M129, un ours «à problèmes» dans les Pyrénées

M129, un ours «à problèmes» dans les Pyrénées

RFI
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La justice française a autorisé cette semaine des mesures d'effarouchement contre un jeune ursidé de deux ans et demi, coupable de ne pas avoir peur des humains.

« Un ours à problèmes », c'est ainsi que le préfet de l'Ariège, dans les Pyrénées françaises, a qualifié le comportement de M129, son nom administratif. Un jeune ours brun, un mâle de deux ans et demi, qui a quitté sa mère, mais qui n'est pas encore adulte et capable de se reproduire. Un ours à problèmes comme il y a des adolescents à problèmes. M129 n'est pourtant pas mal léché, il ne brûle pas de voitures ni ne pique dans les magasins... non, mais il aime bien venir se nourrir dans les ruches d'abeilles. « Il est revenu en plein jour, alors qu'il y avait du monde à proximité et il a eu un peu de mal à partir, raconte Alain Reynes, le directeur de l'association Pays de l'Ours qui accompagne le retour de l'ours dans les Pyrénées depuis sa réintroduction dans les années 1990. Il n'a pas une mauvaise image de nous apparemment ! La très grande majorité, dès qu'ils perçoivent la présence humaine – et ils nous perçoivent avant que nous nous rendions compte de leur présence, en raison notamment de leur odorat et de leur ouïe particulièrement développés –, la plupart des ours fuient et même fuient à grande vitesse. »

Sans être agressif, M129, lui, n'a pas peur des humains. On l'a aussi aperçu au bord d'une route, alors que des automobilistes s'arrêtaient pour le photographier, sans qu'il soit effrayé. Et c'est bien le problème dans une région où la cohabitation entre les ours et les humains reste compliquée, du point de vue en particulier des éleveurs. D'où la décision du préfet de prendre des mesures d'effarouchement, parce qu'à un adolescent, il faut poser des limites. « C'est le bon moment pour lui expliquer qu'il doit être un peu plus discret, et un petit peu plus farouche, pour que tout se passe bien, pour lui comme pour nous », soutient Alain Reynes, qui préfère parler d'ours « familier » plutôt que d'ours « à problèmes ».

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Balles en caoutchouc

Mais cette position du moindre mal, faire peur à l'animal pour éviter tout incident, n'est pas partagée par toutes les associations de protection de la biodiversité. C'est le cas de One Voice qui se bat pour le bien-être animal. Elle a contesté en justice la décision du préfet. Mais le tribunal administratif a donné raison, ce 8 juillet, aux effaroucheurs. « Ce sont des méthodes violentes : des balles [en caoutchouc], des détonations qui peuvent causer des dommages auditifs aux ours, plaide Muriel Arnal, la présidente de One Voice. Cet ours va être harcelé pendant cinq mois... La montagne devrait être laissée à la biodiversité et à ces animaux que nous avons voulu introduire là ! »

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C'est en 1996 que les premiers ours ont été réintroduits dans les Pyrénées, alors qu'il n'en restait plus que cinq ou six. Aujourd'hui, on en compte 83 entre la France et l'Espagne. Le retour de l'ours brun est un succès, mais à terme, la consanguinité menace : 90% de ces ours descendent de trois individus seulement. « On n'est pas encore au stade où il y a des effets, il n'y a pas d'animaux avec des malformations, on n'a pas d'animaux aux comportements aberrants, on n'a pas non plus observé une baisse de la reproduction, constate Alain Reynes, le directeur de Pays de l'Ours. Mais cette consanguinité augmente, et on va vers ça. » Il faudra d'autres réintroductions. L'ours des Pyrénées a besoin de sang neuf.