Grâce à l'ADN environnemental, une vingtaine d'espèces de bivalves, dont trois menacées en France, ont été détectées dans le fleuve qui traverse la capitale française. Un nouveau signe d'une santé retrouvée.
C'est un décor de carte postale qui réserve une surprise. Le clapotis des vagues sur un quai de Seine à Paris, un bateau-mouche qui passe, entre l'île Saint-Louis et l'île de la Cité... C'est ici, à quelques mètres, quelque part au fond de l'eau boueuse, comme à d'autres endroits sur la Seine, qu'on a détecté la présence de moules d'eau douce, une vingtaine d'espèces de bivalves au total, dont trois qui avaient disparu du fleuve parisien.
« Ce fut une grosse surprise, témoigne Vincent Prié, spécialiste des mollusques aquatiques. Évidemment, on ne s'attendait pas à les retrouver dans un endroit aussi anthropisé que le centre de Paris. » C'est une étude destinée à évaluer les effets de la pollution lumineuse sur la biodiversité de la Seine qui a permis ces redécouvertes, grâce à une technique récente et révolutionnaire : l'ADN environnemental.
Des millions de cellules perdues dans la nature« Chaque organisme perd des centaines de millions de cellules, essentiellement de peau, par jour – nous, humains, perdons 500 millions de cellules de peau par jour –, et chacune de ces cellules contient de l'ADN. Avec des techniques qui sont proches de celles de la police criminelle, on arrive à l'extraire de l'environnement et à le séquencer », explique Vincent Prié, directeur de projets à Spygene, une société spécialisée dans « l'espionnage des gènes » dans la nature.
Et c'est ainsi qu'à partir de prélèvements d'eau en divers points de la Seine, à Paris, a été révélée la présence de la mulette épaisse, la mulette des rivières et l'anodonte comprimée, les deux dernières espèces étant particulièrement vulnérables, ce qui témoigne sûrement de la bonne santé retrouvée du fleuve parisien.
La Seine reprend vieGrâce aux moyens déployés depuis des années en faveur de la qualité de l'eau, la Seine reprend vie. Les poissons s'y baignent à nouveau – on comptait seulement trois espèces il y a 50 ans, il y en a douze fois plus aujourd'hui – et les moules aussi font leur retour. « Ces bêtes-là sont tributaires de poissons hôtes, précise Vincent Prié. Les moules émettent une larve qui va être parasite des branchies du poisson pendant quelques semaines. Et puis après, la petite moule tombe, et elle grandit là où elle tombe. Donc, ce qu'elle nous raconte, même si on n'a pas beaucoup de détails, c'est que les efforts qui ont été faits pour améliorer la qualité de l'eau portent leurs fruits. » Les moules, d'ailleurs, participent un peu à la qualité de la Seine, puisqu'elles filtrent chaque jour 40 litres d'eau.
Mais ces découvertes posent encore de nombreuses questions. Quel est le rôle de la lumière artificielle, qui favorise le phytoplancton, les algues microscopiques dont se nourrissent les moules ? Combien sont-elles au juste ? « On n'est probablement pas sur des tapis de moules d'eau douce comme il y avait il y a quelques siècles, répond Vincent Prié. L'ADN environnemental, c'est un peu comme une odeur, un peu comme si on les flairait. Et maintenant, ce qu'on veut, c'est les voir. Essayer de comprendre ce qu'elles ont trouvé de favorable dans la Seine, sachant qu'on les rencontre plutôt dans des rivières un peu sauvages. Est-ce qu'il y a des juvéniles, est-ce que ce sont des populations qui se portent bien ? On aimerait beaucoup avoir l'occasion de plonger dans la Seine pour vérifier tout ça ! »
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