C'est dans ta nature
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C'est dans ta nature

C'est dans ta nature, le rendez-vous hebdomadaire de RFI avec la biodiversité. Reportages et infos sur les végétaux et les animaux, leurs comportements, leurs secrets, leurs rôles dans les écosystèmes et dans la mondialisation. Tout ce dont on parle ici, C'est dans ta nature !

La mondialisation du braconnage
08 March 2025
La mondialisation du braconnage

Des pangolins morts ont été retrouvés par les douanes françaises dans des bagages en provenance du Cameroun. Partout sur la planète, des dizaines d’espèces protégées sont la cible de trafics. Une économie souterraine qui menace la biodiversité, mais aussi l'humanité.

De la viande morte dans des valises... C'est une découverte dévoilée la semaine dernière par les douanes françaises : les corps de onze pangolins ont été retrouvés dans les bagages d'une voyageuse en provenance du Cameroun. Une saisie qui confirme que le trafic des espèces menacées se porte bien. Bienvenue dans la mondialisation du braconnage.

Accusé à tort dans l’affaire du Covid, le pangolin est décidément un héros bien malgré lui : il est le mammifère le plus chassé illégalement dans le monde. « Le pangolin est le couteau-suisse de la médecine traditionnelle chinoise, censé favoriser la lactation, stimulant sexuel, roboratif… La question serait plutôt à quoi il ne servirait pas, ironise Charlotte Nithart, porte-parole de l’association écologiste française Robin des bois. Le pangolin chinois étant considéré commercialement éteint, les fournisseurs se sont donc rabattus sur le continent africain. »

La Chine, destination finale

Toutes les espèces de pangolin sont sur la Liste rouge de l’UICN, l’Union internationale pour la conservation de la nature, classées en danger critique d’extinction. Sa disparition serait inquiétante pour l’équilibre de la biodiversité, et pourrait entraîner une prolifération des termites et fourmis dont le mammifère se nourrit. Mais le trafic continue, et le pangolin est un parfait exemple de la mondialisation du braconnage. « En Afrique, vous avez beaucoup d’expatriés chinois qui travaillent sur des chantiers et qui servent de fournisseurs, d’intermédiaires, de rabatteurs, poursuit Charlotte Nithart. Ce petit mammifère absolument pacifique a une stratégie face à un ennemi : il se met en boule ; une affaire en or pour le braconnier qui n’a plus qu’à le ramasser. »

Dans L’Atlas du business des espèces menacées, publié par Robin des bois, de nombreux trafics d’espèces animales convergent effectivement vers la Chine. Les Routes de la soie sont aussi des routes de la mort. Première cause pointée par Charlotte Nithart, « la puissance de lobby et financière de la médecine traditionnelle chinoise qui ne veut surtout pas perdre de terrain. Il y a aussi l’aspect "signe extérieur de richesse" : pour un repas de notables, servir de la viande de tigre ou de pangolin, ça fait son effet… Enfin, il y a le nombre d’habitants, tout simplement. » C’est mathématique : le pays le plus peuplé au monde est celui qui consomme le plus d’espèces issues du trafic illégal.

Oiseaux en cage

Mais au-delà des grands mammifères (tigres, éléphants, rhinocéros…), la survie d’espèces animales moins « charismatiques » est aussi menacée. C’est le cas par exemple du chardonneret élégant, un passereau, un petit oiseau haut en couleurs bariolé de rouge, jaune et noir. Son chant est recherché, et c’est aussi pour ça que l’oiseau est recherché, traqué, depuis des siècles, à tel point qu’il est quasiment éteint en Afrique du Nord.

« Il en reste au Maroc, un hotspot du trafic. Le chardonneret étant migrateur, il est de plus en plus piégé tout le long de sa route de migration, à la glu ou par des filets », explique la porte-parole de Robin des bois. Ce trafic mondialisé obéit à la loi du marché : « Moins il y en a, plus il vaut cher. Au Maroc, le chardonneret se vend quelques dizaines à une centaine d’euros. Le prix d’un couple revendu en France ou en Belgique peut atteindre 500 euros. Il y a donc de l’argent à se faire. »

Économie de guerre

Le chiffre d'affaires annuel du trafic de toutes les espèces menacées est estimé aujourd’hui à 17 milliards d’euros. Une économie de guerre, souterraine, qui s’approprie le bien commun. « C’est une guerre, souligne Charlotte Nithart, avec des morts parmi les rangers ou les défenseurs de l’environnement, mais aussi les braconniers. Ces trafics financent des groupes terroristes ou des milices clandestines : la paix, tout simplement, est remise en cause par le braconnage. »

Oupette, vache limousine et star du 61e Salon de l'agriculture
01 March 2025
Oupette, vache limousine et star du 61e Salon de l'agriculture

Rencontre avec l'égérie de l'édition 2025 Salon international de l'agriculture de Paris, son éleveur et ses fans. Les vaches sont les animaux les plus populaires de la ferme.

« C'est elle, la star ?, demande ingénument une dame aux cheveux blancs. On nous a dit qu'il y avait une star ! ». Oui, la star est là, devant nous, devant des dizaines de visiteurs qui se pressent autour d'un enclos formé d'une double barrière en bois où trône Oupette, l'égérie du Salon de l'agriculture qui se termine ce dimanche 2 mars 2025 à Paris. « Effectivement, on est venu voir Oupette, parce qu'on en parle partout à la télé, confirme une jeune femme. On va toujours voir la star du salon, et cette année, c'est Oupette ! » « Oupette ? Ah oui, Oupette choupette !, sourit un père de famille en lisant le panneau accroché à une barrière. Il découvre alors le pois de la bête : 1 021 kilos. « Plus d'une tonne...Oh my god ! (Oh mon dieu !) », lâche-t-il.

Mais pourquoi Oupette s'appelle Oupette ? La vache, décidément très précieuse, a refusé de répondre à nos questions. Alors, on s'est tourné vers son éleveur, Alexandre Humeau, agriculteur dans le département de la Vienne, où est née Oupette il y a six ans, dans le Limousin, la région qui a donné son nom à la limousine, cette race de vache célébrée pour sa viande : « Oupette, quand elle est née, avait déjà sa petite houppette sur la tête, raconte-t-il. Et du coup, c'est Oupette sans ''H'' car c'était l'année des ''O''. C'est un peu comme les chiens et les chats, il y a une lettre en fonction de l'année de naissance. »

Selfies bovins

« Clic-clac Kodak », comme aurait dit feu Jacques Chirac, ce président qui aimait tâter le cul des vaches. Les appareils photos crépitent autant que sur le tapis rouge du Festival de Cannes, et comme des paparazzi, les visiteurs jouent des coudes pour approcher au plus près du bovin. Et comme si on croisait Monica Bellucci, on tente un selfie, « parce que c'est la star du salon », affirme, sur le ton de l'évidence, une femme souriant à son téléphone.

Le Salon de l'agriculture choisit chaque année une vache comme égérie. Une année, c'est une vache laitière (pour le lait). Et l'année suivante, une vache allaitante (pour la viande). C'est le cas d'Oupette, une vache généreuse à la robe de couleur roux brun. La limousine est la deuxième race bovine allaitante en France – il y en a plus d'un million. « Les organisateurs du Salon de l'agriculture se posaient la question pour savoir s'il fallait mettre un autre animal, explique Alexandre Humeau. Ils ont demandé aux visiteurs, et pour eux, l'animal du Salon vraiment emblématique, c'est la vache. Je pense que c'est parce que c'est un animal qui est imposant, un animal dont on peut se souvenir, de par sa puissance. Les gens sont attirés par la vache ! »

La star se fait désirer

Et la vache est si mignonne qu'on en oublierait que l'élevage bovin est responsable de 10% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Une large partie est tout de même compensée par les prairies, des puits de carbone performants.

Pour l'heure, Oupette, vachement à l'aise devant les objectifs, se fait désirer : elle s'est couchée dans la paille. Tant pis pour les photos. « Attends, tu vois pas la houppette !, s'inquiète une femme auprès de son amie. Non ? C'est bon ? Tu l'as eue ? » Mais soudain, la star se relève pour son public. Un murmure soulagé parcourt l'assistance massée autour d'Oupette. « Ouh ! Bravo ! On l'applaudit ! On a traversé tout le salon juste pour elle, merci ! », rigole un Parisien qui a grandi à la campagne, au milieu des vaches.

Animal gracié

Depuis 10 000 ans, les humains élèvent des bovins. Pour leur peau, leur viande, leur lait, leurs bouses aussi. « C'est vrai que dans une ferme, la vache a un rôle central, précise l'éleveur Alexandre Humeau. Elle mange de l'herbe, donc elle participe à entretenir les territoires. Le fumier est utilisé pour fertiliser les céréales, les cultures. Tout est consommé, tout est recyclé, donc c'est un très bon animal. »

Un animal aussi très patient... Des heures et des heures de représentation pour la star du Salon, véritable animal de foire, qui a même sa doublure pour aller respirer de temps en temps. Le Salon de l'agriculture se termine avec une bonne nouvelle pour Oupette : elle échappera à l'abattoir. « Parce qu'elle est égérie du salon, c'est une vache qui va être graciée. Elle finira ses jours dans l'exploitation », annonce Alexandre Humeau. Une semaine de célébrité, c'est une promesse d'éternité.

À voir aussiLe Salon de l'agriculture de Paris en images

L'autruche, un oiseau d'Afrique qui ne sait pas voler (mais qui a d'autres qualités)
22 February 2025
L'autruche, un oiseau d'Afrique qui ne sait pas voler (mais qui a d'autres qualités)

L'oiseau le plus grand sur Terre est incapable de s'arracher à la terre. Un handicap compensé par une vitesse de pointe, au sol, exceptionnelle.

C'est l'oiseau de tous les superlatifs. L'autruche, qu'on ne rencontre qu'en Afrique, est l'oiseau le plus grand au monde, 2 mètres 50 environ pour le mâle. L'oiseau le plus lourd, jusqu'à 150 kg. C'est enfin l'oiseau le plus rapide, au sol : une autruche peut courir pendant une demi-heure, pour échapper aux prédateurs de la savane africaine, avec des pointes à 70 km/h.

Mais on ne peut pas avoir toutes les qualités. L'autruche ne sait pas voler – c'est d'ailleurs le cas de quelque 80 espèces d'oiseaux sur Terre qui restent sur terre. C'est d'abord une question de poids. Et puis l'autruche, à la différence des oiseaux volants, ne possède pas de bréchet, au niveau du sternum, un os où sont rattachés les muscles des ailes. 

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De gros œufs, de gros yeux

Mais cela n'a pas toujours été le cas. L'ancêtre de l'autruche, au moment des dinosaures, savait voler. Une capacité qu'il a perdue en l'absence de prédateur, après l'extinction des dinosaures et avant que les mammifères deviennent les maîtres de la prédation. L'abandon du vol a permis à l'autruche de muscler ses pattes, lui donnant la force de pouvoir assommer un lion qui s'approcherait un peu trop près.

L'autruche est aussi un oiseau qui pond les œufs les plus gros parmi tous les oiseaux : 1,5 kg, l'équivalent d'une vingtaine d'œufs de poule. L'autruche possède enfin les yeux les plus gros de tous les vertébrés : 5 cm de diamètre, des yeux plus grands que ceux de l'éléphant. L'autruche a ainsi des yeux plus gros que son cerveau. Mais n'en tirez aucune conclusion !

 

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Le citron, l'autre soleil de la Méditerranée
15 February 2025
Le citron, l'autre soleil de la Méditerranée

La Fête du citron de Menton, sur la Riviera française, célèbre chaque année l’un des emblèmes de la culture et de la cuisine du bassin méditerranéen. Mais le citron jaune est-il méditerranéen ?

Le citron brille en Méditerranée. Et particulièrement du côté de Menton, sur la Côte d’Azur, dans le sud de la France, où se tient depuis ce samedi 15 février La Fête du citron (jusqu’au 2 mars), « un événement unique au monde », clame la ville qui a donné son nom à un citron réputé pour sa longue conservation une fois cueilli. « Le citron est vraiment introduit dans la culture et la cuisine méditerranéenne, comme condiment ou associé à plein de plats. Et il n’y a vraiment qu’en Méditerranée qu’on retrouve ça », souligne François Luro, spécialiste de la génétique des agrumes à l’Inrae, l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement. 

L’Europe est le premier producteur mondial de citron, avec plus de 9 millions de citronniers plantés. Principalement sur le pourtour méditerranéen où on voit la vie en jaune. L’Espagne est ainsi le premier exportateur mondial. « La Méditerranée est considérée comme la deuxième zone de diversification des agrumes, après l’Asie, la zone d’origine, où toutes les espèces sont nées », poursuit François Luro. 

Le citron est un hybride

Mais le citron est-il méditerranéen ? Ses origines géographiques restent discutées, faute de traces archéologiques suffisamment anciennes. Le citron serait né en Inde (dans l’Himalaya), ou en Perse, ou en Méditerranée... Une certitude, ses ancêtres sont asiatiques. Le citron est le fruit d’une hybridation spontanée entre le cédrat et l’orange amère. 

Tous les agrumes qu’on connaît aujourd’hui sont en fait issus de 3 ou 4 espèces primaires, dotées d’une grande diversité génétique. « Elles se sont en fait développées dans des régions séparées pendant des millions d’années ; on voit donc, par exemple, qu’entre une mandarine et un pamplemousse, il n’y a aucune ressemblance. Ces espèces sont tellement diversifiées que quand elles se croisent entre elles, elles génèrent énormément de diversité. Chaque pépin d’un croisement mandarine/pamplemousse que vous allez semer donnera à chaque fois une variété différente, avec des caractéristiques différentes les unes des autres », explique François Luro, chercheur au centre de San Giuliano, en Corse, qui abrite plus de 800 variétés d’agrumes, l’une des plus importantes collections au monde.

Le citron n’est pas pressé

Mais ce n’est pas parce qu’il est cultivé dans des zones aux étés chauds et arides, et de plus en plus chauds et arides, que le citron sera à terme épargné par le réchauffement climatique. Contrairement à une idée reçue, « ce n’est pas une espèce économe en eau parce que les citronniers n’ont pas de repos végétatif en hiver, ils gardent leurs feuilles, donc ils continuent à pomper de l’eau dans le sol, à transpirer cette eau », relève François Luro.

C’est d’ailleurs principalement en hiver que les fruits du citronnier arrivent à maturité, après une floraison printanière. Car le citron n’est pas pressé. « C’est un fruit qui se développe assez lentement. Il lui faut quasiment six mois, explique François Luro. Et pour la commercialisation, il faut qu’il jaunisse ; on ne peut pas avoir sur un étalage un citron de couleur verte. Le passage du vert au jaune est lié aux températures basses. Quand les températures diminuent, il y a une dégradation de la couleur verte, de la chlorophylle, et l’apparition d’autres pigments qui donnent cette couleur jaune au citron. » Le citron est un soleil en plein hiver. 

La question de la semaine

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À Paris, avec l'amélioration de la qualité de la Seine, des moules refont leur apparition
08 February 2025
À Paris, avec l'amélioration de la qualité de la Seine, des moules refont leur apparition

Grâce à l'ADN environnemental, une vingtaine d'espèces de bivalves, dont trois menacées en France, ont été détectées dans le fleuve qui traverse la capitale française. Un nouveau signe d'une santé retrouvée.

C'est un décor de carte postale qui réserve une surprise. Le clapotis des vagues sur un quai de Seine à Paris, un bateau-mouche qui passe, entre l'île Saint-Louis et l'île de la Cité... C'est ici, à quelques mètres, quelque part au fond de l'eau boueuse, comme à d'autres endroits sur la Seine, qu'on a détecté la présence de moules d'eau douce, une vingtaine d'espèces de bivalves au total, dont trois qui avaient disparu du fleuve parisien.

« Ce fut une grosse surprise, témoigne Vincent Prié, spécialiste des mollusques aquatiques. Évidemment, on ne s'attendait pas à les retrouver dans un endroit aussi anthropisé que le centre de Paris. » C'est une étude destinée à évaluer les effets de la pollution lumineuse sur la biodiversité de la Seine qui a permis ces redécouvertes, grâce à une technique récente et révolutionnaire : l'ADN environnemental.

Des millions de cellules perdues dans la nature

« Chaque organisme perd des centaines de millions de cellules, essentiellement de peau, par jour – nous, humains, perdons 500 millions de cellules de peau par jour –, et chacune de ces cellules contient de l'ADN. Avec des techniques qui sont proches de celles de la police criminelle, on arrive à l'extraire de l'environnement et à le séquencer », explique Vincent Prié, directeur de projets à Spygene, une société spécialisée dans « l'espionnage des gènes » dans la nature.

Et c'est ainsi qu'à partir de prélèvements d'eau en divers points de la Seine, à Paris, a été révélée la présence de la mulette épaisse, la mulette des rivières et l'anodonte comprimée, les deux dernières espèces étant particulièrement vulnérables, ce qui témoigne sûrement de la bonne santé retrouvée du fleuve parisien.

La Seine reprend vie

Grâce aux moyens déployés depuis des années en faveur de la qualité de l'eau, la Seine reprend vie. Les poissons s'y baignent à nouveau – on comptait seulement trois espèces il y a 50 ans, il y en a douze fois plus aujourd'hui – et les moules aussi font leur retour. « Ces bêtes-là sont tributaires de poissons hôtes, précise Vincent Prié. Les moules émettent une larve qui va être parasite des branchies du poisson pendant quelques semaines. Et puis après, la petite moule tombe, et elle grandit là où elle tombe. Donc, ce qu'elle nous raconte, même si on n'a pas beaucoup de détails, c'est que les efforts qui ont été faits pour améliorer la qualité de l'eau portent leurs fruits. » Les moules, d'ailleurs, participent un peu à la qualité de la Seine, puisqu'elles filtrent chaque jour 40 litres d'eau.

Mais ces découvertes posent encore de nombreuses questions. Quel est le rôle de la lumière artificielle, qui favorise le phytoplancton, les algues microscopiques dont se nourrissent les moules ? Combien sont-elles au juste ? « On n'est probablement pas sur des tapis de moules d'eau douce comme il y avait il y a quelques siècles, répond Vincent Prié. L'ADN environnemental, c'est un peu comme une odeur, un peu comme si on les flairait. Et maintenant, ce qu'on veut, c'est les voir. Essayer de comprendre ce qu'elles ont trouvé de favorable dans la Seine, sachant qu'on les rencontre plutôt dans des rivières un peu sauvages. Est-ce qu'il y a des juvéniles, est-ce que ce sont des populations qui se portent bien ​​​​​​​? On aimerait beaucoup avoir l'occasion de plonger dans la Seine pour vérifier tout ça ​​​​​​​! »

La question de la semaine
Un bébé qui pleure? Les crocodiles accourent!
01 February 2025
Un bébé qui pleure? Les crocodiles accourent!

Une expérience scientifique démontre comment les crocodiles repèrent la détresse dans des cris d'humains ou d'autres animaux. C'est le signal, pour ces prédateurs, d'une proie vulnérable.

Quand vous entendez un bébé pleurer, vous voulez le prendre dans vos bras, pour le consoler. Les crocodiles aussi se précipitent, mais pour une tout autre raison. Ces reptiles aux dents longues sont capables de percevoir dans un cri humain la détresse, comme l'a montré une étude réalisée pour confirmer une hypothèse du naturaliste britannique Charles Darwin au XIXe siècle. « On estime que l'ensemble des vertébrés ont un appareil vocal assez proche, explique Nicolas Grimault, chercheur au CNRS. Darwin avait émis l'hypothèse que les espèces de vertébrés étaient capables de communiquer entre elles, en tout cas de comprendre un message émotionnel véhiculé par les cris des différentes espèces animales. »

Nicolas Grimault, acousticien de formation, fait partie de l'équipe du Centre de recherches en neurosciences de Lyon qui a réalisé cette expérience au zoo d'Agadir, au Maroc. En diffusant à des crocodiles du Nil des cris de détresse émis par des bonobos, des chimpanzés et des petits d'Hommes. Et le résultat fut saisissant.« Parfois, les crocodiles se rapprochaient du haut-parleur juste pour venir voir ce qu'il se passait, raconte Nicolas Grimault. Et parfois, on a eu des attaques assez claires : les crocodiles venaient et essayaient de saisir dans la mâchoire le haut-parleur. Donc, on était obligé de remonter en quatrième vitesse le haut-parleur avec la corde avant qu'il ne se fasse croquer par le crocodile ! », se souvient-il.

Proie facile

Mieux que nous humains, les crocodiles perçoivent la détresse dans un cri. Un avantage indéniable pour ces prédateurs partisans du moindre effort en s'attaquant aux plus faibles. « Les crocodiles sont des animaux à sang-froid dont ils s'économisent. Ils économisent leur énergie, ils sont opportunistes et vont aller au moindre effort pour se nourrir. Donc plus un animal va être potentiellement en détresse, blessé ou sans la surveillance de la femelle pour les bébés, plus il va être une proie facile », conclut Nicolas Grimault. Une expérience similaire avait été réalisée aux États-Unis avec des biches. Mais en entendant des cris de détresse, d'humain ou d'autres animaux, elles, elles venaient porter secours. Les biches, c'est vrai, ne sont pas des prédateurs.

La question de la semaine
Les derniers secrets des oiseaux migrateurs
25 January 2025
Les derniers secrets des oiseaux migrateurs

De récentes études scientifiques nous en apprennent un peu plus sur un phénomène fascinant, mais encore parfois mystérieux : pourquoi, et comment, chaque année, des dizaines de milliards d'animaux à plumes se lancent dans de (très) longs voyages pour trouver chaleur et nourriture.

Ils sont, chaque année, plus de 50 milliards à s'envoler vers ailleurs, pour passer l'hiver au chaud, se reproduire ou trouver une nourriture plus abondante. Une espèce d'oiseau sur cinq appartient ainsi à la grande famille des migrateurs.

Préparation physique

Mais au sein d'une même espèce, tous les oiseaux ne sont pas migrateurs. C'est par exemple le cas du merle qui possède l'un des plus beaux chants d'oiseau en Europe. On le voit gratter le sol en hiver à la recherche de quelques vers. Mais un quart d’entre eux, environ, préfère s'exiler plusieurs mois, là où il fait plus chaud et où il y a plus à manger, en Espagne ou en Afrique du Nord. Un voyage de 800 kilomètres en moyenne. Ce n'est pas rien, et ça se prépare, comme l’ont constaté des scientifiques allemands en équipant des merles d'une forêt du sud de l'Allemagne des mêmes capteurs qu'utilisent les sportifs pour mesurer leurs performances. Un mois avant le grand départ, le rythme cardiaque diminue la nuit, avant que la température corporelle, la nuit aussi, ne se mette également à baisser. L'heure est aux économies d'énergie.

Phénomène social

À l'image de l'autoroute des vacances qu'empruntent les humains, les oiseaux migrateurs parcourent souvent les mêmes chemins, et ils ne sont pas tout seuls. Sur la longue route, dans l’air ou sur les aires de repos, on socialise, et pas qu’avec les siens, comme viennent de le montrer de récentes études réalisées notamment grâce aux progrès de l'intelligence artificielle, en s'appuyant sur des enregistrements sonores d'oiseaux en vol ou au repos. Ce sont en moyenne trois espèces différentes qui voyagent ensemble (2,7 exactement, selon une étude publiée ce mois-ci aux États-Unis). Il y a une dimension sociale dans la migration et elle est liée au plumage : puisque la vitesse en vol dépend de la taille des ailes, les oiseaux aux ailes similaires voyagent ensemble. Qui se ressemble s’assemble.

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Cocaïne et déforestation

Pendant ces longues migrations, les oiseaux affrontent de nombreux périls dont les humains sont souvent responsables – la chasse, la pollution lumineuse, les constructions, le changement climatique... Et il y a aussi, plus inattendue, la cocaïne. Non, les oiseaux n’en consomment pas pour tenir le coup sur ces longues distances. Mais la coca les menace indirectement. C'est l'un des effets pervers de la lutte antidrogue en Amérique latine, mise en lumière l'an dernier par une étude de chercheurs aux États-Unis. Pour échapper à la surveillance, les narcotrafiquants s'enfoncent toujours plus dans les forêts tropicales et sont responsables, au Guatemala ou au Nicaragua, de près d'un tiers de la déforestation. Précisément là où viennent passer l'hiver, 20% des oiseaux migrateurs nord-américains.

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Le plein de caca

Dernière révélation : la migration encourage la coprophagie, le fait d'avaler des excréments. Le caca, c'est caca, mais c'est surtout plein d'énergie. Des chercheurs australiens ont observé que le pétrel géant, avant la traversée de l’océan Austral, se nourrissait d'excréments de phoques, pour s'envoler le ventre plein. Chez tous les oiseaux migrateurs coprophages, il s'agirait aussi d'enrichir leur microbiote intestinal, pour que le système digestif s'adapte sans problème aux nouveaux types de nourritures rencontrées tout au long de la migration. Chez les oiseaux, la tourista, on ne connaît pas.

La question de la semaine  
Les plantes et les animaux de Mayotte après le cyclone Chido
18 January 2025
Les plantes et les animaux de Mayotte après le cyclone Chido

Les violentes rafales de vent de 200 km/h qui ont frappé le département français dans l’océan Indien, le 14 décembre, ont arraché de nombreux arbres, avec des conséquences en cascade pour la biodiversité, les makis, les oiseaux, les coraux ou encore les tortues.

« Ça ne reviendra jamais comme avant, ça, c’est sûr. Donc, c’est un deuil. On a perdu quelque chose pour toujours. » Émilien Dautrey, qui dirige l’association Gépomay, est ému et accuse le coup un mois après le passage du cyclone Chido à Mayotte. « On se déplace à des endroits qu’on connait très bien, et finalement, on se perd, parce que tous nos repères ont été balayés », abonde François-Elie Paute, qui travaille pour une autre association de protection de l’environnement, Oulanga Na Nyamba.

Les hommes ont souffert du cyclone, la biodiversité aussi. Les paysages ont changé, la vie est bouleversée à Mayotte après le cyclone. « C’est choquant de voir des restes de troncs totalement dénudés qui sont encore debout, et d’autres qui sont couchés au sol », poursuit François-Elie Paute. Même s’il est encore trop tôt pour dresser un bilan précis du mal que Chido a fait aux forêts et mangroves de l’archipel, on sait déjà que la chute des arbres et des branches a des conséquences pour la biodiversité.

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Makis écrasés

Les makis, ces lémuriens aux grands yeux couleur fauve, sont encore plus nombreux en ville, à la recherche de nourriture. « Ils sont complètement désorientés, un peu comme nous, ils ont perdu leur habitat, leurs maisons, leur domaine vital, décrit Émilien Dautrey. Avant, pour traverser les routes, ils passaient par les arbres. Et maintenant, il n’y a plus d’arbres, donc ils sont obligés de passer par le sol, par la route, où passent les voitures. On en voit tous les jours écrasés, ça se compte par centaines, et ça, c’est triste. Par contre, il ne faut pas forcément nourrir les makis. On pense qu’ils sont affamés, mais à l’heure actuelle, les feuilles repoussent. Les makis, qui ne sont pas que frugivores, mangent aussi des feuilles. Dans mon jardin, il y a un avocatier qui reprend, qui a de nouvelles feuilles, et ils viennent tous les jours manger les feuilles de l’avocatier. »

Nids d’oiseaux tombés

Tout n’est pas tout noir, un mois après Chido. La nature est résiliente. Le cyclone — c’est une chance, si l’on peut dire — a eu lieu au début de la saison des pluies. « Depuis deux semaines et demie, les feuilles repoussent de manière exponentielle, observe Émilien Dautrey. On commence à revoir des arbres fleurir. Mais il y a beaucoup moins de fleurs que ce qu’il aurait pu y avoir s’il n’y avait pas eu le cyclone. Donc, beaucoup moins de ressources pour les oiseaux et pour tous les animaux. Certains peuvent mourir de faim. »

Et de la mortalité, il y en a chez les oiseaux, ceux qui allaient bientôt naître. « On n’a pas vu de cadavres d’oiseaux, mais moi, j’ai vu des nids par contre par terre, raconte Émilien Dautrey, le directeur du Groupe d’études et de protection des oiseaux de Mayotte. La saison de reproduction des oiseaux cette année sera proche de zéro en fait. Ça ne donnera quasiment pas de juvéniles avec l’impact du cyclone. Pour les crabiers blancs qui se reproduisent dans les mangroves, on y est allé juste après, et il n’y a plus aucun nid. » Le héron crabier blanc est l’espèce d’oiseau la plus menacée de Mayotte, avec moins de 600 individus.

Tortues empêchées

Pour les tortues marines, aussi, la reproduction s’annonce compliquée, en raison de la végétation tombée sur les plages. « Si on a des arbres et des branches qui empêchent l’accès au haut de plage, c’est du dérangement et les tortues ne vont pas pouvoir trouver leur endroit favori pour pondre, explique François-Elie Paute, le responsable du pôle connaissances de l’association Oulanga Na Nyamba, spécialisée dans la protection des tortues. Et si cette pression est maintenue de manière continue, et ça va être le cas si on ne fait rien, la tortue va finir par relarguer ses œufs dans l’eau si elle n’arrive pas à les pondre sur la plage. »

La chute des arbres a enfin des conséquences pour les coraux, estime aussi François-Elie Paute : « Sur terre, l’eau s’infiltre grâce aux racines, et donc sans arbres, sans racines, l’eau ruisselle et se dirige vers le lagon. Donc, on a en plus une thématique d’érosion, qui impacte aussi négativement le lagon, avec le dépôt de terre qui va recouvrir des habitats coralliens qui ont besoin de lumière pour recommencer à croître. » Après le cyclone Chido, Mayotte a besoin de lumière. Mais dans le 101ᵉ département français, on regrette que le projet de loi d’urgence actuellement discuté au Parlement à Paris ne consacre pas à une ligne à la protection de l’environnement.

À écouter dans C'est pas du ventAllo docteur, c'est pour une tortue marine

 

 

 

Chez les animaux, la durée de la gestation dépend de leur taille
11 January 2025
Chez les animaux, la durée de la gestation dépend de leur taille

Chez l'humain, la grossesse dure neuf mois. Mais qu'en est-il chez les autres animaux ? La durée dépend généralement de la taille. Mais il y a des exceptions.

Plus c'est gros, plus c'est long, selon l'adage bien connu – ou à peu près. Chez l'éléphant, le plus grand animal terrestre, la durée de gestation est ainsi de 22 mois, presque deux ans. Il arrive que le cordon ombilical se coupe alors que le petit est encore dans le ventre de sa mère. C'est le signal qu'il faut sortir car l'éléphanteau n'a plus d'oxygène.

Dans les océans, les baleines, les animaux les plus gros de la planète, ont une durée de gestation d'un an environ, selon les espèces, et jusqu'à un an et demi pour les orques.

Mais le record du monde, chez les mammifères, appartient au requin lézard, qui ne mesure, à l'âge adulte, que deux mètres. Cette espèce ne vit que dans les profondeurs des océans, jusqu'à 1 500 mètres. Il y fait très froid et c'est ce qui rend particulièrement lente la croissance du petit, avec une gestation de trois ans et demi.

Une pieuvre bat tous les records

C'est le même phénomène pour une pieuvre des abysses, Graneledone boreopacifica, ovipare. À cause du froid intense, à 3 000 mètres de profondeurs, l'incubation des œufs dure quatre ans et demi – le record toutes catégories. La femelle, épuisée, meurt juste après les naissances. La maternité est parfois un sacrifice.

À l'autre bout de l'échelle, il y a la souris, avec une gestation de 20 jours seulement. Le rongeur peut se produire au bout d'un mois et demi, soit une nouvelle génération tous les 45 jours. C'est la raison pour laquelle les scientifiques apprécient les souris de laboratoire pour mener leurs recherches.

La double gestation des marsupiaux

Chez le kangourou, la gestation est à peine plus longue que chez la souris : une trentaine de jours seulement, alors que son poids est 500 fois plus important. Mais en réalité, le développement du petit se prolonge pendant huit mois dans la poche de sa mère, véritable incubateur pour le nouveau-né qui ne pèse qu'un gramme à sa naissance – il n'a pas encore de poumons. La femelle kangourou est dotée de deux utérus, ce qui lui permet de porter trois bébés à des stades de développement différents. 

Le principe est le même pour un autre marsupial d'Australie, beaucoup plus petit : le quokka, assez lâche face à un prédateur pour expulser de sa poche son petit et le sacrifier pour sauver sa peau. Mais à ses yeux, ce n'est pas très grave pour la perpétuation de son espèce, puisqu'un embryon est déjà en attente dans son utérus, prêt à commencer son développement.

La question de la semaine
La perfection de la nature expliquée par les mathématiques
04 January 2025
La perfection de la nature expliquée par les mathématiques

La suite de Fibonacci et le nombre d'or démontrent à quel point la formation des fleurs et des feuilles de très nombreuses plantes obéit à une forme d'harmonie universelle.

Pourquoi la nature est bien faite ? Les mathématiques nous en donnent la réponse. Il faut pour cela se pencher sur la suite de Fibonacci, une série de nombres entiers infinie, où chaque nombre est la somme des deux nombres qui le précèdent. « On part de 1 et 1, puis 2, puis 3, parce que 3 est égal à 2+1, puis 5 (égal à 3+2) et on continue ainsi, 8, 13, 21… », énumère Gaëlle Chagny, mathématicienne à l'université de Rouen, qui nous explique l'invention de cette suite par son lointain confrère italien, Leonardo Fibonacci, auteur d'un livre majeur en 1201, Liber Abaci, et à qui on doit l'introduction des chiffres arabes en Europe. « Le but était de populariser l’usage des nombres arabes, parce qu’on utilisait jusque-là plutôt des chiffres romains. La suite apparait dans ce livre pour modéliser l’évolution d’une population de lapins qui se reproduisent, qui croît de manière exponentielle et de manière immortelle – les lapins ne meurent jamais dans ce modèle récréatif. »

Oui, mais à part les lapins, quel est le rapport avec la nature ? Il se trouve que « les nombres de Fibonacci apparaissent dans la nature de manière un peu surprenante au premier abord, poursuit Gaëlle Chagny. Si vous observez les écailles sur la peau d’un ananas, vous avez deux réseaux de spirales, qui tournent dans deux sens différents, et si on compte ces spirales, on trouve deux nombres de la suite de Fibonacci consécutifs. »

Le nombre d'or est dans la nature

Les nombres de Fibonacci se retrouvent sur 96% des plantes, selon une étude qui a porté sur 650 espèces végétales. Des plantes présentes sur terre des millions d'années avant le génial mathématicien. Fibonacci « n’avait aucune idée qu’on retrouverait les nombres de la suite dans la nature, précise Gaëlle Chagny. Ce sont des travaux de phyllotaxie, la science qui étudie les arrangements géométriques des végétaux, qui font apparaitre les nombres de Fibonacci dans la formation des plantes et des fleurs. »

La fleur du tournesol, composée en fait de centaines de petites fleurs, révèle même le fameux nombre d'or, issu de la suite de Fibonacci, la « divine proportion » qui symbolise l'harmonie géométrique. « Les mini fleurs, les fleurons, vont se former de manière successive en tournant autour du centre de la fleur, explique Gaëlle Chagny. Ils tournent avec un angle donné, qu’on appelle l’angle de divergence. L’évolution a sélectionné cet angle de divergence-là parce que c’est ce qui permet de placer le plus de fleurons dans le capitule de la fleur, dans le cœur de la fleur, pour disséminer le plus de graines possibles. Après, d’un point de vue mathématique, si on essaie de construire un modèle pour expliquer ça, on s’aperçoit que ce modèle est construit avec un angle de divergence égal à l’angle d’or, 1/φ, où φ (phi) est le nombre d’or. »La perfection est dans la nature. CQFD.