Pierre Salagnac, l'artisan d'art qui sculpte le bronze comme un enfant

Pierre Salagnac, l'artisan d'art qui sculpte le bronze comme un enfant

RFI
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Les journées européennes des métiers d'art, se terminent ce dimanche 7 avril. À cette occasion, nous vous faisons découvrir l’atelier de Pierre Salagnac, sculpteur et bronzier d’art à Paris. Pierre Salagnac maitrise les trois savoir-faire spécifiques qui composent le métier de bronzier : le montage, le tournage et la ciselure. Ses œuvres les plus emblématiques et qui l’ont fait connaitre : les bonzaïs de bronze qui voyagent aux quatre coins du monde.

Bonzaïs, mobilier, luminaires ou bijoux, ils sont dessinés, tournés, ciselés et montés par Pierre Salagnac qui est à la recherche de la forme présente dans la matière.

La création est importante parce que je peux me permettre, en dessinant, de fabriquer des choses qui correspondent à mon métier, parce que j’ai certaines contraintes et je ne peux pas tout faire. Je peux faire beaucoup, mais pas tout.

Pierre Salagnac, sculpteur et bronzier d’art.

Le fait de dessiner moi-même les pièces, m'amène à pousser un petit peu mes limites, à m'amuser un peu plus. La création, pour moi, c'est vraiment un grand, grand pas vers la liberté. Et puis, de ce fait, c'est un peu nouveau tous les jours.

Né à Rouen, Pierre Salagnac est le troisième enfant d’une fratrie de quatre. Passionné de dessin, à 14 ans, il suit le chemin de ses ainés et passe le concours de l’école Boulle, l’une des plus grandes écoles d’art et de design en Europe. Pendant ses cinq ans de formation, son attirance pour le bronze lui est transmise par un enseignant. « Quand nous arrivons à l'école Boulle, nous faisons le tour des ateliers pour découvrir les différentes techniques. Il y a l'ébénisterie, la sculpture, la ciselure, la gravure. Je suis tombé complètement en amour du professeur et j'ai remis mon avenir entre ses mains. »

« J'ai essayé de quitter plusieurs fois le bronze parce que la vie vous amène à découvrir d'autres choses et par curiosité. J’ai, donc, un peu taillé la pierre, travaillé des résines. J’ai tenté plusieurs choses et je ne saurais pas forcément l'expliquer, mais le bronze est toujours revenu à moi, ou il s'est souvent imposé à moi. Dans certaines situations où les choix devaient pouvoir me permettre de choisir une voie différente, le bronze s'est totalement imposé. À chaque fois, j'ai enchainé de nouvelles aventures, de nouvelles rencontres et le bronze qui était là et qui était là. En fait, je suis ravi et je m'y plais énormément.»

Mobilier, luminaires, bonzaïs, bijoux, Pierre Salagnac fait émerger l’objet depuis la matière. Son processus créatif prône l’abandon du geste. « Être sur l'écoute de la matière, qui elle, par sa vibration, va donner des informations aux outils. Les formes naturellement vont commencer à se sculpter. La forme qui va en sortir va être beaucoup plus naturelle que si j'avais essayé de contrôler ou essayer de maîtriser. Derrière, il y a beaucoup de techniques, parce que ce sont des pièces néanmoins compliquées à réaliser, mais il faut absolument que la technique ne soit pas le guide sur le geste et l'exécution parce que sinon nous perdons complètement le côté naturel. »

« C'est une expérimentation que j'ai commencé à faire il y a dix ans quand j'ai fait mon premier bonsaï, je me suis rendu compte que les formes qui naissaient de cette méthode m'apportaient beaucoup plus de poésie et d'élégance et même de surprise que d’autres pièces. Il y a une pièce, au fond de l'atelier, que je garde en souvenir du "n'oublie pas que ce n'est pas toi qui contrôle les formes". Les formes dans la volonté, la maîtrise ne sont pas justes, elles sont pauvres. Pour moi, c'est une voie sans issue. »

Après plus de vingt ans au sein des plus grands ateliers de bronze en France, et fort de cet apprentissage, Pierre Salagnac se lance en autonome, en 2019. Pour ce sculpteur bronzier d’art, il y a plusieurs façons de travailler le bronze. « Notre métier, c'est de faire des pièces montables-démontables, donc, pérennes puisqu'on peut les restaurer, à souhait. C'est la particularité de nos métiers, de fabriquer des objets qui puissent se démonter pour pouvoir être restaurés. Le bonsaï que je fais, toutes les feuilles sont vissées une à une avec un pas de vis type d'horlogerie qui sont des techniques plutôt délicates parce que la matière s'y prête assez difficilement. Il y a beaucoup de casse et c'est assez méticuleux. En termes de technique, les pièces sont totalement démontables, ce qui permet de faire les feuilles en or et le tronc d'une autre couleur en patine à chaud ».

« J’ai utilisé plusieurs techniques comme la ciselure pour révéler toutes les formes en sculpture. Je vais utiliser beaucoup le chalumeau pour faire des brasures, pour faire des soudures, pour faire des cintrages. Parfois, je vais utiliser des fraises qui vont me permettre d'aller sculpter dans la matière et aller chercher justement la forme qui est cachée dedans. Je vais pouvoir utiliser aussi après tous les traitements de surface comme la dépose d'or, la dépose d'argent et les patines à chaud qui vont me permettre d'avoir différentes couleurs et pouvoir jouer un petit peu sur les styles des pièces finies ».

Adepte du bronze poli, Pierre Salagnac nous dévoile cette technique. « Je n'applique pas de vernis, je n'applique pas de dorure, je ne le recouvre pas. Aujourd'hui très très dangereux parce que la fonte a beaucoup évolué d'un point de vue des normes. À une époque, il y avait du plomb dans la fonte, plus maintenant. Ce qui fait que la fonte coule beaucoup moins qu'avant, elle est moins liquide, plus visqueuse et donc elle a de ce fait beaucoup de défauts qui ressortent. Les fontes sont piquées, c'est-à-dire qu'il y a des bulles d'air emprisonné dans la fonte, cela fait comme un gruyère. Aujourd'hui, c’est rebouché et puis il y a un revêtement par-dessus, une finition qui refait une enveloppe. »

« Moi, je prends le parti du polissage, je les polis miroir et les pièces sont brutes. Le bronze a la même possibilité qu'une planche de bois non vernie, celle de prendre la lumière, de vieillir, cette couleur qui va aller vers une sorte de maturité et donner du relief, de la vie. Cela se nettoie. J’'aime beaucoup l'empreinte de la vie sur la matière. »

Il n’y a pas d’âge pour découvrir les métiers d’art, l’atelier de Pierre Salagnac participe aux journées européennes des métiers d’art, les JEMA, car former les mains de demain est essentiel pour que les savoirs faire ne tombent pas dans l’oubli. « La mission que nous avons en tant qu'artisan, en tout cas, dans nos métiers plutôt rares. Notre mission, c'est n’est pas seulement de faire bien notre travail, c'est aussi de le transmettre. L'enseignement continue à se faire à l'école. Forcément, les élèves ressortent de l'école avec des bagages que n'auront pas d'autres élèves qui viendraient sûrement après le bac ou qui auraient moins de temps pour cette formation. »

« J'ose espérer pendant les JEMA la présence de parents. J'aurai mon fils de onze ans qui sera là, qui montrera aux gens qu'il sait sculpter aussi le métal et que tout le monde peut le faire. Il suffit de s'y mettre. J'espère qu'il y aura des parents qui pourront se dire "tiens, mon enfant pourrait suivre cette formation pour apprendre à travailler de ses mains" et peut-être même des enfants. Aux JEMA, je fais passer les jeunes devant l'établi, ils essayent de sculpter. Il se passe plein de choses vu que l'enfant n'est pas du tout dans la technique. Ils font des formes superbes parce qu’ils ne peuvent qu'être à l'écoute de la matière et cela marche très bien. »

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