En lien avec la 3ᵉ Conférence des Nations unies sur l’Océan qui se tient dès demain et jusqu’au 13 juin, à Nice, l’innovation et l’engagement de Jérémy Lucas. Ce créateur hors normes repense le rapport à l’océan et à ses déchets. Sa marque Paradoxal Surfboards, basée en Bretagne, est spécialisée dans la réalisation de planches de surf écoresponsables fabriquées à partir de matériaux biosourcés issus de déchets marins, tels que les algues vertes d’échouage et les cordages recyclés.
Avec sa planche de surf nouvelle génération, Jérémy Lucas veut réduire l’impact environnemental de l’industrie du surf tout en proposant des produits performants et esthétiques. Ces créations combinent savoir-faire et imagination avec la nécessité de préserver concrètement les océans. « Tout est beau dans le surf. On passe une bonne session, sur une belle plage, aux beaux couchers de soleil ! Le rapport au sport change, les questions d'ordre environnemental, pour notamment la nouvelle génération, c'est quelque chose qui est déjà ancré chez eux et dès le plus jeune âge. Nous commençons à voir des champions et des championnes, qui surfent depuis un petit moment, qui veulent tourner la page de cette vieille industrie du surf et passer à l'étape d'après. Nous sommes quelques " makers " en France et dans le monde, nous ne sommes pas nombreux, nous nous connaissons tous, via les réseaux sociaux, à être force de proposition, à travailler dans ce sens : d'essayer de participer à quelque chose de plus vertueux, de plus respectueux sur cette industrie », détaille Jérémy Lucas, fondateur de Paradoxal Surfboards
« Paradoxal, au final, cela fait sens à tous les étages. Du paradoxe du surfeur, cette personne qui a cette conscience environnementale du fait de sa pratique, mais pas d'autre choix que d'utiliser du matériel fait à base de pétrole. Ce qui est paradoxal aussi, c'est le fait que nous utilisons un déchet trouvé dans l'océan, l'algue, qui est une non-désirable. Les algues, cela pue, colle et c'est moche. Venir sublimer ce déchet, lui apporter des lettres de noblesse à travers un design soigné d’un objet qui va retourner dans l'océan. Et l'autre paradoxe, c'est que, en fin de compte, moi, je ne suis ni designer, ni chimiste, je n'ai jamais stratifié une planche de surf de ma vie, il n'y avait encore pas très longtemps. Et pourtant, je propose un projet qui fait déjà parler dans l'industrie du surf. C'est assez paradoxal aussi. »
Jérémy Lucas est originaire de Bretagne. Après un parcours académique en techniques de commercialisation, management de projet et entrepreneuriat, il travaille dans différents établissement publics, privé ou associatifs. Il se définit comme pluridisciplinaire, polycompétent et passionné de surf. Lors d’un voyage en Australie, Jérémy Lucas a l’idée d’utiliser les algues qui polluent les plages, comme matière première pour fabriquer des matériaux innovants et lancer son projet de planches de surf en matériaux recyclés et biosourcés. « Je me renseigne pour faire un bioplastique comme l'amidon de maïs, mais à partir de l'algue. Techniquement c’est possible, mais qu’économiquement et écologiquement parlant, c'est un non-sens. C'est comme recycler du papier, c'est-à-dire qu'aujourd'hui il vaut mieux faire pousser des arbres, les abattre et faire du papier avec, plutôt que de recycler du papier au coût énergétique énorme pour le faire. Il fallait, donc, que je trouve un autre acteur capable aussi de me renseigner sur comment travailler sur ces matières premières. »
« Très rapidement, je me tourne vers des acteurs économiques, des industriels du coin qui eux, travaillent sur le sujet des algues vertes. Il y a une entreprise Olmix, à Bréhan, je suis parti à leur rencontre après plusieurs échanges et puis je leur ai demandé de me donner une vingtaine de kilos de leur matière première. à partir de cette matière première, je suis retourné voir le laboratoire et je leur ai demandé si je pouvais en faire du fil à impression 3D, comme techniquement c'est un petit peu compliqué parce qu’il fallait y rajouter un liant. Et c'est là qu'on me souffle une idée : ‘"Mais pourquoi pas se servir d'un autre déchet issu de l'océan ou des acteurs qui travaillent aussi dans le milieu maritime ?" Quand les bateaux reviennent après une course au large type Vendée Globe par exemple, tout ce qui est cordage est déclassé, cela ne sert qu'une fois. Nous pouvons tout à fait récupérer ce cordage fabriqué pour résister aux UV, à l'eau de mer, à la traction, qui a des bonnes propriétés mécaniques. Cette matière première est abondante en kilomètres, mélangé à la poudre d'algues vertes, nous avons réussi à en faire un matériau thermoformable en impression 3D. »
Jérémy Lucas a remporté plusieurs concours internationaux, notamment, le premier en 2023, l’Ocean Pitch Challenge (un prix qui récompense les solutions à impact positif pour l’océan), l’année même où il lance sa marque Paradoxal Surfboards. Il a à cœur d’intégrer des matériaux durables pour remplacer ceux issus de la pétrochimie. Sa démarche écologique, responsable et innovante est adaptable à d’autres champ d’application. « Je suis davantage un militant plutôt que quelqu'un d'ultra compétent et de très ancré déjà dans le circuit de l'industrie du surf. C'est en partageant cette volonté de rendre cette industrie plus propre, que des gens qui se reconnaissent dans ces valeurs me font rencontrer des gens qui sont très intéressés sur ces sujets là. Il y en a divers. Il y a les méthodes de fabrication sur l'impression 3D, mais cela peut être aussi dans le cadre vraiment de l'industrie du surf, le cas de la revalorisation des matériaux et de l'économie circulaire. C’est pluridisciplinaire et c'est en même temps aussi, il faut faire preuve d'ouverture d'esprit. Il ne faut pas se fermer non plus à certaines propositions. Je ne m'interdis rien, je ne me mets pas de barrières sur certains sujets. Bien au contraire, je suis toujours ouvert à la discussion. Moi aussi, j'ai des croyances et peut-être certains blocages sur des sujets. Mais je suis toujours très ouvert et très curieux de nature. Le projet avance doucement d'une part, mais sûrement aussi. Il est validé avec de bons partenaires très techniques et c'est ce qui donne aussi du sérieux, de crédibilité au projet. Aujourd'hui, quand vous voyez l'ensemble des partenaires qui gravitent de près ou de loin autour du projet, cela donne du corps un peu au projet. »
Au cœur du projet de Jérémy Lucas : la valorisation des déchets issus de la mer, qui deviennent une ressource précieuse pour la fabrication durable de matériel sportif. Un objet plus respectueux des océans mais pas seulement. « J'ai la chance d'avoir un oncle qui est le premier à avoir fabriqué des planches de surf à partir de fibres de lin, en remplacement de la fibre de verre. J'avais une planche qui n'était pas faite comme les autres et je peux vous assurer qu'à partir du moment où vous avez une planche qui n'est pas faite comme les autres, qui est assez exclusive, vous avez un rapport au sport qui est différent lui aussi. À partir du moment où vous avez quelque chose de différent sous les pieds ou sous le bras, vous allez avoir un rapport différent au sport. En plus de cela, quand c'est biosourcé, vous avez un autre rapport aussi à la nature. Cette expérience ne fait que renforcer le lien que vous pouvez avoir avec la nature et le sport. Le surfeur, l'amoureux de la nature, de l'océan et qui n'a pas d'autre choix que d'utiliser du matériel fait à base de pétrole. Là, l'expérience change, à partir du moment où on commence à surfer avec quelque chose de beaucoup plus éco-responsable et un objet chargé d'histoire. C'est cette émotion que j'aimerais retranscrire. Au-delà d'une œuvre d'art fonctionnelle 4.0, c'est l'expérience utilisateur ou l'utilisatrice qui m'intéresse beaucoup. J'ai hâte d'avoir les premiers retours clients utilisateurs sur l'expérience qu'ils vont avoir à l'eau avec ce genre de matériel. »
En créant en 2023 Paradoxal Surfboards, Jérémy Lucas s’est lancé dans une aventure passionnante. Il collabore avec des laboratoires, des entreprises bretonnes, pour développer une impression 3D à partir d’algues, mais aussi de cordages de bateaux ou de filets de pêche recyclés. Ensemble, ils développent des matériaux composites, testent des mélanges, et fabriquent des prototypes. « C'est la partie recherche et développement, c’est-à-dire creuser le sujet, nous ne savons pas que c'est impossible de le faire. Alors nous y allons ! Nous tentons. C’est une expérience très enrichissante parce que partir de rien, c'est à dire moi à la base, je ne suis ni chimiste, ni ingénieur, ni designer industriel et je n’ai jamais fabriqué de planche de surf de ma vie. Quand vous partez d'une page blanche vierge, il y a tout à construire. Ce qui est intéressant c'est aussi c'est de déconstruire les a priori ou les croyances que nous pouvons avoir sur une manière de fabriquer des planches et de tout revoir. Revoir les matériaux, la manière de fabriquer les planches, les partenaires aussi. Travailler avec des industriels qui font de la farine animale à partir d'algues d'échouage, pour de la fabrication d'équipements sportifs nautiques. »
«Tout cela fait avancer l’industrie du sport, fait naître de nouvelles idées. Plus je partage ce projet, plus cela crée de connexions. Ce projet ce n'est que du partage de connaissances et du faire ensemble. C'est très énergisant, énergivore quelque part aussi, mais très énergisant de se lever le matin en se disant que nous allons participer à rendre l'industrie du surf un peu plus responsable encore qu'elle ne l'est déjà, parce qu'elle l'est déjà, mais un peu plus responsable de nos océans et de leurs usagers par la même occasion. »
Jérémy Lucas s’inspire des formes nanométriques d’algues, pour concevoir le design de sa planche de surf nouvelle génération à la fois performante et esthétique.« J'accorde une importance capitale au design. Cette planche a été designée avec une notion de bio-mimétisme, je me suis inspiré d'une algue diatomée, qui est une algue qu'on retrouve un peu partout dans le monde, mais à l'échelle nanométrique, avec ses formes concentriques. J'étais fasciné par ces formes. Et puis à l'échelle, cette fois-ci microscopique, j'ai vu que cela ressemblait à une planche de surf, je suis donc parti de ce constat pour devenir designer la structure en forme circulaire de la planche de surf. Nous avons ensuite, réfléchi à un système de sphères qui s'auto maintiennent les unes par rapport aux autres, nous avons donc une résistance mécanique très accrue du design visuel basé biomimétisme par la nature. Nous avons réussi à en faire une efficience structurelle, c'est à dire à utiliser peu de matière et avoir quelque chose de très solide et, donc, des planches très durables. »
Avec Paradoxal Surfborads, Jérémy Lucas, souhaite fédérer une communauté engagée, promouvoir une pratique sportive respectueuse de l’océan, et inspirer d’autres industries à suivre cette voie écoresponsable. « Sans incriminer l'utilisateur final parce que souvent on a tendance à incriminer l'utilisateur final, mais ce sont les industriels qu'il faut pointer du doigt. Je veux dire quelque part aujourd'hui, les grandes marques, les très grandes marques, ont beaucoup plus de moyens que moi ! Peut-être pas la même volonté, mais plus de moyens techniques, humains et financiers afin de rendre l'industrie plus verte. Et ils ne le font pas ! Ils ne le font pas depuis des années parce qu'il y a un intérêt très fort économiquement derrière tout cela. C'est parfois là qu'il est le combat du militant. C'est de pouvoir faire un peu ce bras de fer : de montrer que même seul, je suis capable de faire mieux que les plus grands. Et quand je dis mieux, ce n’est pas vendre plus, faire plus de chiffre d'affaires, etc. C'est d'apporter beaucoup plus de valeur ajoutée à ce qui proposé à nos clients. »
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