Afrique économie
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Les vêtements de travail tunisiens à la conquête de nouveaux marchés
21 November 2024
Les vêtements de travail tunisiens à la conquête de nouveaux marchés

La Tunisie revient en force sur le marché du textile professionnel, pourtant dominé par les pays asiatiques. En déroute depuis quelques années, le secteur tunisien est de nouveau en croissance grâce à une montée en gamme et à sa proximité géographique avec l’Europe. 

En présentant ses différentes collections, Amor Mlika, directeur de quatre usines de production de vêtements de travail et de protection vers Nabeul, sur la côte est du pays, est conquérant : « Ce que vous avez devant vos yeux, c’est un uniforme pour la police anglaise. Un autre pour la garde nationale espagnole. Nous fournissons la police en Allemagne. J’espère qu’on aura l’occasion d’attaquer le marché français ».

Réactivité et proximité

La concurrence chinoise, plus compétitive au niveau des prix, a longtemps sapé les exportations tunisiennes. Mais la proximité géographique de la Tunisie avec l'Union européenne a permis de renverser la tendance. Les clients veulent désormais un approvisionnement proche et efficace.

« Pas mal de fournisseurs asiatiques, principalement pour les tenues de lutte contre le feu, ramènent chez eux des tissus européens, font les confections et exportent à nouveau vers l’Europe, explique Amor Mlika, alors que chez nous, il y a moins de stocks, moins de pression sur la liquidité, plus de réactivité et une proximité pour l'assistance technique et l'accompagnement. Donc, tout ça, c'est des atouts qu'on a su mettre en valeur et nous nous sommes adaptés au contexte actuel. »

Les certifications environnementales sont désormais une condition sine qua non pour exporter en Europe. Les professionnels tunisiens se sont mis au niveau et sont montés en gamme.

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Des champs pétroliers libyens aux mines camerounaises

La conquête de nouveaux marchés a débuté suite à la pandémie de Covid-19 après une refonte importante du secteur. « On a décidé d’aller vers le premium, vers une qualité textile technique. Donc, ce n'est plus le basique pantalon quatre poches que personne maintenant n'ose porter. Là, on se rapproche plutôt du fashion, de tout ce qui est stylé et ça devient plutôt du prêt-à-porter pour le travail. Ce n'est plus du vêtement de travail simple », explique Tarek Ben Haj Ali, PDG du groupe Workman et vice-président de la Fédération tunisienne du textile et de l'habillement.

« Nous avons par exemple cette innovation : ce jean est un jean 100% imprimé, donc c'est un jean qui consomme 98% moins d'eau qu'un jean classique », montre Tarek Ben Haj Ali.

Le « prêt-à-porter au travail » tunisien séduit aussi en Afrique. Les contrats affluent, assure le PDG du groupe Workman : « On vient de signer avec le gouvernement libyen pour habiller les dix entreprises pétrolières étatiques libyennes par exemple. Elles totalisent à peu près 80 000 personnes. On travaille aussi au Cameroun, avec les mines de diamants. Il y a pas mal de confrères qui travaillent et qui viennent de certifier des combinaisons pour le nucléaire, par exemple ».

Un secteur en croissance qui lorgne également vers la Russie. Même si la Chine et le Bangladesh restent les premiers fournisseurs de l'Union européenne.

Nigeria: la première récolte de maïs OGM en attente de commercialisation
20 November 2024
Nigeria: la première récolte de maïs OGM en attente de commercialisation

Au Nigeria, le gouvernement a approuvé la commercialisation de variétés OGM de maïs, niébé, coton et soja en janvier dernier, mais leur culture démarre timidement. La technologie transgénique est concédée sous licence libre de droits par Bayer (détenteur de Monsanto) à l’Institut de recherche agricole de l'Université de Zaria. Celle-ci vend des semences de maïs, conçues pour résister à la fois à la sécheresse et aux infestations d'insectes. Exemple sur la première récolte de maïs OGM d'un agriculteur à Suleja, dans le centre du Nigeria.

De notre envoyé spécial à Suleja,

Baba Yola observe ses ouvriers agricoles. C'est la récolte du maïs transgénique, semée en juin dernier par cet agriculteur. C'est la première fois que Baba Yola cultive des OGM. Il scrute chaque geste pour éviter les pertes. Car investir dans le transgénique coûte cher. « J'ai acheté 20 kg de maïs Tela pour 86 000 nairas, explique-t-il. Vingt kilos de semences traditionnelles, cela doit valoir entre 28 000 et 30 000 nairas. Je ne sais pas comment ils peuvent rendre abordable le maïs OGM pour que tous les agriculteurs puissent y avoir accès. Le maïs Tela est en vente même s’il est difficile à trouver. Si vous ne le commandez pas, vous ne l'obtiendrez pas à temps. »

Pas de stratégie commerciale définie

Baba Yola a acheté ses semences auprès de l'Institut de recherche agricole (IRA) de l'Université de Zaria, dans le centre nord du Nigeria. Créé en 1922, cet institut a notamment pour mandat l'amélioration génétique du maïs, du niébé, du sorgho ou encore du coton.

« Cette année, nous commençons avec trois tonnes de maïs TELA, précise son directeur, le professeur Ado Yusuf, qui supervise en personne la distribution du maïs transgénique. D’autres semenciers privés enregistrés en reçoivent également et les vendent. Mais pour l'instant, de notre côté, il n'y a pas de stratégie commerciale définie. Les semences sont disponibles ici. Vous frappez à la porte de notre institut de recherche, nous vous distribuons les graines. Nous n'avons pas l'intention d'avoir de succursales dans tout le pays. »

« Avec les OGM, les agriculteurs deviennent dépendants des distributeurs »

Le Nigeria est l'un des sept pays africains impliqués dans le projet TELA Maize. Un partenariat public-privé, où la multinationale Bayer Cropscience (anciennement Monsanto) permet l'utilisation gratuite de sa technologie transgénique.

Mais des voix s'inquiètent de la commercialisation des OGM au Nigeria. « Avec les OGM, les agriculteurs deviennent dépendants des distributeurs, des fabricants de semences ou des sociétés de biotechnologie, année après année, pour obtenir des semences, s’inquiète Joyce Brown, d'une Fondation intitulée Health of Mother Earth Foundation (HOMEF). Parce que la plupart de ces semences transgéniques sont conçues pour ne pas bien produire après la première saison de plantation. L'objectif étant de faire du profit, pas nécessairement de lutter contre la faim ou l'insécurité alimentaire. »

De son côté, Baba Yola se dit prêt à racheter des semences transgéniques pour l'an prochain. Il a subi moins de pertes que d’habitude, mais la céréale, destinée à l'alimentation humaine, n’a pas tout à fait le même goût, alors il se prononcera en fonction des résultats des ventes de son maïs.

Crise pétrolière au Soudan du Sud: pourquoi la malaisienne Petronas claque la porte
19 November 2024
Crise pétrolière au Soudan du Sud: pourquoi la malaisienne Petronas claque la porte

Petronas quitte le Soudan du Sud après près de 30 ans d’exploitation pétrolière, accusant le gouvernement de bloquer la vente de ses actifs. Ce départ de l'entreprise pétrolière malaisienne, sur fond de crise environnementale et de déclin économique, soulève des questions sur l’avenir de l’industrie d'or noir dans le plus jeune pays du monde.

Seule source de revenus pour l’État sud-soudanais, l’industrie pétrolière est en pleine crise. La production est passée de 300 000 barils par jour lors de l'indépendance en 2011 à moins de 50 000 barils en 2024, en grande partie à cause de la guerre au Soudan.

Pour Boutros Manani Magaya, président du sous-comité sur le pétrole de l’Assemblée nationale, le départ de Petronas est un coup dur : « Pourquoi n’y a-t-il pas eu d’investissements supplémentaires dans ce secteur pour augmenter la production ou pour la maintenir au même niveau ? Cela soulève vraiment des questions. Nous savons que le Soudan du Sud a de grandes réserves de pétrole. Pourquoi Petronas et les autres compagnies n’ont-elles pas continué à investir dans l’industrie ? »

La pollution dénoncée

Les raisons pourraient se trouver dans les audits financiers et environnementaux à venir, qui pourraient expliquer ce départ précipité.

Les accusations de pollution liées à l’industrie pétrolière ne cessent de croître. Gizam Moses, représentant de la Coalition de la société civile sur les ressources naturelles (CSCNR), évoque des conséquences graves pour les populations locales : « Nous avons obtenu de nombreux rapports au sujet d’enfants nés avec de graves difformités à cause de l’exposition des femmes enceintes à la pollution pétrolière. Ces récits sont des indications claires que nos lois gouvernant l’exploitation des ressources naturelles ne sont pas respectées par les entreprises qui opèrent dans notre pays. »

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Les entreprises appelées à rendre des comptes

Pour Joseph Africano Bartel, sous-secrétaire au ministère de l’Environnement, les entreprises responsables ne pourront pas échapper à leurs obligations, même après leur départ : « Quiconque est venu dans ce pays avant l’indépendance, profitant de l’absence de lois et de contrôle en pensant qu’ils allaient gagner de l’argent tout en négligeant l’environnement, ceux-là devraient bien réfléchir. Car ils ne vont pas disparaître. Petronas ou toute autre compagnie active au Soudan du Sud et ne protégeant pas l’environnement seront tenues responsables. »

Bartel cite en exemple les 12 milliards de dollars que le pétrolier anglo-néerlandais Shell a dû payer aux victimes de la pollution pétrolière dans le delta du Niger.

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Soudan du Sud: la suspension des exportations de pétrole mine l’économie et fait exploser les prix
18 November 2024
Soudan du Sud: la suspension des exportations de pétrole mine l’économie et fait exploser les prix

Le Soudan du Sud connaît l’un des taux d’inflation les plus élevés au monde : 55 % en un an, selon le Fonds monétaire international (FMI). C’est la conséquence de la crise économique profonde que connaît ce pays ravagé par le changement climatique et l’instabilité, et qui importe presque tout ce qu’il consomme. Sa seule source de devises provient des exportations de pétrole, mais depuis mars cette année, le pipeline est à l'arrêt. Malgré les annonces de reprise prochaine de l'exportation, la situation met en exergue le besoin de diversification de l'économie.

De notre correspondante à Juba,

« La nourriture est chère, tout est hors de prix, beaucoup de gens ont faim ! Qu’allons-nous faire ? », s’inquiète Sarah Alphonse. À Souk Libya, l’un des marchés de la capitale sud-soudanaise, cette femme frêle de 37 ans vient d’acheter des feuilles de niébé pour les cuisiner avec de la pâte d’arachide. « C’est super cher ! Il y en a pour 8 000 livres, alors qu’avant, tout ça ne coûtait que 500 livres !, assure la mère de quatre enfants. Tout est cher, la farine est chère, les gens n’en peuvent plus, nous sommes malades, nous n’avons pas d’argent pour nous soigner. Nous nous demandons ce que fait le gouvernement ? »

La livre sud-soudanaise a perdu quatre fois sa valeur face au dollar. Conséquence : le prix des biens de première nécessité s’envole. Le gouvernement a annoncé en septembre la mise en vente de produits alimentaires à des prix subventionnés, et la Banque centrale a injecté des dollars sur le marché des devises. Mais comme beaucoup, Rose Poni Eluzai, une autre cliente du marché de Souk Libya, n'a pas observé d'amélioration. « Je n’ai pas entendu parler de ces mesures. C’est vrai que le dollar est devenu moins cher. Le taux de change est plus favorable, mais les prix sont restés les mêmes sur le marché. Rien n’a changé, martèle-t-elle. Et ici, nous n’avons reçu aucun produit alimentaire subventionné par le gouvernement pour aider les gens. »

« La remise en route de l’oléoduc n’est qu’une solution de court terme »

Plus de 90 % des revenus propres du pays dépendent des exportations du pétrole qui se fait via deux oléoducs qui transportent le brut sud-soudanais vers Port Soudan, sur la mer Rouge. Or, depuis mars cette année, le pipeline transportant 70 % du pétrole est arrêté à cause de la guerre qui fait rage au Soudan.

Si le ministère du Pétrole a annoncé la reprise prochaine des exportations, le président de la Chambre de commerce de l’État d’Équatoria Central, Robert Pitia observe, lui aussi, les limites des mesures prises pour contrôler l’inflation. Pour lui, d’ailleurs, même la reprise des exportations de pétrole ne suffira pas à sortir le pays de la crise. « La remise en route de l’oléoduc n’est qu’une solution de court terme. Pour faire baisser les prix de l’alimentation, le gouvernement doit développer la production agricole, et créer un environnement propice pour que des investisseurs étrangers développent des projets de production agricole massive », analyse Robert Pitia.

Une diversification de l’économie d’autant plus souhaitable que l’incertitude entoure la reprise des exportations de pétrole, comme le souligne Daniel Akech Thiong, de l’International Crisis Group (ICG) : « Si les parties en conflit au Soudan ne concluent pas un cessez-le-feu dans les zones situées sur le parcours du pipeline, le scénario qui a conduit à l’arrêt de l’oléoduc risque de se répéter. » La baisse du prix du pétrole et une demande mondiale en berne jouent également en défaveur des finances publiques sud-soudanaise, dépendantes à plus de 90 % de l'or noir.

Le Kenya attire de plus en plus d'entreprises françaises
17 November 2024
Le Kenya attire de plus en plus d'entreprises françaises

À Nairobi, l’évènement Inspire & Connect, organisé par Bpifrance, la Banque publique d’investissement française, s’est tenu vendredi novembre 2024. La journée a réuni quelques centaines d’investisseurs et décideurs économiques africains et français. Cela dans l’objectif de développer des partenariats entre entrepreneurs des deux pays et encourager les entreprises françaises à s’implanter dans la région.

De notre correspondante à Nairobi,

À Nairobi, entre panels de discussions et ateliers thématiques, les participants échangent, se rencontrent. Une délégation de huit entreprises françaises est au Kenya pour l’occasion. Parmi elles, Matières, spécialisée dans la fabrication et la conception de ponts modulaires métalliques. Elle est déjà présente en Afrique de l’Ouest et Centrale. Vincent Lerond son responsable de secteur est venu à Nairobi avec une ambition : « Essayer de décrocher un marché un peu plus conséquent avec ce qu’on appelle un lot de ponts. Plutôt que de livrer un seul pont, c'est monter un projet avec les autorités kényanes avec un ensemble de ponts. Donc, on est intéressés effectivement à se développer sur l’Afrique de l’Est. Et le Kenya est vraiment une bonne porte d’entrée pour des pays comme la Tanzanie, l’Ouganda. »

En 2020 déjà, le président français Emmanuel Macron appelait les entreprises françaises à s’implanter au Kenya. L’intérêt est croissant, elles sont aujourd’hui 140 dans le pays, contre 35 en 2012. Dans une grande diversité de secteurs : énergie, grande distribution ou encore agriculture.

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« Des profondeurs de marché exceptionnelles » en Afrique de l'Est

Pour Yves Battesti, responsable Afrique de l’Est pour Bpifrance, les opportunités dans la région sont encore trop méconnues. « C’est vrai que, lorsque l’on discute avec les entreprises françaises que Bpifrance accompagne, chaque année en France, celles qui sont exportatrices en Afrique ont surtout l’habitude de prospecter les géographies ouest-africaine. Et cela a trait probablement à la facilité d’accès de marché, pour ces entreprises françaises, du fait de la proximité linguistique, de la devise également naturellement et de tout un ensemble de facteurs. Ce qu’on a identifié, il y a plusieurs mois en Afrique de l’Est, c’est qu’il y a des profondeurs de marché qui sont tout aussi exceptionnelles, ajoute Yves Battesti. Quand on regarde les taux de croissance consolidés de l’ensemble des pays d’Afrique de l’Est, il est supérieur au taux de croissance consolidé de l’ensemble de l’Afrique subsaharienne. Cette croissance tire les opportunités de marché pour entreprises kényanes, entreprises françaises. »

 Financer les industries locales 

Des opportunités dans les domaines de la tech, de l’énergie et des transports notamment. James Mwangi, directeur général de la banque kényane Equity Bank, y voit aussi un atout pour les industries locales. « Depuis 60 ans, l’Afrique exporte principalement des matières brutes. Pourquoi est-ce qu’on n’utiliserait pas la technologie, les connaissances et les capitaux français pour ajouter de la valeur aux produits africains ? Que ce soit le thé, le café ou le cacao. »

Un protocole d’accord vient justement d’être signé entre Bpifrance et Equity Bank pour cofinancer des partenariats entre les entreprises des deux pays.

La banane africaine entre concurrence latino-américaine et exigences salariales
14 November 2024
La banane africaine entre concurrence latino-américaine et exigences salariales

Plus de 85 % des bananes produites en Afrique sont exportées vers l’Europe, mais elles font face à la concurrence des bananes d’Amérique latine, qui dominent le marché. La hausse des coûts et la pression des grandes surfaces aggravent la situation, rendant difficile la rentabilité des producteurs africains. Récemment, à Abidjan, les acteurs de la filière se sont réunis pour trouver des solutions en faveur des travailleurs.

De notre correspondant à Abidjan,

La Côte d’Ivoire, le Cameroun et le Ghana, les trois piliers de la production africaine de bananes, luttent pour renforcer leur présence sur le marché européen. Depuis longtemps, ils se retrouvent face à la concurrence écrasante des géants latino-américains, qui dominent largement ce secteur. « Nous sommes face à des géants qui produisent 15 millions de tonnes, alors que nous, les trois pays ensemble, arrivons à produire 600 000 tonnes, souligne Jean-François Billot, secrétaire général d’Afruibana, une organisation qui réunit des producteurs et exportateurs du continent. Ils sont plus de 25 fois plus gros que nous et pourtant, entre 2015 et 2023, nous, en Côte d'Ivoire, avons réussi à porter notre part de marché de 4,4 à 5,1 dans l’Union européenne », se félicite-t-il.

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Valeur réelle en chute de 20 %

Pourtant, les marges restent faibles. Les bananes africaines, conformes aux normes strictes de qualité, sont achetées à bas prix, notamment par rapport à d’autres fruits. « Nous produisons une banane propre et pourtant, c’est le fruit le moins cher sur les étals, déplore Jean-Marie Kakou-Gervais, président de l’Obam-CI (Organisation des producteurs exportateurs de bananes en Côte d’Ivoire). Une pomme produite en Normandie et vendue à Paris coûte deux à trois fois plus cher que notre banane, qui parcourt des milliers de kilomètres dans des conditions de transport techniques contraignantes. »

Vers un salaire décent en Côte d’Ivoire

Malgré ces difficultés, la Côte d’Ivoire, premier producteur africain avec 382 000 tonnes de bananes par an, s’engage à améliorer les conditions de vie des 13 000 travailleurs du secteur. En septembre dernier, un accord a été signé pour harmoniser les pratiques salariales et instaurer un salaire décent d’ici à 2026. « Avec l’inflation, le salaire actuel ne nous permet plus de vivre convenablement, juge Koffi Blaise, président de la Fédération des travailleurs de la filière. Nous réclamons un salaire qui nous assure une vie décente. Il est temps que producteurs et travailleurs se mettent à la table des négociations. »

En huit ans, la valeur réelle du kilo de banane a chuté de 20 %. Pour certains producteurs et exportateurs, l’instauration d’un salaire décent reste conditionnée à une revalorisation du prix d’achat sur le marché européen.

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Afrique du Sud et COP29: trois ans après le partenariat pour une juste transition, des progrès assez lents
13 November 2024
Afrique du Sud et COP29: trois ans après le partenariat pour une juste transition, des progrès assez lents

Lors de la COP26, le premier JETP (Partenariat pour une transition énergétique juste) voyait le jour : un partenariat où les pays occidentaux s'engageaient à soutenir financièrement la transition énergétique sud-africaine à hauteur de 8,5 milliards de dollars (8 milliards d’euros). La somme promise atteint désormais près de 13 milliards de dollars, selon la Commission présidentielle pour le climat, avec des engagements additionnels d’autres pays. Mais les défis sont encore nombreux à surmonter.

De notre correspondante à Johannesburg,

Depuis le premier JETP, un plan d’investissement a vu le jour, estimant à plus de 90 milliards d’euros les besoins afin de réaliser une transition énergétique d’ici à 2027. Outre que la somme du partenariat initial est donc loin du compte, et qu’elle est constituée principalement de prêts et non de subventions, la distribution des fonds est aux yeux des autorités sud-africaines trop compliquée. « Chaque pays amène de l’argent de façon séparée, déplore Joanne Yawitch, qui gère le financement des projets au sein de la présidence. Ce n’est pas comme si on avait directement accès à une somme globale. Les contributions britanniques sont accordées de telle façon, les contributions américaines à travers un autre mécanisme, et pour d’autres objectifs… On a affaire à un ensemble d’investissements assez complexe, avec chaque pays qui utilise sa méthode habituelle de financement avec l’Afrique du Sud. »

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Les citoyens ne sont pas consultés

Du côté de la société civile, on regrette déjà un manque de transparence au niveau de la distribution des subventions, mais aussi lors du choix des trois volets prioritaires — décarbonation de l’électricité, véhicules électriques et hydrogène vert. « Je pense qu’il y a eu beaucoup de scepticisme du fait que les secteurs prioritaires aient été sélectionnés avant d’avoir consulté les citoyens, constate Leanne Govindsamy, du Centre pour les droits environnementaux (CER). Par exemple, pour l’instant, en ce qui concerne les subventions, il y a eu davantage d’argent dépensé pour le secteur de l’hydrogène vert que pour le développement de nouvelles compétences. On peut donc se questionner sur ces choix, et se demander si les pays donateurs viennent avec leurs idées prédéterminées ou s’ils écoutent pour savoir ce qui peut fonctionner le mieux en Afrique du Sud. »

Un abandon du charbon qui est difficile

Après de nouvelles consultations, un plan d’action a finalement inclus d’autres volets à financer. Mais depuis, Pretoria a aussi décidé de retarder de six ans la mise hors service d’au moins trois de ses centrales. Il n’est pas évident pour le pays, qui produit près de 80 % de son électricité à base de charbon, d’effectuer une transition rapide. « Nous avons eu des problèmes de pénurie d’énergie en Afrique du Sud, explique Seutame Maimele, de l’institut de recherche TIPS (Trade and industrial policy strategies). Donc, la question de la sécurité énergétique est un sujet-clé. Et on sait aussi qu’il y aura beaucoup de travailleurs de la filière du charbon qui seront touchés, surtout dans la région du Mpumalanga. En tout, on parle de 150 000 à 200 000 emplois qui dépendent de la filière. »

Juste en amont de la COP29, l’Agence française de développement (AFD) a annoncé un déblocage de 400 millions d’euros, un prêt qui fait partie des promesses de la COP26, et qui devrait servir à soutenir les dimensions « justes » de la transition. Mais l’exemple raté de la transformation du site de la centrale de Komati, projet financé par la Banque mondiale et qui n’a que peu profité aux populations locales depuis 2022, renforce les doutes des communautés sud-africaines vivant du charbon.

Beaucoup d’autres questions restent en suspens, comme le choix du futur mix énergétique du pays. Mais le plus gros pollueur du continent sera bien obligé de transformer ses moyens de production, s’il veut continuer à exporter vers l’Europe malgré la taxe carbone aux frontières.

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RDC: la guerre fait grimper les prix de l'alimentation sur les marchés de Goma
12 November 2024
RDC: la guerre fait grimper les prix de l'alimentation sur les marchés de Goma

Dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), suite aux offensives des rebelles du M23, le prix des denrées alimentaires a grimpé dans la ville de Goma, chef-lieu du Nord-Kivu, qui compte plus d'un million d'habitants. Les aliments les plus consommés, comme les pommes de terre et les haricots, ont vu leur prix doubler sur les marchés de Birere et Kituku, dont dépendent les Gomatraciens.

De notre correspondant à Goma,

Au marché des produits vivriers de Birere, les commerçants se plaignent du manque de clientèle. Mais aussi des taxes imposées par les groupes armés, qui ont fait grimper les prix en RDC. « Cette qualité de haricots multicolores se vend à 65$ par sac, le haricot rouge à 70$, un sac de pommes de terre se négocie à 95$ ! », observe l'un d'eux, Bahufite Ntihemuka.

En raison de la baisse de la production dans les régions de Masisi, Rutshuru et de la fermeture des routes, les produits vivriers sont de plus en plus rares à Goma. Grossiste en pommes de terre sur ce marché de Birere, Neema Ngarukiye a du mal à écouler sa marchandise, trop chère, et a aussi du mal à se la procurer : « Avant la guerre, je déchargeais dix camions par jour. Aujourd'hui, je ne parviens même pas à vendre un camion. »

Doublement des prix sur les marchés

Haricots, légumes, pommes de terre, les aliments les plus consommés à Goma ont vu leur prix doubler. Cette inflation nuit au pouvoir d'achat des familles. Assise sur une pierre volcanique devant son petit commerce d'habits féminins dans le quartier Ndosho, à l'ouest de Goma, Céline Mbuhu affirme qu'aujourd'hui, elle a des difficultés à nourrir ses enfants :

« Nous vivons difficilement à cause de la guerre du M23. Auparavant, même avec mes sept enfants, je pouvais facilement m'approvisionner pour le repas du soir avec 5 000 francs congolais [1,7$]. Aujourd'hui, c'est quasiment impossible. »

Bananes et charbon traversent le lac Kivu

Depuis l'avancée des rebelles du M23 qui ont encerclé la ville de Goma, l'approvisionnement en vivres est devenu un casse-tête. À une dizaine de kilomètres, au bord du lac Kivu, le marché de Kituku est devenu le seul espoir pour la survie de Goma. Les produits alimentaires quittent le territoire de Masisi, Minova et Buzi-Bulenga, dans la province du Sud-Kivu, et ils arrivent en masse chaque lundi et jeudi, jours de marché. Zawadi Emilliane est une commerçante qui traverse le lac Kivu, pour y vendre ses bananes plantains :

« J'amène au moins dix régimes de bananes et si je gagne beaucoup, j'obtiens 10 000 francs CFA », se félicite-t-elle. Même le charbon, qui venait de Masisi et Rutshuru, provient désormais de Kalehe. « Il y a beaucoup d'activité au marché de Kituku, observe son président Chance Kanane. Les ventes de charbon de bois peuvent dépasser les 5 000 sacs le lundi et le jeudi, jours de marché. »

En attendant la fin de la guerre et la réouverture de la route Goma-Sake-Minova, la voie maritime sur le lac Kivu est devenue capitale pour approvisionner la population de Goma, grossie par les déplacés des alentours.

Congo-Brazzaville: projet de barrage à Sounda pour doper l'offre d'électricité
12 November 2024
Congo-Brazzaville: projet de barrage à Sounda pour doper l'offre d'électricité

Le Congo s’apprête à lancer les travaux de construction d’un nouveau barrage, celui de Sounda, dans le sud du pays. Le but est d’augmenter l’offre d’électricité dans un pays qui connaît d’importantes coupures et un faible taux d’industrialisation.

De notre correspondant à Brazzaville,

La rivière Sounda abritera ce nouveau barrage, dont le coup d’envoi des travaux de construction sera donné en janvier 2025. Il est situé dans le Kouilou, la région qui abrite Pointe-Noire, la capitale économique du Congo. Les travaux s’étaleront sur cinq ans et seront réalisés par l’entreprise chinoise China Overseas Company Limited. La production attendue est entre 600 et 800 mégawatts. « C’est un barrage, un grand ouvrage de travaux publics et même de grands travaux, commente Thierry Moungalla, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement. Il a un coût élevé qui peut tourner autour de 1 300 milliards de FCFA [plus de 1,9 million d’euros]. Les mécanismes de financement sont huilés avec les grands partenaires que sont nos amis chinois », indique-t-il.

Préfinancement chinois

En cette période de restructuration des dettes africaines, le recours au préfinancement chinois a probablement eu la faveur des autorités congolaises, estime l’analyste économique Alphonse Ndongo. « Par ces temps d’assèchement financier au Congo, je ne vois pas où est-ce que le gouvernement peut trouver des fonds pour financer la construction de cet important barrage. C’est un préfinancement chinois et je pense qu’il doit s’asseoir sur le modèle qu’on appelle build-operate-transfer, qui veut simplement dire que vous construisez, vous exploitez et cela vous permet de vous faire rembourser selon une période de concession que l’État va certainement trouver entre lui et l’opérateur chinois ».

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Attirer les investisseurs

Officiellement, le Congo produit déjà 720 mégawatts, mais une bonne partie se perd dans le réseau de distribution, mal entretenu, selon les spécialistes. La production de Sounda s’ajoutera à cette puissance. « Cela va doper l’offre de fourniture d’énergie aux ménages, anticipe Alphonse Ndongo. Mais aussi, dans un contexte où l’on parle d’industrialisation, à l’orée de la Zlecaf [Zone de libre échange continentale africaine, Ndlr], c’est-à-dire le marché de libre échange, il faut bien que le Congo ait des propositions en matière d’industrie à faire ».

« L’électricité est un facteur important, renchérit Mermans Babounga de l’Observatoire des droits des consommateurs. Et, si on veut attirer les investissements directs étrangers, il faut que l’offre d’électricité soit suffisante dans le pays. Donc, nous avons bon espoir qu’avec la construction du barrage de Sounda, le pays va attirer de gros industriels qui viendront investir dans le pays. Et, cela va participer à créer des emplois que les jeunes attendent ».

Le Congo produit déjà plus d'électricité que ses besoins en consommation locale. Mais il en exporte une partie et son réseau électrique n’est pas suffisamment développé pour desservir l'ensemble de la population.

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Au Sénégal, la transformation de la noix de cajou en difficulté
11 November 2024
Au Sénégal, la transformation de la noix de cajou en difficulté

Au Sénégal, c’est une année noire pour les transformateurs de noix de cajou et cette industrie balbutiante. Alors que plusieurs entreprises agro-industrielles locales ont misé sur le secteur de l’anacarde, espérant reproduire le succès ivoirien, c’est tout l’inverse qui se passe cette année. Entre hausse des prix de la matière première et une mauvaise récolte, quasi l’intégralité des entreprises de transformation de la noie de cajou risque de mettre la clef sous la porte.

Avec notre envoyée spéciale en Casamance,

« Ici, on est au département du décorticage ». Iman Drame, directeur d’une usine de transformation de noix de cajou, nous guide dans son entrepôt. À sa gauche, un tapis roulant, une machine à trier, mais depuis le mois de mai dernier, tout est à l’arrêt. « Nous sommes en arrêt de production faute de matière première parce que cette année la matière première a été très chère, il y a eu des spéculations, ce qui fait que nous n’avons pas pu acheter pour pouvoir travailler », explique-t-il.

Cet entrepreneur de 54 ans, qui a monté son entreprise à Ziguichor en 2004, décrit le cercle vicieux auxquels font face les transformateurs de cajou. Une mauvaise récolte, 50, voire 60% de cajou en moins cette année suite à des vents chauds au moment de la floraison, avec pour résultat des noix de cajou devenues impayables voire inaccessibles. Car elles sont vendues au prix fort à la concurrence étrangère plutôt qu’aux entreprises de transformations sénégalaises. Iman Drame a dû mettre huit employés au chômage technique et interrompre le contrat de 90 journalières.

« Cela a des conséquences très lourdes »

Pour Jacques Birham Seck, à la tête d’Ethicajou, un transformateur équitable à 180 km de là, près de Kolda, c’est encore pire. « C’est le licenciement pour motif économique pour les 19 permanents que nous avions, mais également pour la centaine de femmes qui intervenaient comme journalières dans les différentes sections de la transformation. Elles aussi ont été obligées d’être arrêtées », regrette l’entrepreneur. « Donc cela a des conséquences très lourdes d’un point de vue socio-économique, surtout dans une des régions les plus pauvres du Sénégal où il n’y a presque pas d’industrie de transformation qui embauche autant », souligne-t-il encore.

En cause, l’absence de mesures protectionnistes pour éviter que les producteurs de cajou ne vendent au plus offrant ailleurs, estime Boubacar Konta. « C’est l’État qui a la capacité de faire la régulation, dans tous les pays où le cajou a eu vraiment un succès, c’est avec l’implication de l’État qui a pris des mesures comme des mesures d’agrément pour connaître quels sont les exportateurs, et qui fait quoi », analyse le président de l’Interprofession cajou du Sénégal.

Un plaidoyer sur le modèle de la Côte d’Ivoire a été transmis aux autorités. Parmi les demandes, celle d’imposer une taxe aux exportateurs pour encourager ces derniers à vendre en priorité aux transformateurs sénégalais. Le gouvernement promet d’appliquer la mesure pour la saison l’année prochaine. D’ici là, les entreprises se serrent la ceinture pour réussir à tenir sans mettre définitivement la clef sous la porte.

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