[3] Périsse le jour où je suis né, Et la nuit qui dit: Un enfant mâle est conçu!
[4] Ce jour! qu'il se change en ténèbres, Que Dieu n'en ait point souci dans le ciel, Et que la lumière ne rayonne plus sur lui!
[5] Que l'obscurité et l'ombre de la mort s'en emparent, Que des nuées établissent leur demeure au-dessus de lui, Et que de noirs phénomènes l'épouvantent!
[6] Cette nuit! que les ténèbres en fassent leur proie, Qu'elle disparaisse de l'année, Qu'elle ne soit plus comptée parmi les mois!
[7] Que cette nuit devienne stérile, Que l'allégresse en soit bannie!
[8] Qu'elle soit maudite par ceux qui maudissent les jours, Par ceux qui savent exciter le léviathan!
[9] Que les étoiles de son crépuscule s'obscurcissent, Qu'elle attende en vain la lumière, Et qu'elle ne voie point les paupières de l'aurore!
[10] Car elle n'a pas fermé le sein qui me conçut, Ni dérobé la souffrance à mes regards.
[11] Pourquoi ne suis-je pas mort dans le ventre de ma mère? Pourquoi n'ai-je pas expiré au sortir de ses entrailles?
[12] Pourquoi ai-je trouvé des genoux pour me recevoir, Et des mamelles pour m'allaiter?
[13] Je serais couché maintenant, je serais tranquille, Je dormirais, je reposerais,
[14] Avec les rois et les grands de la terre, Qui se bâtirent des mausolées,
[15] Avec les princes qui avaient de l'or, Et qui remplirent d'argent leurs demeures.
[16] Ou je n'existerais pas, je serais comme un avorton caché, Comme des enfants qui n'ont pas vu la lumière.
[17] Là ne s'agitent plus les méchants, Et là se reposent ceux qui sont fatigués et sans force;
[18] Les captifs sont tous en paix, Ils n'entendent pas la voix de l'oppresseur;
[19] Le petit et le grand sont là, Et l'esclave n'est plus soumis à son maître.
[20] Pourquoi donne-t-il la lumière à celui qui souffre, Et la vie à ceux qui ont l'amertume dans l'âme,
[21] Qui espèrent en vain la mort, Et qui la convoitent plus qu'un trésor,
[22] Qui seraient transportés de joie Et saisis d'allégresse, s'ils trouvaient le tombeau?
[23] A l'homme qui ne sait où aller, Et que Dieu cerne de toutes parts?
[24] Mes soupirs sont ma nourriture, Et mes cris se répandent comme l'eau.
[25] Ce que je crains, c'est ce qui m'arrive; Ce que je redoute, c'est ce qui m'atteint.
[26] Je n'ai ni tranquillité, ni paix, ni repos, Et le trouble s'est emparé de moi.