De récentes études scientifiques nous en apprennent un peu plus sur un phénomène fascinant, mais encore parfois mystérieux : pourquoi, et comment, chaque année, des dizaines de milliards d'animaux à plumes se lancent dans de (très) longs voyages pour trouver chaleur et nourriture.
Ils sont, chaque année, plus de 50 milliards à s'envoler vers ailleurs, pour passer l'hiver au chaud, se reproduire ou trouver une nourriture plus abondante. Une espèce d'oiseau sur cinq appartient ainsi à la grande famille des migrateurs.
Préparation physiqueMais au sein d'une même espèce, tous les oiseaux ne sont pas migrateurs. C'est par exemple le cas du merle qui possède l'un des plus beaux chants d'oiseau en Europe. On le voit gratter le sol en hiver à la recherche de quelques vers. Mais un quart d’entre eux, environ, préfère s'exiler plusieurs mois, là où il fait plus chaud et où il y a plus à manger, en Espagne ou en Afrique du Nord. Un voyage de 800 kilomètres en moyenne. Ce n'est pas rien, et ça se prépare, comme l’ont constaté des scientifiques allemands en équipant des merles d'une forêt du sud de l'Allemagne des mêmes capteurs qu'utilisent les sportifs pour mesurer leurs performances. Un mois avant le grand départ, le rythme cardiaque diminue la nuit, avant que la température corporelle, la nuit aussi, ne se mette également à baisser. L'heure est aux économies d'énergie.
Phénomène socialÀ l'image de l'autoroute des vacances qu'empruntent les humains, les oiseaux migrateurs parcourent souvent les mêmes chemins, et ils ne sont pas tout seuls. Sur la longue route, dans l’air ou sur les aires de repos, on socialise, et pas qu’avec les siens, comme viennent de le montrer de récentes études réalisées notamment grâce aux progrès de l'intelligence artificielle, en s'appuyant sur des enregistrements sonores d'oiseaux en vol ou au repos. Ce sont en moyenne trois espèces différentes qui voyagent ensemble (2,7 exactement, selon une étude publiée ce mois-ci aux États-Unis). Il y a une dimension sociale dans la migration et elle est liée au plumage : puisque la vitesse en vol dépend de la taille des ailes, les oiseaux aux ailes similaires voyagent ensemble. Qui se ressemble s’assemble.
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Cocaïne et déforestationPendant ces longues migrations, les oiseaux affrontent de nombreux périls dont les humains sont souvent responsables – la chasse, la pollution lumineuse, les constructions, le changement climatique... Et il y a aussi, plus inattendue, la cocaïne. Non, les oiseaux n’en consomment pas pour tenir le coup sur ces longues distances. Mais la coca les menace indirectement. C'est l'un des effets pervers de la lutte antidrogue en Amérique latine, mise en lumière l'an dernier par une étude de chercheurs aux États-Unis. Pour échapper à la surveillance, les narcotrafiquants s'enfoncent toujours plus dans les forêts tropicales et sont responsables, au Guatemala ou au Nicaragua, de près d'un tiers de la déforestation. Précisément là où viennent passer l'hiver, 20% des oiseaux migrateurs nord-américains.
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Le plein de cacaDernière révélation : la migration encourage la coprophagie, le fait d'avaler des excréments. Le caca, c'est caca, mais c'est surtout plein d'énergie. Des chercheurs australiens ont observé que le pétrel géant, avant la traversée de l’océan Austral, se nourrissait d'excréments de phoques, pour s'envoler le ventre plein. Chez tous les oiseaux migrateurs coprophages, il s'agirait aussi d'enrichir leur microbiote intestinal, pour que le système digestif s'adapte sans problème aux nouveaux types de nourritures rencontrées tout au long de la migration. Chez les oiseaux, la tourista, on ne connaît pas.
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