialiste des systèmes racinaires, nous présente son « bébé » : « Devant nous, on a une boîte, on y a mis du sol, des plantes (de la canne à sucre, du niébé, le haricot africain et du fonio, la plus petite céréale au monde, qu'on trouve en Afrique de l'ouest), et on a mis un scanner. » Oui, un simple scanner de bureau, rendu étanche, qui permet de voir ce qu'on ne voit jamais, sous nos pieds, dans la terre.

Des sols en bonne santé

À l'heure où la qualité des sols devient un sujet d'importance, parce qu'« on prend conscience qu'il faut avoir des sols en bonne santé pour avoir une bonne croissance des plantes », le Cirad profite du Salon de l'agriculture pour promouvoir son scanner qui devrait être développé prochainement par une start-up.

C'est aussi un outil pédagogique à destination du grand public. « C'est un super support de communication pour sensibiliser à la biodiversité des sols, à leur rôle », explique Emma Belaud, en première année de thèse au Cirad, face à l'écran d'ordinateur relié au scanner qui reproduit en accéléré les images enregistrées par l'appareil enterré. « Là, c'est le passage d'un ver de terre... Là, on a une animation qui montre la colonisation fongique d'une feuille morte, première étape de la décomposition... »

Une observation en continu

C'est la force de ce scanner, qui enregistre jour et nuit les images du sol, et permet une observation à distance et dans la durée. « Avant, on avait simplement l'excavation comme outil pour aller chercher les racines, pour mesurer, raconte le chercheur. On mettait des vitres dans le sol. Il n'y avait pas le coté non-invasif du scanner. La lumière arrivait, la faune du sol allait se cacher, partait, et je ne la voyais pas. Et je ne comprenais pas ce qu'il se passait entre deux dates. »

Le scanner, lui, permet d’observer les dynamiques ou les interactions entre des racines et des animaux, des racines et des champignons... Les applications sont multiples. « On regarde par exemple dans des milieux pollués pour voir comment les sols pollués peuvent être régénérés par la végétation. On l'utilise aussi en agroforesterie », détaille Christophe Jourdan.

La culture du mil au Sénégal

C'est le cas au Sénégal, où le Cirad s’interroge sur le rôle d’un arbre, le faidherbia (Acacia albida), ses racines et la faune souterraine, dans la production de mil. « Cet arbre a la particularité de perdre ses feuilles pendant la saison des pluies, au moment ou on plante le mil. On s'est aperçu que la production de mil est deux fois plus importante sous les arbres, voire trois fois dans certains cas. »

Dans quelle mesure, par exemple, les fourmis et les termites jouent-elles un rôle dans la décomposition de la matière organique ? Le scanner permettra de le comprendre. « Parfois les paysans me regardent avec un drôle d'air en disant : "Mais qu'est-ce que tu fais avec tes scanners ? Est-ce que ça va m'augmenter le rendement ?", sourit Christophe Jourdan. Le lien n'est pas immédiat, mais il faut comprendre ce qui se passe, montrer que c'est durable, que ça ne va pas apporter des maladies, davantage de termites... Il faut veiller à tout ça avant de plaider en faveur de l'augmentation de la densité des arbres dans le système. » Si les cultivateurs sénégalais de mil plantent davantage d'arbres, ce sera peut-être grâce à un simple scanner...