L'invasion du frelon asiatique, tueur d'abeilles (et pas seulement)

L'invasion du frelon asiatique, tueur d'abeilles (et pas seulement)

RFI
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Les Nations unies célèbrent le 20 mai la Journée mondiale des abeilles, menacées par les pesticides utilisés en agriculture, mais aussi, en France et en Europe, par une espèce invasive : le frelon à pattes jaunes, venu d'Asie. Les dégâts qu'il provoque dans la nature et l'économie se chiffrent en millions d'euros.

Ames sensibles, s'abstenir. Voici le récit d'une mise à mort sans pitié, l'attaque d'une abeille domestique par un frelon asiatique. « Il va se positionner à l’entrée de la ruche, en vol plus ou moins stationnaire, et il va attendre qu’une ouvrière abeille rentre à la colonie pour essayer de l’attraper en vol, décrit Eric Darrouzet, enseignant-chercheur à l'université de Tours, et spécialiste des insectes sociaux. Il va la décapiter, dépiauter le cadavre, pour ne garder que le thorax, qui contient les muscles, c’est-à-dire de la viande, pour nourrir les larves. »

Le frelon asiatique est ce qu'on appelle une espèce exotique envahissante, un animal ou une plante venue d'ailleurs, en raison des activités humaines, et qui perturbe l'écosystème qu'il colonise. Le frelon à pattes jaunes a débarqué en France il y a 20 ans, à bord d’une cargaison de poteries chinoises, repéré pour la première fois en 2004 dans le Sud-Ouest. Et depuis, les apiculteurs français sont démunis face à cet insecte qui décime leurs ruches, parce que les abeilles d'Europe ne savent pas se défendre contre ce nouveau prédateur, à la différence de leurs cousines asiatiques qui coévoluent depuis des centaines de milliers d'années avec ce frelon - en s'agglutinant sur l'intrus, elles l'étouffent et créent une « boule thermique » : la chaleur augmente jusqu'à 47 degrés et l'insecte est tué.

Hécatombe générale

En France, et en Europe, où il ne cesse de gagner du terrain, non seulement le frelon asiatique tue les abeilles, mais il les stresse en faisant le siège de leurs ruches. Résultat, « iI va y avoir de moins en moins d’abeilles qui vont aller récolter de la nourriture dans l’environnement. Elles vont rester à l’entrée de la ruche, sur la planche d’envol, pour défendre la colonie. Donc, il y aura de moins en moins de nourriture dans la colonie. La reine va également être stressée et va de moins en moins pondre. Tout cela concourt à entraîner la mort de la colonie. »

Mais les abeilles domestiques, déjà menacées par les pesticides utilisés en agriculture, ne sont pas les seules à faire les frais de cette grosse guêpe de 3 centimètres de long. L’hécatombe est générale dans la nature. Le frelon à pattes jaunes est un viandard généraliste et opportuniste. « Il peut très bien récupérer de la viande sur le cadavre d’un oiseau ou d’un petit mammifère, précise Eric Darrouzet. Il chasse tout ce qu’il peut trouver comme insectes. Une colonie de frelons, sur l’année, peut prélever en moyenne 11 kilos d’insectes. Si on prend l’exemple du département de la Manche, où 9 000 colonies ont été dénombrées en 2022, on arrive plus de 100 tonnes d’insectes prélevés par les frelons. »

30% de fruits en moins

Cent tonnes d'insectes tués en un an, rien que dans un département ! Imaginez les dégâts à l'échelle européenne, alors que depuis 1950, 75% de la biomasse des insectes ont disparu. Parce qu’après avoir colonisé la France (en gagnant 80 kilomètres par an), le frelon asiatique a conquis de nombreux pays d'Europe de l'Ouest. Les conséquences de cette invasion sont multiples, pour la biodiversité, mais aussi l'économie. « Le coût s’élève à des millions d’euros, évalue Eric Darrouzet. Le frelon impacte les activités apicoles, la production de miel. Il y a aussi l’agriculture : les frelons vont attaquer les fruits avant leur maturation, donc on a parfois des pertes de 30% sur la production. On a aussi des impacts sur l’activité de pollinisation des insectes pollinisateurs prédatés par les frelons, ce qui va impacter la reproduction des plantes et la production de denrées alimentaires par l’agriculture. » À l'échelle planétaire, le coût de toutes les espèces exotiques envahissantes (plantes et animaux) a été évalué à 27 milliards d'euros par an.

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